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Carnaval 2013 "Le bal paré-masqué"

LES BALS CARNAVALESQUES DU BAL MASQUE AU BAL PARE-MASQUE

Aline BELFORT
LES BALS CARNAVALESQUES DU BAL MASQUE AU BAL PARE-MASQUE

Voilà une série de trois articles d’Aline BELFORT, auteure du "Bal Paré Masqué" chez Ibis Rouge en 1998. Après "Le bal masqué", aujourd'hui "Le bal paré-masqué"

Dans cet article nous présenterons le bal paré-masqué dans sa composante guyanaise et son organisation en Martinique.
Le bal paré-masqué est une manifestation carnavalesque qui fonctionne sur les mêmes bases que le bal masqué à savoir : les participants, jusqu’à une certaine époque étaient tous déguisés et masqués. Mais, il faut y ajouter un rituel construit autour d’un personnage appelé touloulou. Il se déroule dans un cadre spécifique où des codes régissent la musique et la danse.

{{Avènement du bal paré-masqué à la fin du XIX ème siècle en Guyane : 1896.}}

C’est donc au carnaval de 1896 que deux « établissements » ont été créés à Cayenne : le Casino-théâtre et l’hôtel de la Renaissance. C’est surtout au Casino-théâtre que s’opère, progressivement, la fusion du bal carnavalesque des deux classes sociales : populaire et bourgeoise.

Ainsi, le bal paré-masqué naît de la sélection d’un certain nombre d’éléments fondamentaux puisés dans l’un et l’autre groupe et qui constitueront l’ossature de cette manifestation :

- Fusion des lieux de réjouissance. Ils sont localisés géographiquement. Ainsi, le casino- théâtre s’installe à la périphérie de la ville, sur le boulevard Jubelin. Une architecture particulière est observée (piste de danse isolée du pourtour, balcon, miroir, buvette …). Un règlement de fonctionnement est élaboré (contrôle des entrées, des comportements, occupation des espaces …)

- Fusion musicale. On note la migration de certains instruments du bal bourgeois (clarinette, saxophone, violoncelle, batterie) et du bal populaire (banjo, chacha, ti bwa) vers ces nouveaux lieux de plaisir. Le tambour est alors abandonné sur le seuil de ces « établissements ».

Les créations locales côtoient les chansons du carnaval de Saint Pierre apportées sans nul doute par les migrants, comme celles des nombreuses autres communautés présentes sur le sol guyanais.

- Fusion des danses. Les danses exécutées dans les salons bourgeois : valse, biguine, rumba, polka et autres danses exogènes le sont aussi dans les bals populaires mais l’on y privilégie surtout les danses traditionnelles guyanaises et notamment le kasékò. Dans les nouveaux dancings les danses de salon sont alors fortement mâtinées par la gestuelle du kasékò. Par contre, l’expression de ce dernier dans la pure tradition, se fige sur le seuil des « établissements ». Dès lors, la danse au bal paré-masqué porte une signature qui lui est propre. L’impression d’un observateur nous est donnée dans un bulletin local « quant aux danses …elles prennent leur origine dans une dislocation des membres pour aboutir à une dislocation des mœurs ».

Ainsi, un compromis culturel entre ces deux mondes se met en place introduisant de nouveaux codes, pouvant convenir à l’un comme à l’autre. Progressivement, un véritable rituel se structure caractérisant ainsi le bal paré-masqué.

Nous allons maintenant évoquer d'autres aspects fondamentaux

{{Avant la féminisation}}

- Le bal paré-masqué se déroule, en général, le samedi soir pendant la période carnavalesque.

- Les établissements appelés plus tard dancings ont toujours eu un aménagement et une organisation spécifiques (estrade pour l’orchestre, balcon pour les spectateurs, coin buvette, piste de danse, miroir, règlement …).

- Le déguisement et le masque : deux éléments immuables. Au bal paré-masqué, le déguisement et le masque sont exigés et la tenue a toujours été plus soignée que dans les autres manifestations. Un même déguisement peut être porté par une même « bande » de touloulous.

- Les danseurs appelés « touloulous » sont indifféremment des hommes et des femmes. Ils sont tenus de respecter les règles qui seront au fil du temps codifiées.

- Le bal paré-masqué se structure autour d’un rituel orchestré par le touloulou.

- Il est interdit de démasquer un touloulou.

- Il est interdit de danser entre personne du même sexe. Un signe distinctif était porté par les touloulous de la même « bande » afin qu’ils puissent se reconnaître et danser entre eux.

- Seul le touloulou féminin avait le droit d’inviter à danser un cavalier, non masqué, se trouvant sur le pourtour de la piste.

- L’ordonnancement des morceaux était prévu en quatre séries jusqu’à le moitié du XX siècle.

- Le touloulou est tenu de garder l’anonymat absolu.

- Le déplacement dans la salle s’opère dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

En sus du Casino-théâtre, de nombreux autres « dancings » ont vu le jour tout au long du XXème siècle dont « le Soleil levant » connu sous le nom de « Nana », en 1953.

{{Féminisation du touloulou vers 1955}}

Un changement fondamental est intervenu dans le bal paré-masqué vers 1955. Le touloulou se féminise. L’homme progressivement ne porte plus ni masque, ni déguisement.

Le rituel du bal paré-masqué se renforce.

- Seule la femme-touloulou est donc autorisée à inviter l’homme à danser.

- Le cavalier est tenu de lui offrir à boire et à manger.

Ainsi, une nouvelle forme du bal paré-masqué est apparue et perdure jusqu’à nos jours. Son évolution vers le tololo à la fin des années 80 modifie à nouveau les composantes de cette manifestation festive.

{{Le bal paré-masqué en Martinique : 1973}}

Nous devons à feu Albert alias Berly et Ghislaine Glaudon l’introduction du bal paré-masqué en Martinique en 1973, suite à leur participation au carnaval guyanais. Cette manifestation a été adaptée au contexte culturel martiniquais. Ces soirées ont lieu le lundi gras. Deux éléments fondamentaux ont été retenus : l’invitation à danser faite par le touloulou et le style de danse. Cette manifestation privée au départ a été ouverte au public en 1983. Au début, la difficile adhésion des participants à ces soirées « Kay Nana » au « Tam-tam » célèbre boite de nuit de l’époque, a été soulignée par les organisateurs. Au fil du temps, cette pratique a intégré le carnaval martiniquais et d’autres organisateurs ont pris la relève et invitent les orchestres de carnaval guyanais à animer ces soirées.

Aujourd’hui, cette uniformisation du déguisement porté par le touloulou au bal paré-masqué et qui semble le caractériser, est à regretter. S’inspirant du carnaval de Venise, pourquoi pas ? Ces modèles se limitent à quelques variantes et ont tari la recherche d’originalité dans le déguisement qui est une des forces créatrices du carnaval.

Il serait souhaitable que le débat autour de la question du touloulou et du bal paré-maqué quant à son origine puisse replacer, par une argumentation fondée sur des sources fiables, les faits dans leur contexte respectif.

En toute fraternité, sachez que la Guyane accepte volontiers l’emprunt par la Martinique de ses productions carnavalesques que sont le touloulou et le bal paré-masqué. Car, nous avons la certitude que l’on ne peut résister au charme enjoué du touloulou, ni à l’ambiance enivrante du bal paré-masqué.

Aline BELFORT

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