Non, chers lecteurs et lectrices non-Martiniquais, vous ne rêvez pas ! Vous avez bien lu : Fort-de-France, Fort Saint-Louis et la Française. Ben oui, quoi, il est plus facile de déboulonner une statue que d'effacer une dénomination. Par exemple, les plus de 70 ans continuent à appeler le boulevard Général De Gaulle de son beau nom de jadis : La Levée. Et le bord de mer "Jetée" et non "Malecon" comme l'a risiblement baptisé une municipalité qui apparemment passe plus de temps à pratiquer le merengue qu'à équilibrer ses comptes.
Mais revenons à nos moutons, enfin nos iguanes plutôt...Jusqu'à il y a quelque années, notre iguane autochtone dit "péyi" (seul mot créole que tous les Martiniquais, notamment les journalistes, savent écrire correctement) menait une petite vie tranquille dans notre belle île aux fleurs. Certes, il est gris, moche, riquiqui, ne ressemble à rien et s'enfuit dès qu'on tente de le photographier, mais au moins c'est "notre iguane à nous". Tonnan-di-sò ! Allez savoir pourquoi les scientifiques l'ont nommé "délicatissima". A y perdre son latin...
Et puis, une bande d'hurluberlus s'est mise à importer des iguanes étrangers, d'Amazonie pour la plupart. Plus beaux, plus impressionnants et d'un vert translucide par endroits en plus de leur queue rayée de noir. Et ce qui devait arriver arriva ! Ces étrangers se crurent en pays conquis et se mirent à proliférer "tout-partout dans l'En-ville" comme dirait un personnage de roman de Prix Goncourt et finirent par conquérir la pimpante place de la Savane. Etant de chair et d'os et non de marbre ou de fonte comme Joséphine et D'Esnambuc, ils savaient qu'ils échapperaient à la fièvre éradicatrice des activistes. Et de là, ces envahisseurs colonisèrent le Bord de Canal, le Pont de Chaînes, Volga-Plage et poussèrent le culot jusqu'à remonter le cours des rivières Madame et Monsieur, chose qui prouvent qu'ils n'ont même pas de respect pour la royauté française.
Bref, en deux temps trois mouvements, le génocide par substitution de notre iguane "péyi" par l'iguane "rayé" se mit en place, cela dans l'indifférence de la CTM, de l'Archevêché, de la Préfecture, du Club Colonial, du Rotary-Club, du CEREGMIA, de l'amicale des boulistes de Volga-Plage, du Centre d'Etudes Césairiennes, de l'Union des Femmes Offusquées, du Cap-Est Ghetto Club, de l'association du troisième âge "Sourire d'automne" et même de celles et ceux qui rêvent de Zayonn-Sélassié tout en profitant des délices de Babylone-RSA. Il fallait donc qu'un coup d'arrêt soit donné à cette invasion ! Ce génocide par substitution pour dire la franche vérité. Conjuguant donc leurs forces la municipalité de Foyal, l'ONEF et la DEAL ont alors mis en place un programme de capture qui bat son plein ces temps-ci.
Avis a même été donné à la population : dénoncez auxdites autorités tout mouvement suspect d'un énormissime zanndoli vert pâle avec des arêtes sur le dos et des zébrures sur la queue !
(Le petit-fils de Ti Sonson, qui est quand même allé à l'université, a osé se demander, à haute voix, le prétentieux : "C'est quoi "péyi" dans un pays où l'arbre-à-pain et le cocotier viennent de Tahiti, le bambou de Chine, le tamarinier de l'Inde, le bananier et le caféier d'Afrique, la canne à sucre du Moyen-Orient, le chien, le cheval et la vache de Normandie, le filao de Madagascar, le cacaoyer et la manicou d'Amérique du sud et le métro de Métropole ? Savez-vous que si un Caraïbe pouvait ressusciter aujourd'hui, il ne reconnaîtrait pas du tout, mais alors là pas du tout, son "péyi" ?". Fèmen djol-ou, tibolonm ! lui crie dessus son grand-père en lui infligeant une retentissante calotte bien "péyi" celle-là).