Avant l'apparition de ce dernier, nous fêtions seulement les anniversaires de nos proches et celles de leurs décès. Désormais, pas un jour de l'année ne s'écoule sans qu'il faille saluer telle ou telle personnalité vivante ou décédée. A force, cela a fini par devenir un rituel lassant qui aboutit à l'effet inverse de ce qui est recherché : l'internaute met machinalement un "like" en dessous de la photo du ou de la commémoré (e) du jour avant de passer, en une fraction de seconde à l'info qui suit. Son "temps de cerveau disponible", comme aiment à dire les communicants, horrible expression soit dit en passant, n'est, en effet, pas inépuisable. Ou plus exactement il se nourrit de l'éphémère. Les commémorations-Internet relèvent de la momification 2.0.
Le 20 juillet 1925 naissait à Fort-de-France, un certain Frantz FANON qui devrait connaître un destin exceptionnel.
Nul doute que la Toile s'enflammera en ce 20 juillet 2020, la Toile martiniquaise et plus largement antillaise. Mais comme toute flamme, elle finira par s'éteindre au cours de la journée tellement les infos se bousculent dans la tête du Whatsappien, Facebookien et autre Instagramien. Or, cruelle évidence : 90% des internautes n'ont pas lu FANON puisque presque plus personne ne lit de nos jours. C'est d'ailleurs pourquoi, effrayés à l'idée que ceux-ci puissent zapper leurs pourtant maigrelets articles, la plupart des sites-Internet s'empressent de mentionner en en-tête desdits articles : "3 minutes de lecture" ou "5 minutes de lecture". Ce qui normalement constitue une injure à l'intelligence de tout lecteur qui se respecte mais qui apparemment ne choque aucun internaute. Là, on est dans l'analphabétisme 2.0.
S'agissant de FANON, la plupart de nos internautes vont reprendre encore et toujours la seule et unique phrase de son oeuvre qu'ils connaissent :
"Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir.".
Rien de bien nouveau ; Aimé CESAIRE subit, lui aussi, le même traitement, puisque la plupart des gens ne citent de lui que la phrase ci-après :
"Mon peuple quand hors des jours étrangers germeras-tu une tête tienne sur tes épaules renouées...?"
Quant à Edouard GLISSANT, le troisième Martiniquais à avoir réussi l'exploit de faire exister notre minuscule tête d'épingle insulaire sur la carte du globe où normalement elle est invisible (ben oui, l'exploit ! Vous connaissez un penseur ou un auteur indonésien, vous ? Non ! Pourtant l'Indonésie a 275 millions d'habitants), quant à GLISSANT donc, on ne retient en général qu'un mot "Créolisation". Fermons la parenthèse...
En cette date d'anniversaire de la naissance de FANON, une seule question importe en fait : en quoi son oeuvre peut-elle nous aider à comprendre la situation glauque dans laquelle vit la Martinique aujourd'hui ? Qu'aurait-il pensé du cirque électoraliste de nos élus (es) de tous bords et du cirque noiriste d'une fraction de notre jeunesse ? Quelles voies, quels chemins de traverse, sa pensée pourrait-elle nous aider à emprunter pour tenter de sortir de l'impasse tragique dans laquelle se trouve la Martinique ?
Impossible évidemment de répondre à des questions aussi graves dans le cadre d'un banal articulet de site-Internet. Allez voir dans un post Facebook ! Les réponses se trouvent dans les écrits de Fanon et pas dans la commémorationite en tout cas. Il faut d'abord et avant tout lire et relire FANON. Ses textes sont tous en livre de poche, chacun d'eux coûtant moins de 10 euros. Moins cher donc ou pas plus cher qu'un Big Mac complet chez McDo...
