Alors que plusieurs mouvements écologistes s'inquiètent des possibles extinctions dans le monde naturel, les sociétés humaines avaient, il y a deux mille ans, bien trop surexploité une plante, le silphium, depuis disparue.
Tandis que la prise de conscience écologique progresse de manière significative dans le monde, et alors que le mouvement Extinction Rebellion organise la deuxième «semaine de rébellion internationale», il ne paraît pas inutile de rappeler l’histoire du silphium. Aujourd’hui disparue, cette ombellifère à tige cannelée était parée de feuilles proches de celles du céleri et des fruits dorés. Cette plante poussait dans l’Antiquité en Cyrénaïque (actuelle Libye) et devait sa popularité à ses multiples vertus curatives, dans des domaines aussi variés que l’ophtalmologie, la pneumologie, les affections des articulations, des viscères, du système circulatoire, voire de la sexualité (1).
Poids de l'argent
Très prisée, la plante fit rapidement l’objet d’un lucratif commerce d’exportation qui enrichit considérablement les Cyrénéens. Pline l’Ancien (23-79 ap. J.-C.), dans son Histoire naturelle (livre XIX, 15), rapporte que le silphium était vendu au poids de l’argent. Le même auteur indique également que César ne s’y trompa pas en prélevant comme butin dans le trésor de Cyrène pas moins de 500 kg du précieux végétal. Il n’est pas surprenant que le silphium – source de revenu –, figure sur presque toutes les monnaies de la région dès le VIe siècle avant J.-C. comme réceptacle d’une identité locale. Une fois récolté, le suc était mélangé avec de la farine pour permettre une meilleure conservation. Conditionné dans des amphores, le silphium était envoyé vers les grands centres méditerranéens de distribution : Athènes, Délos puis Rome plus tard.
Tétradrachme de Cyrène, vers 435-308 avant J.-C., argent, 13,45 g. (Photo BNF-Gallica)
Cependant, la surexploitation de la ressource causa très probablement l’extinction progressive de ce végétal. Le silphium aurait commencé à disparaître au premier siècle avant notre ère. Pline indique d’ailleurs qu’«un plant et un seul fut trouvé à notre époque et envoyé à l’Empereur Néron». Disparu prématurément, le silphium est à présent considéré comme la première espèce végétale éteinte par l’homme et est ainsi devenu un symbole des destructions environnementales causées par les activités humaines, cela bien avant l’avènement des sociétés industrielles modernes.
La Vérité sur le prétendu Silphion de la Cyrénaïque, François Hérincq, 1875. (BNF-Gallica)
(1) Dominique Frère et Elisabeth Dodinet, le Silphium, plante merveilleuse mais disparue
Julien Olivier Equipe BNF-Gallica