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CONFERENCE-DEBAT A L’INITIATIVE DE « TOUS CREOLES » AU LAMENTIN.

CONFERENCE-DEBAT A L’INITIATIVE DE « TOUS CREOLES » AU LAMENTIN.

A l’initiative de l’association « TOUS CREOLES », le jeudi 8 octobre 2009, dans la salle des délibérations de la mairie du Lamentin, a eu lieu une conférence suivie d’un débat conduite par Me Margaret TANGER.

Invitations lancées par Roger de JAHAM et Gérard DORWLING-CARTER, tous deux membres et co-présidents de cette association.

Il faut d’abord rappeler que nous sommes dans l’article 73 avec deux assemblées sur la seule Martinique ; ensuite que nous venons, pour la seule année 2009, de vivre le soulèvement pacifique et les péripéties du « Collectif du 5 février » contre la « profitation » d’où découle la formule résumant que « Plus rien ne sera comme avant ». Dès le 18 décembre 2008 et ensuite le 18 juin 2009, comme pour encadrer cette période charnière de février-mars de notre histoire, nos élus se sont réunis en congrès et ont majoritairement voté pour l’article 74, ouvrant la voie à la perspective de l’autonomie dans le cadre de la Constitution française et des RUP de l’Europe. Nous ne devons pas pour autant oublier que nous évoluons dans la Caraïbe… Le président de la République, Nicolas SARKOZY, est passé en Martinique pour soutenir cette démarche à la responsabilité locale et nous dire NON au statut quo. Les présidents des nos deux collectivités, Claude LISE et Alfred MARIE-JEANNE, viennent de rencontrer cette semaine à l’Elysée, en même temps que leurs collègues de Guyane, le Président SARKOZY pour s’accorder sur des consultations du peuple, les 17 et 24 janvier 2010 (dates fournies par le chef de l’Etat). Nos élus proposent et le peuple décidera.

Tel est le contexte dans lequel jusqu’à maintenant nous évoluons.

Le jeudi 8 octobre, devant un auditoire constitué de personnes de toutes les couches sociales du pays, Me Margaret TANGER va s’exprimer sur « Les juridictions coloniales devant la Cour de cassation (1828-1848) », de l’ouvrage dont elle est l’auteur. L’atmosphère était de détente, de soif de se connaître et de connaître ce pan de notre histoire liée à la juridiction française.

Le maire du Lamentin, représenté par l’élu Me Philippe EDMOND-MARIETTE, va accueillir les invités, leur remercier de leur présence pour les échanges et la réconciliation : quelques békés, des descendants de colons et d’esclaves et de l’Inde,… des personnes originaires de France, tout au plus une quarantaine de personnes ; R. de JAHAM et G. DORWLING-CARTER vont s’exprimer sur les raisons de cette rencontre et la nécessité de nous réunir pour entendre et débattre du sujet.
Me M. TANGER, il faut le dire, est une martiniquaise issue d’une famille modeste. Elle est Docteur en droit, avocat à la Cour d’Appel de Fort-de-France, titulaire du Certificat de la Harvard University Law School et Diplômée d’Etudes Supérieures des Affaires Caribéennes,… Elle vient de publier « La faillite en droit fédéral des Etats-Unis », une étude sur « Les entreprises en difficulté en Martinique » et « Les juridictions coloniales devant la cour de cassation : 1828-1848 ». Elle a suivi les travaux des Etats généraux de Martinique et vient donc de publier « Réflexions sur la gouvernance et l’évolution institutionnelle à la Martinique ».

Des juridictions coloniales devant la Cour de cassation : 1828-1848, Me M. TANGER explique les étapes tumultueuses de la juridiction française qui ont précédés et qui ont conduit enfin au décret de l’abolition de 1848. La philosophie de la Cour de cassation n’était pas applicable aux esclaves. Elle se réfère au Code NOIR de Colbert qui facilitait la tâche des colons blancs pour exploiter les esclaves et rendait la vie dure à ces individus déportés et considérés comme de la marchandise, donc n’ayant aucun droit applicable à des humains (Code civil de Napoléon pour le régime colonial appliqué en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique). Quant aux libres de couleur, une législation bâtarde leur reconnaissait partiellement les droits civils appliqués aux blancs, mais les privant de l’essentiel de droits politiques. « La loi les affranchissait de la domination des individus, mais on les considérait comme une propriété publique, et comme tels ils étaient exposés aux caprices de tous les Blancs ». Elle s’étend sur les divers esclavages appliqués dans la plupart des pays du continent américain et de la Caraïbe et de leurs conséquences dans nos sociétés. Elle parle des juridictions de l’époque, une histoire un peu complexe que les initiés en droit comprennent bien mieux que les non initiés. Elle s’applique à bien nous faire comprendre les divers comportements des colons vis-à-vis de leurs exploités dépersonnalisés, rendus dociles, obéissants et des exploités vis-à-vis de leurs maîtres, leur devant reconnaissance. En 1828, les régimes qui succédèrent au consulat ne furent pas remis en question, une ordonnance royale dispose que la colonie sera régie par « le code civil, le code de procédure civile, le code de commerce, le code d’instruction criminelle… ». C’est vrai, seuls les colons pouvaient commercer et échanger avec la métropole ; les travailleurs, disons surtout les esclaves, s’exprimaient dans un « bocal » pour reprendre l’image de R. DESIRE et se limitaient à ne rendre compte qu’aux maîtres. V. SCHOELCHER observa que c’était une situation scandaleuse : « Le scandale n’est pas dans les verdicts que des juges placés dans de telles conditions peuvent rendre, le scandale est dans la loi qui prend les juges dans une telle situation qu’il leur faut faire un choix entre leurs intérêts et leur devoir »… Ses informations viennent en complément de ce que nous trouvons dans les divers livres d’histoires publiés sur colonialisme et singulièrement de la Martinique. Afin de mieux nous imprégner de ses explications, le mieux est de lire l’ouvrage en question publié et en librairies.

Au débat, dont la parole est donnée au public, Me Margaret TANGER a été félicité pour son travail et a été remercié pour tout.

Roger de JAHAM dit qu’il ne savait pas toutes ces choses et que dans sa famille on se gardait de parler de l’époque de l’esclavage et des conséquences sur notre société. Quand devenu grand il a appris ce passé pas du tout glorieux, il a été frustré se demandant comment ça a pu se faire, durer si longtemps. Depuis, il s’est mis à côtoyer humblement ceux qui ont souffert, tirant la conclusion que « Tout moun sé moun » (Tout humain est homme) et qu’il faut traiter avec tout le monde d’égal à égal. C’et d’ailleurs le premier descendant direct de colons avec lequel j’avais échangé un peu de notre histoire.

Un autre descendant de colons, de REYNAL, ne comprenait pas bien, du moins n’appréciait pas cette histoire de barrière entre population et békés et il admet qu’il ne faut plus cette barrière, qu’il faut échanger entre nous et nous comprendre, laver le linge sale en famille. Son rêve est de se fondre à la population. Ce même de REYNAL a du mal comprendre à quoi servirait une autonomie pour la Martinique. Je ne sais pas s’il a dit tout haut ce que pensent ses confrères, il ne reste plus qu’à les convaincre. J’ai dû lui rappeler que c’est un pays et qu’autrefois, il n’y a pas longtemps, nous avions beaucoup de sucreries et de distilleries qui apportaient de la richesse aux mains des producteurs exportateurs, mal répartie sur la population des travailleurs et d’une manière générale sur la Martinique. Il a fallu aussi lui expliquer que la Martinique n’a qu’une population d’une petite ville de France, que nous ne sommes pas des sous-hommes, que nous avons des compétences et que nous devrions devenir responsables afin de rendre la prospérité au pays. Et concernant l’indépendance, j’ai répondu qu’il n’y pas à proprement parler de pays indépendants vivant en autarcie, mais des pays souverains et responsables, plus ou moins inter connectés pour exister, se tirant des ficelles pour vivre, survivre…
Un professeur d’histoire en lycée, Mlle ORLAY, a fourni des informations sur l’histoire de la Martinique et remercia Me TANGER de lui avoir apporté ce complément sur ce qu’elle ignorait par endroits.
Il y eu d’autres intervenants…

Au fond de la salle des délibérations, il y a un tableau dessiné par notre artiste Hector CHARPENTIER, un tableau des membres du Gouvernement Provisoire de 1848 discutant et signant avec SCHOELCHER le décret de l’abolition. Il a été commenté et on nous fait remarquer qu’il y avait un homme de couleur témoin, son nom n’a pas été révélé. N’oublions pas que, dans le même temps, à la Martinique les esclaves s’acheminaient déjà, prêts à se sacrifier, à la démarche physique de l’émancipation.

Il n’a pas eu de service de collation, mais nous avons tous eu droit à de l’eau de Chanflor de la Martinique.

Cela a été une occasion de rencontre et d’échanges

Finalement, à l’unanimité, il a été réclamé qu’il y ait d’autres moments de rencontre et de discussion sur le sujet, afin que tout le monde soit mieux imprégné de notre histoire et du droit d’une manière générale.

N.B. : les citations sont extraites du livre de M. TANGER ayant servi de support à la conférence.

Martinique, le 10 octobre 2009.

Résumé et photos de L. LITAMPHA

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