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ANAÏSE, PERSONNAGE DE JACQUES

ANAÏSE, PERSONNAGE DE JACQUES

Ce texte de Dominique Batraville, est écrit à l’occasion du centenaire de naissance de l’écrivain haïtien Jacques Roumain (1907-1944) et vient d’être publié dans l’ouvrage collectif intitulé « Mon Roumain à moi », publié cette année par « Les Presses Nationale d’Haïti ».

Je m’appelle Anaïse. Je sais que je suis veilleuse de rosées. Suis-je un simple personnage littéraire ? Je m’appelle Anaïse. On prétend que mon nom constitue un cantique d’avant-jour.

Je suis Anaïse et je vis ma vie de paysanne. J’ai un homme qui s’appelle Manuel. Il revient de Cuba avec son expérience d’ouvrier. Il a un rêve : trouver de l’eau dans notre communauté, faire jaillir l’eau.

Tout le monde sait que l’eau c’est la vie. Tout le monde sait qu’à l’origine tout se faisait pour l’eau et pour le feu. Le monde d’avant a connu des guerres pour l’eau. Tout le monde sait que l’eau redonne la vie. Regardez nos mornes chauves. Ici, au village, on attend l’eau pour enfin planter et récolter. On trouvera engrais, tracteurs et des camarades de plantation aux regards francs.

Faut-il le redire ? J’attendrai la lumière nouvelle sur un banc. Les agriculteurs et marchandes viendront discuter du coût de chaque denrée. Certains me demandent pourquoi mes parents avaient de m’appeler Anaïse En passant, Anaïse on dirait, une musique. C’est comme si j’entendais la voix de Manuel déchirer l’instant de mémoire qui est le nom d’un parfum. Anaïse, ça sonne, ça résonne, ça devient l’écho des nuages, ça devient un poème, un poème lyrique.

Je m’appelle Anaïse. Je vis ma passion de la terre et je vais travailler, labourer la terre, en brave paysanne. Et, j’ai besoin de charrues, j’ai besoin d’engrais pour nourrir la terre.

Je suis, une terrienne, une femme de la terre. Je dois arroser la terre, labourer la terre. Je dois utiliser les tracteurs pour faire fructifier la terre et avoir de meilleures récoltes. J’ai les clés de l’agriculture. J’entrevois des allées de légumes et d’oranges. Je veux faire pousser un oranger sous les aisselles du Bon Dieu.

Je suis la bien-aimée de Manuel .Il vient de me donner un fils, oui, un fils vaillants au regard lumineux. Je perpétue son rêve .Je veux que toutes les montagnes deviennent vertes. Comme vous les voyez, ces montagnes sont assez chauves. Quand la pluie tombe, faute d’arbres, l’eau emporte tout sur son passage. Ce n’était pas comme ça hier. Nous avions eu ici des allées de verdure, des montagnes luxuriantes, nous avions eu des jungles vertes, des arbres géants. Voilà que nous ne sommes maintenant qu’une peau de chagrin.
Cette terre ravagée par les cyclones, va –t-elle revivre les croassements des corneilles, autrement dit nos moineaux ? Bêtes et chrétiens vivants ne sauraient avoir encore une fin tragique?
Eh oui ! Cette terre terrassée par des monstres, asservie par des mauvaises graines verra-t-elle enfin son plus pur arc-en-ciel ? Mon Manuel a voulu appliquer à la lettre les bonnes notions qu’il a acquises à Cuba. Est-ce du passé ?qu’en est-il du présent chaud ?
Manuel a voulu réunir tout le village pour la recherche de l’eau, de la source. Je veux oublier la mort de Manuel et j’entends comprendre pourquoi, il a versé son sang.

Les oiseaux déploient leurs ailes. J’écoute leur concert, comparable à l’annonce de la saison des hommes de bonne volonté .J’aperçois des travailleurs. Ils sont presque tous en fête. Ils reprennent leurs chants, leurs acclamations.
La mer m’emmène ses soupirs. Je veux rêver d’une terre à célébrer. Je veux rêver d’une communauté, je veux toucher des oignons, des tomates vertes, des bananes parfaites. Nous sommes les Gouverneurs de la rosée .Nous vivrons tous la bonne saison .Les ramiers reprennent leur envol.
Je m’appelle Anaïse. Que dira Délira Délivrance? Nous disons honneur, honneur à la rosée des Gouverneurs solaires.

{ Je veux donner des jouets aux enfants qui n’auraient jamais eu des jouets.}

Est ce vrai que je suis toujours à la hauteur de Jacques ? On prétend que son prénom c’est Jacques. Jacques, mais qui est –il ce Jacques des rosées? Il y a tellement de Jacques ici. Il y a tellement de Jacques dans l’histoire de ce pays. C’est un prénom de vigile. Pour moi c’est un homme en colère, mon Jacques. Je dois revoir les traces de Jacques chez les Mayas, les Aztèques. Je veux savoir s’il a connu un autre Jacques. Et son Compère Général soleil ? Je compte voir l’espace d’un cillement mon auteur nommé Jacques.

{Je ferai tout pour revoir mon Jacques, toucher sa photo en premier lieu. Ne suis-je pas son personnage littéraire ?}

Je veux voir cette terre et boire mon tafia avec les paysans, de vrais maîtres de veillées Je veux voir cette terre très fatiguée. Je dois remplir mes cruches d’eau, gargariser en paix. La fête de l’eau va commencer. Mon songe fait l’aller-retour Cuba/Haïti.

Je dis {{Bonjour !}} Je dis {{Honneur !}} Répondez {{Respect ! }}

_ Tranquille !

_ Honneur mon Compère Manuel !

_ Dlo ! Dlo !

- Voici un peu d’eau mon bien-aimé. Juste un gobelet d’eau. Ca te fera du bien.

- De acuerdo !

{{Dominique Batraville}}

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