Bon, soyons très modeste et sans moquerie.
Les 207.057 personnes qui ne sont pas allés voter dimanche dernier ne sont pas tous des militants patriotiques conscients refusant de jouer le jeu de la gestion coloniale.
Soit.
Mais il en existe. Et de plus en plus.
Il est sidérant que les journalistes et autres politologues sans parler des politiciens aient expliqué le niveau de l’abstention à cause de la crise sanitaire et de la fête des pères mais aucun n’a abordé la signification politique du refus d’une partie de ce peuple à ne plus être un jouet au carnaval de l’Autre.
Cela est une illustration de leur aveuglement, de la coupure entre la réalité et l’apparence légale.
Tous ces gens qui se gargarisent du mot de démocratie omettent de poser une question : quelle légitimité aura ou Letchimy, ou Marie Jeanne à se dire (sans rire) le « président de tous les martiniquais » quand il représente ou 9,87% ou 8,04% des inscrits ?
On en est là et certains vont continuer d’opposer un « état de droit » à ceux qui remettent en cause leur système.
Néanmoins, pour tenter une analyse (politicienne) de ce premier tour, faisons quelques observations.
Observez un point. Plus les listes ont des maires ou des soutiens de maires, plus ils font des voix. Cela démontre que l’assistanat et la dépendance sont encore fort pour ceux qui votent. Prenez les listes, énumérer les maires qui les soutiennent et vous avez l’ordre parfait du résultat.
Même si le PPM sort en tête (rappelons qu’il avait près de la moitié des maires dont ceux des 5 premières villes du pays et les trois présidents de communautés d’agglomération), il perd 10000 voix par rapport à 2015. Bref, le conglomérat des « zélus » n’a pas été suffisant pour une victoire par KO. Il faut dire que bon nombre des voix perdues se retrouvent chez Conconne. Le courant conservateur procolonial reste donc une force conséquente.
Marie Jeanne perd aussi plus de 5000 voix, ce qui tend à penser que les ralliements à sa droite (Laventure, Pamphile, Edmond Mariette, Gémieux, Mirande, etc…) qu’il a obtenus par rapport à 2015 ne lui ont pas permis de limiter les pertes (RDM, Niloristes etc…). En tous les cas, la prime au sortant n’a pas joué pour lui et la proclamation d’une élection au premier tour s’est perdue dans un marécage de prétention et de campagne sur sa personne.
La vraie défaite du premier tour est l’élimination de Y. Monplaisir dont il faut rappeler et souligner que par rapport à 2015 il n’avait pas uni la droite cette fois-ci, même si entre temps il a gagné une municipalité. Le score de Y. Monplaisir démontre cette force des maires car en 2015, il avait eu le soutien de Lesueur et de Tirault, outre d’autres se disant de droite à l’occasion.
Nilor a raté sa campagne comme il a raté la création de son parti. Le « zanzolage » ne paie plus. Ne pas savoir choisir n’est pas une qualité quand on est un homme politique. Il passe la barre des 10% mais de justesse. Le second tour risque d’être mortel du fait du vote utile de « tout sauf le PPM ».
Conconne a réussi son pari de s’assurer un poste électif pour les prochaines années. Elle conforte cette vision alimentaire de la politicaillerie.
Ce qui reste dramatique, c’est que des quatre qualifiés (les autres étaient d’ailleurs pour l’essentiel du même acabit !), aucune idée nouvelle, aucune affirmation d’un combat pour la dignité, la liberté, la souveraineté, la décolonisation. Rien. Ayen épi ayen.
Le drame est bien que le pouvoir colonial fait un carton plein car aucun des qualifiés ne le remet en cause ou même en question. A titre de comparaison, les listes nationalistes en Corse regroupent 57,7% des voix avec une participation supérieure à 50%. Je le disais précédemment. La logique de la gestion de l’institution coloniale fait que les enjeux politiques disparaissent des discours des partis.
Ainsi, dimanche soir sur Martinique Première, la seule discussion entre la représentante du PPM, la patronne Casanova, et Francis Carole a porté sur la gestion de la lutte contre la pauvreté, la tête de section de Marie Jeanne accusant le parti de Trénelle de vouloir trop dépenser et donc d’avoir un programme irréalisable ! Effarant !
L’absence d’enjeu politique réel entre les protagonistes fait que les égos prennent le dessus. Quatre listes, pas de fusion car les Alfred et Serge n’ont toujours pas digéré les départs de leur fils spirituel ou ancienne vice-présidente !
Doit-on espérer un vainqueur ? La défaite de Marie Jeanne ferait elle des militants sincères se détourner de la « gestionnite » et reprendre (ou prendre) le combat ? La période de 2010 à 2015 peut en faire douter. Il est aussi à craindre que la victoire du MIM ne fasse pas plus avancer les choses.
Vivement lundi 28 juin pour qu’on reparle à nouveau de choses sérieuses dont (entre autres mais pas seulement) la lutte contre l’impunité des empoisonneurs de notre pays.
Vivement que les patriotes sincères se réunissent pour bâtir un programme minimal et un agenda national et international pour la décolonisation avant le 400ème anniversaire (il ne reste que 14 ans) de la nuit coloniale !
Raphaël CONSTANT
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