Dans son roman intitulé Humus, l’écrivaine martiniquaise Fabienne Kanor prête sa voix, par delà les siècles, à des Africaines déportées, qui un jour de 1793 se précipitèrent du bateau négrier, ensemble, dans l’océan. Elle leur donne la parole car elle se sent leur l’héritière.
J’ai eu le privilège de voir et d’entendre, deux ans avant sa mort survenue en 2005, un musicien marie-galantais, Lin Canfrin, se produisant dans le cadre de la remise du Prix Carbet, à la Ramée, Sainte-Rose. Je ne sais qu’écouter la musique mais j’ai gardé un souvenir empreint d’émotion de cette prestation.
Alain-Pierre Pradel est né en 1949 d’une mère saint-claudienne. Son père originaire de Deshaies a perdu ses parents, très jeune, et il a grandi en France chez un frère commissionnaire dans un grand magasin parisien. Cet aîné, volontaire et rigoureux, était avide de connaissances et de promotion sociale. Le père d’Alain-Pierre fera carrière dans la marine avant de revenir en Guadeloupe. Au Lamentin, où lui et son épouse travaillent comme infirmiers au dispensaire de la Rosière, il a du mal à s’adapter à la vie antillaise et chez lui, c’est encore la France.
En 1963, MARCEL MAVOUNZY (1919-2005) réalise le premier enregistrement de gwo-ka en pleine campagne de Dampierre au Gosier, avec le tanbouyé Vélo. Le curé le menace d’excommunication pour vouloir la dégénérescence de la culture guadeloupéenne. Le 7 mars 1966, il enregistre la version originale de « Zonbi baré mwen », chantée sans accompagnement musical. Le curé de Pointe-à-Pitre l’accuse de « blasphème contre dieu ». Marcel Mavounzy a raconté dans un ouvrage, en s’appuyant sur ses souvenirs, cinquante ans de musique et de culture en Guadeloupe, de 1928 à 1978.
En 1931, la France régnait sur un immense empire dont elle s’enorgueillissait notamment par le biais de l’Exposition coloniale de Paris qui attira 8 millions de visiteurs. Une manière d’ancrer dans les esprits des préjugés racistes qui perdureront. Dans ce contexte furent exhibés comme des animaux, 111 Kanaks, dans un « zoo humain ». L’écrivain Didier Daenincks a construit, autour de ce thème, un récit pour les jeunes, « L’enfant du zoo ».
Jean-Baptiste Rosemond de Beauvallon (1819-1903) naît, en 1819 dans une famille blanche, en Guadeloupe. Il y est élevé (contrairement à de nombreux blancs-pays envoyés très jeunes en France). Il fait ses études à Paris, où il fréquente Alexandre Dumas et Honoré de Balzac, il devient journaliste, notamment en tant que rédacteur en chef de la Revue coloniale. En France, il souffre de voir critiquer les blancs créoles dans le cadre des débats ayant pour thème l’esclavage.
Suzanne Lacascade (1884-1966) est martiniquaise par sa mère et guadeloupéenne par son père, un médecin de la Marine qui fut député de son pays natal puis gouverneur de Mayotte et Tahiti. Cette enseignante n’a écrit qu’un seul roman, Claire-Solange, âme africaine.
Prix Médicis étranger 2005, Neige est un roman touffu, un texte très littéraire sans hermétisme, qui nous présente, à travers le regard d’Orhan Pamuk, une Turquie à la recherche de son identité.
Dans les années 50, cent ans seulement après l’abolition de l’esclavage, Sapotille écrit son journal à bord du bateau qui l’emporte vers une mère patrie magnifiée. Elle espère oublier en France un passé douloureux et des déboires sentimentaux. Mais « la marée des souvenirs » la submerge.
Hanta travaille à alimenter la presse d’un atelier de recyclage de vieux papiers dans laquelle sont englouties des tonnes d’ouvrages que l’on devine condamnés par une censure implacable. Il aime son travail autant paradoxalement que les livres dont il s’efforce de sauver le plus grand nombre. Les livres, il les aime « parce qu’un vrai livre le renvoie toujours ailleurs, hors de lui-même ». Ce « tendre boucher » vit seul, uniquement préoccupé de préserver de la destruction les œuvres interdites, qu’il entasse dans sa maison. Et chez lui, le soir, il s’instruit malgré lui. Ses compagnons sont Socrate, Sénèque, Jésus, Erasme, Nietzsche… Sa vieille presse mécanique, il l’aime aussi et économise pour l’emporter avec lui, à l’heure de la retraite qui va bientôt sonner. En attendant, il s’efforce de donner une note artistique aux ballots de papier qu’il produit en y insérant, intact, un livre choisi avec soin.
Albert Béville est né à Basse-Terre, le 15 décembre 1915, dans une famille bourgeoise. Son père Raoul Béville (1860-1920) est un des premiers noirs à être avocat et sa mère Edmée Michel (1871-1923) se trouve être une blanche à une époque où les préjugés raciaux sont vivaces. Raoul Béville est un homme politique aux ralliements fluctuants (Gerville-Réache, Légitimus, Boisneuf), qui meurt alors que le jeune Albert est âgé de 5 ans. Son épouse meurt 3 ans plus tard. Orphelin, Albert Béville est élevé par sa sœur Laurence.
Cet article ne prétend ni être exhaustif quant au relevé des méfaits, ni scientifique quant à l’exploitation à en faire, ce serait travail de spécialistes. Il s’attache seulement à mettre en exergue quelques évidences concernant les manifestations de violence en Guadeloupe à une époque souvent présentée comme exempte de dysfonctionnements sociaux.
Palimpseste : « Manuscrit sur papyrus et surtout sur parchemin, dont la première écriture, enlevée par grattage ou lavage a fait place à un nouveau texte. » Larousse.
En 1979, le Guadeloupéen F. Gracchus publie Les lieux de la mère dans les sociétés afro-américaines (Editions Caribéennes). Pour lui l’enfant imaginaire de la femme esclave et de ses descendantes est l’enfant d’un père blanc fantasmé. En 1995, la Martiniquaise L. Lesel se penche sur un autre aspect de la question dans une étude intitulée Le père oblitéré (Editions L’Harmattan). Elle nous rappelle que pendant des siècles « la paternité esclave eut à souffrir de la toute puissance disqualifiante du maître ». Elle nous explique aussi que « c’est la mère qui fait exister le père pour l’enfant à travers ce qu’elle dit de lui ». Et elle nous montre que dans les sociétés post-esclavagistes, à travers les générations de mères et de filles, le père est « oblitéré » par la toute puissance de la mère. Le roman de Jamaica Kincaid est une parfaite illustration de ces essais théoriques.
En 1983, le SGEG (Syndicat Général de l’Education en Guadeloupe) publia une brochure consacrée à l’abolition de l’esclavage, intitulée « A pa Schœlcher ki libéré nèg ». La parution de ce petit fascicule de vulgarisation, militant mais bien renseigné, et dont les auteurs, en tant que précurseurs, reconnaissaient les insuffisances, a su jeter un regard neuf sur un événement, un homme et un mythe, à une époque où l’histoire de la Guadeloupe niée ou méconnue était alors un terrain d’investigation en friches. Les études historiques publiées depuis ne démentent en rien l’essentiel de son contenu et donnent à voir notamment l’ampleur des actes de résistance chez les esclaves.
L’universitaire guadeloupéen Philippe Zacaïr enseigne aux Etats Unis, il étudie les rapports entre Haïti et ses immigrés afro-caribéens. Dans le Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, n°154, il nous propose un article consacré aux immigrés de la Guadeloupe et de la Martinique en Haïti, dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Je suis né à Roseau mais j’ai grandi au nord de la Dominique à Portsmouth, Grand’Anse en créole, avec mes parents. Ma mère était mère au foyer et mon père travaillait dans la société des téléphones qui à l’époque était gérée par le gouvernement. J’ai eu une enfance calme, nous habitions à un kilomètre de la ville. J’avais un frère de onze ans plus âgé que moi, j’étais donc un peu comme un enfant unique, j’étais solitaire.
On a entendu parler des dictatures de l’Amérique du Sud et des guérillas qu’elles ont engendrées. Mais qui connait le putsch militaire survenu au Brésil en 1964 et la guérilla de l’Araguaia ? Les guérilleros de l’Araguaia étaient une poignée, quelques dizaines d’étudiants communistes aidés des paysans qu’ils avaient réussi à enrôler. 10 000 soldats furent chargés de les réduire à jamais.
Morris Birkbeck est né en Angleterre, en 1764, dans une famille de quakers (chrétiens dissidents) mais quoique très religieux, il s’oppose au rigorisme de sa confession d’origine. Fermier d’avant-garde, il se lance dans l’élevage de mouton mérinos. Progressiste, républicain et égalitariste, il n’accepte pas la discrimination dont il souffre sur le plan politique, notamment l’impossibilité de voter alors qu’il est contraint de payer taxes et impôts. En 1817, il prend la décision de changer de pays et de vie. Avec des parents et des amis, il se lance à l’aventure dans le Nouveau Monde. Pendant des mois, parti depuis la côte de Virginie, il voyage jusqu’au territoire de l’Illinois, où il se fixe en 1818.