Lorsqu’en 1992, Raphaël Confiant publia son ouvrage critique sur Aimé Césaire, « Une traversée paradoxale du siècle » (éditions Stock), cela provoqua un véritable tollé. En effet, c’était la toute première fois que quelqu’un osait s’attaquer au Nègre fondamental, cela en des termes parfois très durs. Toutefois, les lecteurs les plus honnêtes n’avaient pas manqué de remarquer deux choses : d’abord que le texte dénotait une grande connaissance et de l’œuvre littéraire et du travail politique de Césaire. Connaissance manifestée à travers des citations littéraires d’une part et des extraits de discours politiques de l’autre ; ensuite que derrière les critiques et la déception clairement manifestées se dissimulait un chant, non pas d’amour, mais d’affection. D’affection filiale. D’aucuns avaient accusé R. Confiant d’avoir voulu tuer le père. D’évidence, c’était tout le contraire. D’autant que quelques années plus tôt, dans « Eloge de la Créolité », P. Chamoiseau, J. Bernabé et lui s’étaient décrits comme « fils à jamais d’Aimé Césaire ».

Depuis 1992, de l’eau a coulé sous les ponts. Les passions se sont apaisées. Césaire est mort et beaucoup ont appris non sans stupéfaction que durant des années Confiant l’avait rencontré en secret et qu’il préparait même un ouvrage d’entretiens intitulé « Conversations avec le Nègre fondamental » ! Entre temps, en 2006, les éditions Ecriture avaient réédité « La Traversée paradoxale du siècle ». En ce premier anniversaire de la mort de Césaire, c’est peut-être l’occasion de feuilleter cet ouvrage avec un autre œil.