Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

PARADOX-IDENTAL

De Miki RUNEK
PARADOX-IDENTAL

Aux temps lointains (?) où le monde était divisé en deux "Blocs" (le monde dit "civilisé", s'entend, bien sûr!), en cette ère quasi-médiévale, en ce temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître donc, le "Bloc" euro-américain avait pris coutume de se définir comme "occidental", par opposition à l'adversaire "de l'Est". Moscou, certes, est à l'orient de Paris ou de Washington. Bon ! Le reste de la planète, composé d'un ramassis de peuplades bougnoules plus ou moins sous tutelle, ne méritait pas qu'on prît la peine d'en établir les coordonnées géographiques.

Très tôt, toutefois, la tournure commença déjà de devenir quelque peu inappropriée lorsque le Japon se rallia (bon gré mal gré) à ce "Bloc Occidental". Mais après tout, Tokyo est bien à l'ouest de San Francisco, non?... L'Europe n'avait qu'à envisager sa perspective en passant par l'autre côté de la planète, à l’inverse de Phileas Fogg. Et puis de toute façon, c'est presque les antipodes, donc: ni à l'est ni à l'ouest! Avec la dialectique, on s'en tire toujours...

Avec la proclamation de la République Populaire de Chine en 1949, les choses devinrent franchement comiques, car les "Occidentaux" californiens regardaient désormais "l' Est" en observant le soleil couchant (les Japonais aussi, d'ailleurs!).

Les intellectuels de l'époque -ne parlons pas, par charité, des politiques- n'avaient sans doute jamais entendu parler de Galilée, car onc ne s'avisèrent-ils que la Terre était ronde... Et donc, que l'on est toujours à l'occident (ou à l'orient) de quelqu'un. L'ethnocentrisme caucasien ("blanc", pour parler le langage courant) ne pouvait s'adapter à la nouvelle donne mondiale. On serait en droit de penser que les "Gens de l'Est" n'ont pas échappé à cette dérive perverse, puisque Mao lui-même a écrit "Le Vent d'Est l'emporte sur le Vent d'Ouest". Seulement il ne dénonçait pas les "Tigres de Papier" américains, mais les "Vipères Lubriques déviationnistes" soviétiques: donc, les gens de "son" ouest à lui! La Terre restait ronde, et le soleil se couchait toujours du même côté... Mao, donc, n'avait pas perdu la boussole (ce qui est la mondre des choses pour un Grand Timonier!). Mais la boussole, il est vrai, n'est-elle pas une invention chinoise?...

Tan fè tan, tan kité tan, et les événements se sont précipités. Les pays ci-devant colonisés ont fait irruption sur la scène géopolitique, et ont repris à leur compte - pour tenter de s'en préserver - le vieux concept d'hégémonie "occidentale". Là, ça commençait à coïncer un peu: on parlait d'autre chose... Mais enfin, la conférence de Bandoeng avait pour "locomotives" l'Inde, l'Egypte et l'Indonésie, alors tout ça restait globalement -et géographiquement- recevable: les anciennes métropoles impérialistes demeuraient à l'ouest ("l'Occident")... Et puis les Grands-Qui-Gouvernent, en pleine Guerre Froide, dans leur paranoïa entre-destructrice de Docteurs Folamour en délire, avaient d'autres chats à fouetter que des subtilités de langage.

Par contre, la fin de cette Guerre Froide, puis surtout l'effondrement du Bloc Soviétique, ont frappé de cruelle obsolescence la notion d' "Occident"... Depuis que Boris Goût-du-Neuf (Eltsine), se prenant pour Boris Godounov, est devenu le meilleur ami de Bouffe-à-l'Eau Bill (Clinton), qui est à l'Est de qui?... Même après l’avénement de « Ras » Poutine (malgré l’absence de locks sur son crâne déplumé).

Dakar ou Conakry sont à "l'occident" de Paris, Bissau à celui de Lisbonne. Kinshasa, capitale de l'ex-Congo Belge, est grosso-modo sur le même méridien que Bruxelles, son ancienne métropole. Quant à Fort-de-France ou Pointe-à-Pitre, n'en parlons pas!... Et que dire de La Havane, l'un des pôles du "Bloc de l'Est" (sic !)- et, désormais, l'un de ses ultimes bastions?... Néanmoins, on continue d'entendre nos intellectuels, contestataires ou non, utiliser de façon impavide et sans états d’âme les notions d' "impérialisme occidental", de "culture occidentale", etc, pour qualifier ce qui vient (pour nous) du Soleil Levant...

Les chantres du PCM ont été longtemps vilipendés pour s'épicentrer sur le (défunt) Kremlin: ainsi peuvent-ils trouver des excuses à leur apparent manque de sens de l'orientation. Par contre, leurs dénonciateurs les plus virulents, ancrés qu'ils se veulent dans un nationalisme jaloux, ne peuvent exciper d'une telle excuse, d'autant qu'ils sont, pour la plupart d'entre eux, des intellectuels supposément attachés à la valeur des mots. L'Occident, qu'on le veuille ou non, est à l'Ouest! Ce n’est pas de la polémique : c’est de la lexicographie ! Pour reprendre l'expression d'Edouard Delépine (alors qu'il parlait d'un autre problème, il est vrai) il ne sert à rien de remplacer une imposture par une escroquerie - fût-elle seulement langagière... ..

Il serait peut-être temps de réaliser que, si les cartes du « poker politique » mondial ont été redistribuées, les cartes de géographie, elles, demeurent cruellement incontournables. Le concept d' "Occident" est peut-être une commodité de langage qui perdure, mais qui ne signifie plus rien. Le monde, désormais, est revenu trois siècles en arrière: il y a une zone, grossièrement circonscrite en Europe (de "l'Ouest" -et bientôt aussi de "l'Est") et en Amérique du Nord, ainsi que par quelques satellites excentrés; zone riche, industrialisée, et qui n'a rien perdu de ses velléités impérialistes, même si elles s'expriment sous d'autres formes. Et puis il y a "le reste du Monde", pauvre, dominé, affamé, et riche de ses seules potentialités.
Les "nouveaux" concepts de "Nord" et de "Sud" n'ont guère plus de valeur que les précédents, tant il est vrai qu'on se situe toujours au nord de quelqu'un, et au sud d'un autre (sauf aux pôles, où les querelles géopolitiques sont tout de même moins fréquentes qu'ailleurs). Adoncques, au nord ou au sud de quoi? Où situer la ligne de fracture?
A l'Equateur, par pur souci esthétique de symétrie parfaite? Au milieu de la Méditerrannée, pour faire plaisir aux Européens? Au 38ème parallèle, qui sépare la Corée "du Nord" de la Corée "du Sud"?.Au Canal de Panama, qui sépare les deux Amériques?... Pas très sérieux, tout ça!.
L'Australie, la Nouvelle-Zélande, en plein hémisphère austral, relèvent indiscutablement du "Bloc Nord"... L'Afrique du Sud aussi, même après la chute du régime d’apartheid. Où situer le Mexique, géographiquement nord-américain? Et les républiques issues de l'ex-Union Soviétique? Plus nordiques, tu meurs (de froid). Mais si l'on associe au concept « nordique » des connotations de niveau de développement, tout cela devient hautement discutable... La météo, alors ? Il neige chaque année à Pékin, pas à Miami...

Un ethnologue, un sociologue, un politologue, inventera peut-être bientôt un terme pour désigner l'entité politico-économico-culturelle constituée par l'Europe ("de l'Atlantique à l'Oural") et l'Amérique du Nord (USA-Canada), ainsi que les quelques électrons austraux qui se réclament de ce noyau. En attendant qu'un Grangrèk trouve la panacée du vocabulaire, il conviendrait de cesser d'utiliser, au moins chez nous, des termes aussi sottement dénués de sens que "culture occidentale" lorsqu'on cherche à désigner des notions venues de l'Est... De NOTRE Est... Quant à parler de "Monde Blanc"... Certes, c'est le plus simple, le plus commode, et un tantinet démago... Le "monde" en question semble tout faire pour ça, et ça ferait plaisir à Jean-Marie Le Pen. Mais que faire des Japonais, des Taïwanais, des Sud-Coréens?... Et puis le "type humain" arabe est génétiquement classé parmi la "race blanche" (même si ça, ça fait moins plaisir à Le Pen)... Et les Black Panthers n'étaient pas leucodermes… non plus que Fidel Castro ou Che Guevara négroïdes ou asiates...

Ah! Dur-dur, le langage honnête et précis! La langue de bois et les lieux communs, c'est quand même plus facile!...

{{ Miki RUNEK}}

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.

Pages