La censure de deux articles de la loi Molac par le Conseil constitutionnel crée l’émoi parmi les défenseurs de la langue bretonne. À l’approche des élections, les appels à manifester à Guingamp (Côtes-d’Armor), samedi, se multiplient. Emmanuel Macron et Jean Castex se sont exprimés pour tenter d’apaiser les esprits.
Depuis des semaines, la loi Molac, sur les langues régionales, mobilise les défenseurs de la langue bretonne. Heureux des avancées matérialisées par son vote, début avril, à une large majorité à l’Assemblée nationale, puis refroidis par la censure de deux articles par le Conseil constitutionnel, vendredi 21 mai, des centaines de « bretonnants » se sont donné rendez-vous à Guingamp, pour manifester, ce samedi.
L’arrivée de la Redadeg, grande course de relais et de promotion de la langue bretonne, sera le point d’ancrage des revendications, à la gare. Dans un contexte d’élections départementales et régionales approchantes, de nombreuses formations se sont emparées du sujet : le Parti breton appelle à venir manifester ; Daniel Cueff, tête de liste « Bretagne, ma vie » aux régionales, invite « tout le monde à Guingamp » ; l’UDB estime que « le jacobinisme est une prison dont le peuple breton doit se libérer » ; le président de Région, Loïg Chesnais-Girard (PS), dénonce « un gâchis » , une approche « conservatrice » par le Conseil constitutionnel, la « peur d’une autre langue que le français»... La maire de Paimpol, Fanny Chappé (PS) annonce, ce mercredi, « un combat politique qui commence samedi, à Guingamp ».
Le sujet mobilise aussi à droite : Isabelle Le Callennec, tête de liste droite, centre et régionalistes «Hissons haut la Bretagne» sera de la manifestation: « pour défendre la liberté d’enseigner le Breton avec la méthode immersive et celle d’écrire nos prénoms en breton y compris avec les signes diacritiques et notamment le tilde», indique-t-elle dans un communiqué. «Je veux que la Région consacre, dans les années à venir, 1.5 % de son budget aux langues de Bretagne, contre moins de 0.50 % aujourd’hui.»
Annie Le Houerou, sénatrice PS et conseillère municipale de Guingamp, pointe « une démarche (de saisir le conseil constitutionnel, N.D.L.R) incompréhensible entreprise par des parlementaires de la République en marche ».
Des membres de l’actuelle majorité s’engagent eux aussi : mardi, le ministre breton des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a apporté son soutien aux écoles Diwan, demandant au Premier ministre, Jean Castex, de « prendre les initiatives nécessaires à la clarification de la décision du Conseil constitutionnel. Un apaisement est indispensable sur la question des langues régionales ».
Le même jour, le député de Guingamp, Yannick Kerlogot (LREM), interrogeait Jean Castex lors des Questions au gouvernement, après s’être réjoui que le Conseil constitutionnel ait déclaré « conforme » le versement du forfait scolaire aux écoles qui enseignent les langues régionales, « une avancée historique rendue possible par la mobilisation transpartisane des députés de cet hémicycle ».
Reste l’enseignement immersif : pratiqué, selon l’Éducation nationale, à titre « expérimental » dans les écoles comme Diwan, celui-ci consiste à utiliser la langue régionale comme langue principale d’enseignement et de communication. Son inscription dans la loi a été jugée « non conforme » par le Conseil constitutionnel, qui s’en remet à l’article II de la Constitution : « La langue de la République est le français ».
Pour le premier ministre, mardi à l’Assemblée nationale, « il n’y a pas d’opposition entre ces langues régionales et le français, langue de la République ». Jean Castex a ensuite annoncé : « Je vais confier à deux députés une mission pour que soient tirées toutes les conséquences de cette décision du conseil constitutionnel. À la suite de quoi je recevrai l’ensemble des représentants des établissements d’enseignement en langue régionale ».
Sachant que l’utilisation des signes diacritiques dans les documents d’état-civil a également été censurée, pas sûr que cela suffise à rassurer le réseau Diwan, qui pratique l’enseignement immersif depuis des décennies, et qui s’était dit « effaré et en colère » après la décision du Conseil constitutionnel. « Nous demandons au gouvernement et aux députés de prendre leur responsabilité et de clarifier la situation, sans quoi Diwan ne pourrait plus répondre de rien ! »
La manifestation de samedi donnera le ton des défenseurs de la langue bretonne. Pour apaiser les esprits, le Président de la République, Emmanuel Macron, a publié, ce matin, sur Facebook, un communiqué, dans lequel il écrit, au sujet de l’enseignement immersif : « J’ai demandé au gouvernement et au Parlement de trouver les moyens de garantir la transmission de cette diversité linguistique dans le respect des cadres pédagogiques largement reconnus depuis un demi-siècle ».
Un message se voulant rassurant pour les défenseurs des langues régionales, qui ne devrait cependant pas les dissuader de venir à Guingamp, samedi.