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Dernières colonies : le grand bluff de "l'égalité réelle"

Dernières colonies : le grand bluff de "l'égalité réelle"

   Victorin LUREL, ex-ministre des Outremers, vient donc de remettre son rapport sur ce qu'il appelle "l'égalité réelle" dans départements et territoires d'Outremer français. Il s'agit d'un catalogue de mesures, certaines éculées, d'autres nouvelles, visant à permettre un vrai développement économique de nos régions afin qu'elles puissent...rattraper la Métropole. Car derrière le slogan d'"égalité réelle", c'est bien celle, douteuse, du fameux "rattrapage" qui avance masquée. Or, on n'a pas besoin d'être un "gran-grek" pour comprendre qu'il s'agit là d'une idée fumeuse, d'une pure chimère. En effet, nos pays n'ont ni la même trajectoire historique ni les mêmes hérédités socio-ethniques ni la même culture populaire ni le même environnement régional que l'Hexagone. Ils ne sont d'ailleurs jamais sortis de ce qu'on appelle "l'économie de comptoir", sauf que le comptoir est devenu de plus en plus vide au fil des décennies et qu'il n'a pu donner l'illusion d'être rempli que grâce à des transferts financiers franco-européens massifs.

   L'anthropologue français Francis AFFERGAN appelait cela "un mode d'improduction" ; Edouard GLISSANT, lui, "une économie-prétexte". En clair, l'illusion que ça travaille, ça s'agite, ça se déplace, ça produit etc..., mais que derrière ce simulacre, il n'y a rien ou presque rien : le taux de couverture des importations par les exportations dans nos pays varient entre 3 et 10% selon le territoire considéré. Autrement dit trois fois rien. Un château de cartes !  Que le robinet financier franco-européen se ferme pour une raison ou une autre (grève générale comme en Mai 68 ; arrêt des livraisons pétrolières par l'OPEP ; 3è guerre mondiale etc.) et il s'écroulera dans la minute qui suit. Est-ce sur ces bases fragiles que l'on compte bâtir une "égalité réelle" 
   En réalité, ce qu'il nous faut ce n'est pas chercher à rattraper le niveau de développement économique (et donc de vie) de la 5è puissance mondiale qu'est la France, ce qui est du plus haut ridicule, mais d'inventer un mode de développement qui nous soit propre. Qui soit adapté à notre environnement, à notre histoire, à notre mode de vie. Car__et on le voit bien à travers le rapport LUREL__si l'on veut se lancer dans la course folle (et perdue d'avance) du rattrapage, il faudra multiplier les aides, les défiscalisations, les zones franches, les exemptions de ceci ou de cela. Un vrai tonneau des Danaïdes. En créole : chayé dlo an pangné. 
   Mais pour envisager un mode de développement propre, endogène, il faut au minimum une vraie autonomie c'est-à-dire un pouvoir local disposant de compétences réellement élargies, ce qui n'est le cas d'aucun territoire d'Outremer qu'il soit régi par l'article 72, 73 ou 74 de la Constitution française.  A la vérité, la notion d'autonomie est quasiment inconnue dans le système jacobin français et celle de décentralisation, qui a d'ailleurs été longue à se concrétiser, n'en est qu'un ersatz. Ce n'est pas le cas de pays comme l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne qu'aimait souvent à citer Aimé CESAIRE lequel avait une vraie fascination pour les "landers" germaniques.

   Seul un pouvoir local fort pourrait : empêcher l'inexorable destruction, par le bitume et le béton, du potentiel agricole de nos pays (environ 3.000 hectares chaque année en Martinique, par exemple) ; enclencher une réforme agraire qui nous permettrait de desserrer l'étreinte des cultures de traite afin de renforcer le marché intérieur ; investir massivement dans les énergies alternatives (et donc sortir du tout-pétrole) et dans le numérique ; privilégier les transports publics en taxant l'importation de véhicules individuels ; mobiliser notre émigration non pas seulement en France mais dans le monde entier ; établir des relations gagnant-gagnant avec nos voisins, au-delà du sportif et du cultutrel etc...Certes, le rapport LUREL évoque tout cela, mais dans le cadre du système de non-développement actuel, d'économie fictive, ce qui revient à poser un cautère sur une jambe de bois.

   On aura compris que ce ne sont pas tant les mesures préconisées par le rapport LUREL qui sont en cause ou qui sont à rejeter, que le cadre dans lequel celles-ci s'inscrivent. On peut toujours tapisser, décorer, rénover, embellir un appartement dans un immeuble en ruines, mais l'immeuble, lui, demeurera tel quel. Pire : ledit immeuble ressemblera de plus en plus à un EPAD puisque non seulement le taux de renouvellement normal de la population est en-dessous du seuil critique (sauf en Guyane), mais l'émigration a repris. Presque 5.000 Martiniquais quittent l'île chaque année et ce sont pour la plupart des forces vives, pas des septuagénaires.

   Le rapport LUREL ne préconise rien sur ce sujet pourtant crucial. Pas plus qu'il ne s'attaque (sauf à fleurets mouchetés) à ce que Guy CABORT-MASSON appelait "les puissances d'argent". Pourtant ces dernières sont l'un des freins les plus puissants à tout changement réel dans nos pays...

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