L'émotion est, en effet, ce qui nous vient du plus profond du coeur. Ce qui est censé être à la fois le plus naturel et le plus vrai en chaque être humain. Oui, mais ça, c'était avant la multiplication des chaînes de télé et le développement exponentiel de l'Internet lequel a sécrété le pire : les réseaux dits "sociaux". Ces lieux où désormais n'importe qui peut écrire n'importe quoi sur n'importe quel sujet "en se croyant plus intelligent qu'un Prix Nobel" selon le mot cruel mais si juste du grand sémiologue italien Umberto Eco.
Désormais, l'émotion est prise en otage par la digitalisation.
Elle n'est d'abord plus individuelle mais collective et ensuite, elle s'impose subrepticement à tout un chacun sans même que nous nous en rendions compte. Il s'agit dès lors d'une émotion complètement manipulée et en phase avec le néo-libéralisme qui veut nous faire toujours acheter plus, consommer plus. En ligne évidemment ! Le crétin digital est un gros consommateur. D'objets le plus souvent à obsolescence programmée ce que le pauvre ne sait même pas.
Dernier exemple en date : l'écroulement d'un joueur de foot danois au cours d'un match avec la Finlande suite à un arrêt cardiaque. Que cela touche le téléspectateur est tout à fait normal puisque nous sommes encore (pour combien de temps ?) des êtres humains. Par contre, que ladite émotion soit quasi-planétaire est problématique. Pourquoi ? Parce que d'une part, ce joueur danois fait partie de l'équipe de l'Inter de Milan dans laquelle le plus bas salaire est de 50.000 euros par mois, somme sans commune mesure avec les revenus des dizaines de millions de smicards scotchés devant leur télé, et d'autre part, grâce au staff médical présent sur le terrain il a pu être réanimé et est tiré d'affaire.
Comprenons-nous bien : que les médias en parlent sur le moment, aucun problème ! Mais qu'on en fasse des tonnes même quand ce joueur a fini par être sauvé, c'est tout simplement indécent. Indécent parce que quasiment tous les jours quand nous ouvrons la radio ou la télé, nous entendons la même nouvelle à savoir "Un Palestinien a été tué ce matin par l'armée israélienne" et nous n'en avons rien à foutre.
Emotion grandiloquente pour un joueur, un seul, ultra-friqué d'un côté ; je-m'enfoutisme total de l'autre pour des gens (souvent des enfants) qui ont été chassés de leur terre natale et qui vivent sous les bombes. La crétinisation digitale a de beaux jours devant elle.
Commentaires