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"La lessive du Diable", "Chimères d'En-Ville" - Raphaël Confiant

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"La lessive du Diable", "Chimères d'En-Ville" - Raphaël Confiant

"J'irai le tout premier, moi, Mano, et vous suivrez le déroulement de mes pas, et ainsi, vous vous souviendrez".

"(...) moi, Homère, Négre du Lorrain, Nègre-campagne, terre rapportée, vrai bouseux, ne pouvant accoler deux mots de français".

 

"La lessive du Diable" et "Chimères d'En-Ville" se suivent dans la bibliographie de Raphaël Confiant. La langue originale de ces deux romans est le créole.
 
Le premier, écrit en 1978, nous ramène au temps du gouvernement de Vichy. Comme en métropole, il est alors interdit en Martinique d'écouter la BBC et les "mensonges" qu'y diffusent les partisans du général De Gaulle. L'île est sous le contrôle de l'amiral Robert, dont les Martiniquais ont gardé un funeste souvenir, qu'ils associent à une période de misère et de famine.
 
Mano Lorimer est un jeune noir recherché par la police pour avoir assassiné le béké (1) qui l'a empêché de réaliser son rêve -devenir conducteur de train- sous prétexte qu'il avait des sympathies communistes. Mano aspire surtout à être libre, et ne veut dépendre de personne.
"La lessive du Diable" raconte sa fuite, sous une forme narrative parfois difficile à suivre, mêlant harangues de conteur, souvenirs du jeune homme (sans véritable logique chronologique), et apartés relatives à des anecdodes par lesquelles s'expriment les souffrances et les humiliations subies par le peuple martiniquais sous le joug colonial.
 
Raphaël Confiant donne dans un premier temps l'impression de ne suivre aucun fil conducteur. Le lecteur est d'ailleurs un peu perdu, voire rebuté par ce texte où l'on passe du coq à l'âne, et dont on a du mal à saisir les tenants et les aboutissants. C'est peu à peu que les éléments de l'histoire se mettent en place, et que l'on reconstitue ainsi le parcours de Mano, tout du moins dans ses grandes lignes, car je dois bien avouer qu'en ce qui me concerne, certains points du récit sont restés obscurs. Cela a un peu gâché mon plaisir...
Heureusement, il y a la langue, si colorée et si expressive, qui sert de support audit récit. Les dialogues, notamment, sont particulièrement réjouissants, florilèges d'expressions cocasses, de vocables français détournés (je ne peux résister à l'envie d'en citer deux ou trois, tels que "dérespecter", "maudition", ou "heureuseté"), de termes créoles. Le texte est donc haut en couleur, mais aussi souvent très beau, empreint d'une poésie qui exprime avec force les sentiments de ce peuple longtemps brimé et méprisé.
 
 
"Chimères d'En-Ville" a été écrit entre 1979 et 1981. Il y est également question de fuite. Homère, un "descendu" (campagnard venu vivre en ville) originaire du nord de la Martinique, est arrivé une dizaine d'années plus tôt dans le quartier de Morne-Pichevin, à Fort de France, où il s'est mis en ménage avec la belle Adelise. A la suite d'une sérieuse dispute avec cette dernière, et de son éviction du quartier par ses habitants pour un motif obscur et surtout injustifié, Homère se retrouve seul, la valise à la main, à fuir le Morne-Pichevin. Au cours de son périple, il se remémore des souvenirs de sa vie à la campagne puis en ville, révélateurs de son amertume : lui qui pendant des années s'est cru apprécié de ses voisins, qui a toujours rendu service et s'est montré bon camarade, se fait éjecter comme un malpropre, comme l'étranger qu'il a finalement toujours été !
 
C'est aussi son style qui rend la lecture de "Chimères d'En-Ville" si plaisante. Plus abordable cependant que "La lessive du Diable", ce roman est une alernance de l'histoire d'Homère et d'extraits du "Lexique intime d'une négresse en chimères" que rédige Adelise, dans l'optique de créer un dictionnaire pour les "nègres", afin de pallier les lacunes du Larousse : elle trouve les mots des blancs "impuissants à apaiser la souffrance, trop secs, trop froids".
Il sourd du récit l'expression d'un besoin puissant de reconnaissance, et de paix aussi, car l'univers dépeint par l'auteur semble être fait d'antagonismes : antagonisme blancs/noirs, citadins/campagnards, langue française/langue créole...
Il paraît bien difficile de suivre son bonhomme de chemin entre la jalousie des uns et le mépris des autres !
 
La langue de Raphaël Confiant semble à certains moments pouvoir se chanter tant elle est musicale. Elle ouvre sur un monde foisonnant, où truculence et mélancolie parviennent à faire bon ménage.
Loin des clichés des Antilles paradisiaques de sable blanc et de mer bleue, il évoque la Martinique dans toute sa réalité, plus triviale mais aussi plus touchante, et s'intéresse au peuple qui ne figure pas dans les guides touristiques, celui des "putaines", des quimboiseurs (2), des djobeurs (3) et des coupeurs de cannes.
 
 
>>Un autre titre pour découvrir Raphaël Confiant :
 
(1) Antillais en principe non issu de métissage, descendant direct des premiers colons blancs.
(2) Sorciers.
(3) Ceux qui effectuent des petits travaux au noir, bricoleurs.
 

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