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5 juillet 1962 : l'Algérie devient indépendante

Raphaël CONFIANT
5 juillet 1962 : l'Algérie devient indépendante

   Le plus vaste pays du continent africain (depuis que le Soudan s'est divisé en deux états distincts en 2011) peut nous sembler lointain à la fois par la langue, la culture, la religion et l'ethnie, mais nombre d'Antillais, de soldats antillais, y ont perdu la vie au cours de la terrible guerre (1 million de morts du côté algérien/30.000 du côté français) qui s'y est déroulée de 1954 à 1962.

   Des milliers d'ouvrages, dans toutes les langues du monde, mais principalement en français, en arabe et en anglais, ont été consacrés à ce que les différents gouvernements français (y compris celui auquel appartint un certain François Mitterrand) se sont entêtés à appeler "les événements d'Algérie". C'est de colonie qu'elle fut à compter de la conquête du pays par les Français en 1830, l'Algérie fut transformée en...départements au cours de l'année 1848. Soit 1 bon siècle avant ces "Départements dOutre-mer" que devinrent la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion en 1946 ! Les départements algériens, au nombre de trois au départ (Alger, Oran et Constantine) reçurent un numéro d'identification, le 91, 92 et 93, exactement comme le fameux 97 qui nous concerne, nous Antillais, Guyanais et Réunionnais.  

   Le présent article ne vise pas à revenir sur les différentes étapes de la guerre d'Algérie puisque, comme déjà indiqué, des milliers d'ouvrages en ont fait leur sujet et surtout parce que de nos jours, grâce à l'Internet et en particulier Wikipédia, il est facile de presque tout savoir sur elle. Ce "presque" signifie qu'il continue à y avoir quelques zones d'ombre et nous concernant, celle qui a trait à la participation de nos soldats antillais. Ces derniers furent plusieurs milliers, soit des militaires de carrière (pour la plupart simples soldats ou sous-officiers) soit des appelés comme l'on disait à l'époque où le service militaire était obligatoire en France. L'image héroïque de Frantz Fanon, médecin-psychiatre à l'hôpital de Blida, qui décida de rejoindre le FLN (Front de Libération Nationale), donne une perception fausse de la participation des nôtres à cette guerre. Non, tous les Antillais présents en Algérie entre 1954 et 1962 ne furent pas des Fanon ! Loin de là, très loin de là car la grande majorité d'entre eux se comporta exactement comme leurs camarades de régiment bourguignons, bretons, vendéens, provençaux etc... c'est-à-dire comme des jeunes gens brutalement plongés dans un conflit dont ils ne connaissaient ni les tenants ni les aboutissants. C'est que ces appelés étaient des fils du peuple, souvent des paysans, qui pour la plupart n'avaient jamais vu la mer (on est en 1954) ni pris le bateau et encore moins l'avion. Au sortir de la guerre, des centaines de témoignages de ces "bidasses" furent publiés qui démontrent à quel point l'Algérie leur était inconnue. Ce fut encore davantage le cas pour nos soldats antillais, on l'imagine bien !

   Peu d'articles et très peu d'ouvrages traitent de la participation de nos soldats à cette "sale guerre" comme en vinrent à l'appeler les intellectuels français qui s'y opposèrent. Par exemple, le Martiniquais ou le Guadeloupéen moyen savent-ils qu'outre Frantz Fanon, il y eut au moins quatre de leurs compatriotes qui "passèrent à l'ennemi" selon la terminologie employée par les autorités françaises. Au moins quatre (mais il y en eut d'autres demeurés anonymes) : Guy-Cabort Masson et Daniel Boukman pour la Martinique ; Sony Rupaire et Roland Thésauros pour la Guadeloupe. Rejoindre le FLN était une décision lourde de conséquences et ils l'ont payé très cher après l'indépendance de l'Algérie en 1962 : interdiction de mettre les pieds sur le sol français et par conséquent antillais sous peine d'incarcération immédiate et passage devant les tribunaux militaires. Cet exil ou plus exactement éloignement de la terre natale dura plus de 20 ans pour certains d'entre ces quatre rebelles ! Comme assignés à résidence dans une autre île, pourrait-on dire avec une pointe d'humour, puisque le nom arabe de l'Algérie, El-Djezaïr, signifie les... îles.

 

 

   Assez étrangement la participation des soldats antillais à la guerre d'Algérie a laissé fort peu de traces dans la mémoire populaire antillaise et dans la langue créole contrairement à celle concernant d'autres guerres bien plus anciennes. Même la guerre de conquête du Mexique par Napoléon III qui transforma Fort-de-France en base navale où transitèrent pas moins de 30.000 soldats français, guerre qui date de 1862, a laissé une trace, une petite trace. En effet, l'expression créole, utilisée jusqu'aux années 60 du siècle dernier, Ou ka sanm an moun ki sòti ladjè Meksik (Tu ressembles à quelqu'un qui revient de la guerre du Mexique) pour désigner quelqu'un en haillons ou en très mauvais état physique, en témoigne. Sans doute aussi que nos soldats rescapés du Mexique y ramenèrent ce fameux chien-fè (chien dépourvu de pelage et dont la peau semble métallique) qui n'est autre que le chien aztèque.  

   La Première Guerre Mondiale, la Deuxième et même la guerre d'Indochine ont laissé davantage de traces dans la mémoire collective antillaise que la guerre d'Algérie plus récente. Pourtant chaque mois, entre 1954 et 1962, des cercueils contenant les dépouilles de nos soldats étaient rapatriés (par bateau) en Martinique et en Guadeloupe pour y être rendus à leurs familles. Comment comprendre cette occultation ? Un jour, sans doute, nos historiens, anthropologues ou psychologues nous en fourniront l'explication. Pour l'heure, ce qu'il convient de retenir c'est que Fanon, Cabort-Masson, Daniel Boukman, et Sony Rupaire (et d'autres anonymes) ont sauvé notre honneur au cours d'un conflit qui fut si féroce que jusqu'à la date d'aujourd'hui, le contentieux entre la France et l'Algérie est loin d'avoir été soldé. Les Algériens exigent excuses et réparations. En vain ! On peut douter qu'ils les obtiennent un jour quand on sait que la France n'a jamais remboursé à Haïti, la pseudo-dette d'1 million de franc-or (l'équivalent de 250 milliards d'euros) qu'elle lui imposa en 1825 pour reconnaître son indépendance qui datait de...1804. "Dette" ou plutôt rançon qu'Haïti paya rubis sur l'ongle tout au long du 19è siècle, près de 40% du budget de l'Etat y étant consacré chaque année. Somme qui aurait pu servir à construire des écoles, des hôpitaux, des routes, des usines etc... On comprend alors pourquoi Haïti se trouve dans l'état qui est le sien aujourd'hui !  C'est très bien de couvrir les écrivains haïtiens d'aujourd'hui d'éloges, de les faire entrer à l'Académie française, de leur attribuer des grands prix littéraires, mais on est loin du compte. Très loin du compte ! 

   Pour en savoir plus sur la participation de nos soldats martiniquais et guadeloupéens à la guerre d'Algérie, j'ai publié l'ouvrage ci-après intitulé Du Morne-des-Esses au Djebel chez CARAIBEDITIONS...

 

Commentaires

Frédéric C. | 05/07/2021 - 13:35 :
Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi Fanon s'est investi dans la lutte du peuple algérien plutôt que dans celle de son propre peuple. Certains Martiniquais lui en veulent de nous avoir ainsi lâchés, alors qu'il aurait pu apporter des contributions décisives dans les années 1950, même en étant un peu "isolé", marginal car non dogmatique. S'il avait vécu assez longtemps, on peut d'ailleurs se demander ce qu'il serait advenu de lui après l'indépendance algérienne, surtout après le coup d'État de 1965, sous H.Boumedienne...
Seydou Konate | 05/07/2021 - 14:27 :
Pourquoi il ne s'est pas investi? Car en 1955-1960 les Martiniquais aspiraient à devnir plus Français que les Français et malgré es événements de 1959 ,ils ne voulaient plus sombrer que dans les délices de la Consommation/Dépendance dans laquelle ils se vautrent encore aujourd'hui .Fanon n'avait pas envie de perdre son temps avec des gens comme ça à qui il disait (dans L'an cinq de la Révolution algérienne"): "c'est à coup de pied au cul que la France vous forcera à prendre votre propre indépendance" .Il n'avait pas complètement tort.
Frédéric C. | 05/07/2021 - 19:18 :
Je ne serais pas aussi péremptoire pour affirmer cela: ce serait prétentieux et on manque d'éléments. De plus, une phrase trouvée dans un de ses ouvrages (et selon moi: pas le meilleur), complètement sortie de son contexte, ne prouve rien. Enfin, bien des Mquais ont pensé voire pensent cela, tout en étant retournés et restés en Mque, et luttent à leur manière. Je me pose seulement la question...A

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