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ZIMBABWE : LA DESINFORMATION OCCIDENTALE

Par Raphaël Confiant
ZIMBABWE : LA DESINFORMATION OCCIDENTALE

Le ministère de l’intérieur du Zimbabwe vient donc de publier les résultats officiels des élections pour les législatives. Ceux des sénatoriales et surtout de la présidentielle suivront dans les heures ou les jours qui viennent, a-t-il précisé. Le résultat est net, clair et sans bavure : l’opposition, menée par Morgan Tsvangirai, et son parti le MDC, ont gagné cette première manche en remportant 109 sièges contre 97 pour le parti au pouvoir.

Robert Mugabe a donc perdu le pouvoir au parlement et son gouvernement l’a officiellement reconnu.

Or, que ne nous avait-on pas annoncé avant ce scrutin ? Que Mugabe truquerait les élections ! Qu’il ferait bourrer les urnes ! Qu’il ferait des pressions policières sur les électeurs considérés comme sympathisants de l’opposition ! L’absence d’observateurs internationaux occidentaux avait été dénoncée comme une preuve du mauvais coup en préparation (comme si les observateurs africains et arabes présents, qui ont d’ailleurs noté quelques irrégularités ici et là, n’étaient que des pantins).

On est donc en droit de se poser une question s’agissant du déroulement et du résultats de ces élections : comment se fait-il que, dans ce régime de dictature féroce que décrit la presse occidentale, non seulement les Zimbabwéens ont pu voter en masse, mais en outre, l’opposition a réussi à gagner les législatives ?

Par quelle opération du Saint-Esprit cela a-t-il été possible ?

On attend que l’Occident, champion de la Logique et de la Raison, nous donne une explication un tant soit peu crédible. Pour l’heure, et sans préjuger de l’évolution de la situation, laquelle peut tourner au drame comme au Kenya il y a quelques semaines, et sans faire de Mugabe un petit saint, il est utile de rappeler un certain nombre de vérités. La première est que l’ancien colonisateur, la Grande-Bretagne, avait volontairement donné le pouvoir à la minorité blanche, dirigée par le raciste Ian Smith, au moment de l’indépendance, foulant aux pieds les droits de millions de Noirs. Ensuite, l’Occident avait armé Ian Smith afin de l’aider à combattre l’armée révolutionnaire zimbabwéenne, cela avec également l’appui de l’Afrique du Sud de l’apartheid et d’Israël. Les révolutionnaires zimbabwéens, qui n’avaient reçu d’aide que de Cuba, de l’Union Soviétique et de quelques pays arabes, notamment de l’Algérie de Houari Boumédienne, finirent par faire tomber Ian Smith au terme d’une lutte sanglante de plusieurs années. Dès l’arrivée au pouvoir de Robert Mugabe, ce dernier et son régime furent mis à l’index par la Grande-Bretagne et par d’autres puissances occidentales, accusé qu’il était d’être un agent au service de Moscou qui ne tarderait pas à aider l’ANC sud-africaine à renverser le régime de l’apartheid. L’hystérie atteint son comble lorsqu’il décida de supprimer le nom colonial du pays Rhodésie, pour lui redonner son nom africain, Zimbabwe. Elle se déchaîna quelques années plus tard lorsque Mugabe mit en place un plan de redistribution des terres agricoles accaparées par les descendants des colons blancs, ces derniers possédant 80% des terres arables alors qu’ils ne constituaient que 15% de la population totale du pays. Au lieu d’aider Mugabe à mettre en œuvre ce plan, qui n’était que justice, qui n’était que la juste réparation des méfaits de la colonisation britannique, la Grande-Bretagne et l’Occident mirent un véritable cordon sanitaire autour du Zimbabwe, similaire au blocus yankee que subit Cuba depuis un demi-siècle. Les grands donneurs de leçons de droits de l’homme révélaient là leur vraie nature : ces droits ne concernaient pas l’homme noir.

Dans ces conditions, il était prévisible que Mugabe et son régime se renfermassent sur eux-mêmes et cèdent par moments à la paranoïa, voyant en chaque opposant un agent de la Grande-Bretagne et de l’Occident. Il ne s’agit pas pour nous de disculper celui qui a fini par devenir un dictateur, mais bien de comprendre pourquoi et comment il en est arrivé là. Au fil des ans, suite à une réforme agraire mal préparée et à l’appétit de certains chefs de guerre avides de richesses vite acquises, l’économie zimbabwéenne s’est mise inexorablement à décliner, l’inflation à atteindre des proportions monstrueuses et une partie des élites noires à fuir leur pays. Le cycle infernal de la répression commençait, à la grande joie de la Grande-Bretagne qui n’avait jamais pardonné à son ancienne colonie ce qu’un premier ministre britannique qualifiait d’arrogance. Il faut noter, entre parenthèses, que jamais les Britanniques ne se sont excusés pour les crimes commis par eux en Afrique et en Asie (notamment en Inde) pendant la période coloniale. On connaît ce discours : nous ne sommes pas responsables des crimes commis par nos ancêtres. Facile excuse…

Toujours est-il que dans le Tiers-Monde, on suit avec inquiétude l’évolution de la situation dans de pays d’Afrique australe en espérant que si jamais Morgan Tsvangirai était déclaré officiellement vainqueur de l’élection présidentielle (ou s’il devenait président suite à un deuxième tour), il ne deviendra pas une marionnette du néo-impérialisme occidental à l’œuvre depuis le début des années 90. Car le soutien que l’Occident lui a apporté n’est de toute évidence qu’un moyen de reconquérir une position perdue dans un pays-clef qui est frontalier de l’Afrique du Sud. Un moyen pour ses grandes compagnies minières de reprendre pied au Zimbabwe et d’en exploiter les richesses comme elles le font au Niger, en Guinée Equatoriale, au Gabon ou au Tchad avec la complicité de régimes, hélas, corrompus.

Peut-être que Robert Mugabe, héros de l’indépendance zimbabwéenne, devrait se retirer, accepter sa défaite et laisser le pouvoir à l’opposition. Ainsi, dans quelques années, le peuple de ce pays comprendrait la vraie nature du discours droit-de-l’hommiste occidental.

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