Deux hommes politiques martiniquais se sont prononcés de manière virulente ces jours derniers contre le mariage pour tous, évoquant des arguments tout à la fois religieux et culturels. Ils affirment également que la majorité des Martiniquais y serait opposée alors même qu’aucun sondage d’envergure sur le sujet n’a jamais été organisé.
Mieux : lors de la manifestation contre le mariage pour tous qui a rassemblé un millier de personnes devant la cathédrale de Fort-de-France, près de la moitié d’entre eux étaient des…Métros comme on a pu le voir sur les photos diffusées par la presse et en télévision. 500 Martiniquais représenteraient-ils toute la Martinique ?
Sinon qu’en est-il des arguments avancés contre les « mal-chien » et les « mal-kochon », selon les termes employés par l’un de nos porteurs d’écharpe bleu-blanc-rouge ? D’abord que la religion chrétienne condamne l’homosexualité qu’elle considère comme une déviance et promeut la famille « homme-femme », seule capable de donner naissance à des enfants. Sans doute Nestor et Raymond feignent-ils d’oublier que cette religion a été imposée à coups de fouet par ceux qui ont réduit nos ancêtres en esclavage il y a trois siècles. Peut-être ignorent-ils que ces mêmes ancêtres disposaient de leurs propres religions (vaudou, culte yorouba etc.) qu’on les a forcés à abandonner et que le colon blanc a traité de pure sorcellerie. Il faudrait qu’ils lisent un peu le « Discours sur le colonialisme » d’Aimé Césaire, homme qu’ils disent pourtant admirer. La charge de Césaire contre le christianisme colonisateur est telle que sa mort approchant, il a refusé tout net d’être enterré à l’église (contrairement à Edouard Glissant, autre pourfendeur du colonialisme). Lors du voyage de son cercueil à travers les quartiers de Fort-de-France organisé le jour de son inhumation, le cortège est juste passé devant la cathédrale sans s’arrêter une seule minute, quand bien même l’archevêque et d’autres ensoutanés faisaient le pied de grue sur le parvis de celle-ci.
D’autre part, nos bons chrétiens que sont Nestor et Raymond feignent également d’oublier que l’église catholique a toujours été dans ce pays du côté des Békés et des nantis et pas seulement durant la période esclavagiste. Pendant celle de l’Amiral Robert (deuxième guerre mondiale), Monseigneur Varin de la Brunelière marchait la main dans la main avec l’amiral Robert et la ploutocratie békée lesquels destituèrent tous les maires de couleur légalement élus pour nommer à leur place le plus riche Béké de chaque commune !!!
Si donc Nestor et Raymond avaient été maires à cette époque-là, ils se seraient vus retirer leur écharpe avec la bénédiction de la Sainte Eglise Catholique Apostolique et Romaine. Et que dire de l’escroquerie de 1948, ce fameux pèlerinage de la Madone, que Raphaël Confiant relate dans son livre « La Vierge du Grand Retour », qui a vu l’Eglise inciter le peuple martiniquais à se dépouiller de son argent, de ses bijoux etc. au profit d’une statue en plâtre censée redonner la vue aux aveugles, faire remarcher les paralytiques et même ramener à la vie les bébés morts-nés. Près d’un million de francs de l’époque a été récoltés et encaissés par l’Eglise et jusqu’à ce jour, nul ne sait ce qu’est devenue cette somme. Elle n’a en tout cas pas servi à construire l’église de La Jossaud (Rivière-Pilote), comme l’affirme l’Eglise car celle-ci a été construite avec des pierres prélevées dans la rivière du même nom et construite à coups de main par les habitants du quartier. Quand on continue au long du XXe siècle, on s’aperçoit que nos bons chrétiens n’ont jamais condamné les exactions commises par les garde-mobiles français en décembre 59 et en février 74, exactions à l’encontre de pauvres travailleurs surexploités et surtout sans défense. Quant à la grève générale de février 2009, l’Église s’est montrée à cette occasion la Grande Muette…
Donc cette Église-là, cette Église coloniale, qui a vu 7 prêtres martiniquais démissionner d’un coup dans les années 70, nous n‘en avons que faire ! Adeptes de la théologie de la libération de l’évêque brésilien Dom Helder Camara, les prêtres en question avaient eu le tort de s’intéresser de trop près au sort des plus démunis d’entre les Martiniquais et de questionner le statut colonial de notre pays. Chers Nestor et Raymond, que c’est triste pour vous d’avoir la mémoire si courte ! Quant aux arguments culturels avancés par vous, notamment les prétendues « valeurs martiniquaises qui défendent la famille avant tout », laissez-nous rire ! Allez raconter ça aux dizaines de milliers d’enfants sans père et femmes seules qui survivent grâce à la CAF ! Pourquoi n’avez-vous jamais pointé du doigt ces innombrables géniteurs - c’est le seul titre qu’ils méritent - qui depuis des lustres sèment des enfants à droite et à gauche et ne se préoccupent pas de les élever. Qui ne paient pas leurs pensions alimentaires et ne prennent jamais leur rejetons avec eux, même l’espace d’un week-end. Pourtant, nombre de ces enfants, surmontant courageusement ce handicap, ont réussi dans la vie, on fait des études ont trouvé un travail honnête. Cela sans que jamais ledit géniteur ne lève le petit doigt !
Et que dire de la pédophilie au sein de l’Eglise ? Rarement dévoilée, elle a existé et continue d’exister en Martinique exactement comme dans d’autres pays chrétiens du monde. Cela vous a-t-il jamais chagrinés, chers Nestor et Raymond ? Apparemment non puisqu’on ne vous a jamais entendue l’évoquer ! Il convient d’ailleurs de préciser que les cultes protestants, qui dament le pion au catholicisme depuis deux décennies, ne sont pas mieux. Il n’y a qu’à compter à la prison de Ducos le nombre de pasteurs incarcérés pour escroquerie, viol et autres délits que la presse locale évoque régulièrement. Et puis, la loi de 1905 de votre chère République Une et Indivisible ne sépare-t-elle pas l’Etat et L’Eglise ? Ignoreriez-vous, tout maires que vous êtes, que le mariage religieux n’a, dans le système français, aucune valeur juridique et que cette valeur ne prend corps justement que quand les futurs mariés…passent devant monsieur le maire ?
Nous vous invitons pour finir à méditer ces propos du grand acteur noir étasunien Morgan Freeman :
« {L’homophobie n’existe pas. Ces gens n’ont peur de rien du tout. Ce sont justes des connards } »…
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