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Une "Place de l'Europe" à l'île de Gorée ou quand les "élites" africaines touchent le fond

Une "Place de l'Europe" à l'île de Gorée ou quand les "élites" africaines touchent le fond

   Pendant que les descendants des déportés (trois siècles durant) d'Afrique commémorent la fin de l'esclavage grâce aux différentes révolutions tant aux Antilles que sur le continent américain, en plein mois de mai 2018, le président du Sénégal Macky SALL et son gouvernement ne trouvent rien de mieux à faire que d'inaugurer une...Place de l'Europe dans l'île de Gorée, fameuse pour sa "Porte du Non-Retour", celle qu'empruntaient les cargaisons d'esclaves en partance pour le Nouveau Monde.

    Il convient d'insister sur les "3 siècles durant" car beaucoup de gens, y compris aux Amériques, sont persuadés que nous sommes les descendants de quelques stocks d'esclaves amenés au début du XVIIe siècle, stocks qui se sont reproduits naturellement pour donner nos populations actuelles. CECI EST COMPLETEMENT FAUX. La vérité est qu'il y a toujours eu des Africains qui travaillèrent jusqu'en 1848 (et même après l'Abolition avec les travailleurs sous contrat congolais) côte à côte avec les esclaves créoles. Le Noir "créole" (né aux Amériques) a toujours eu la présence à ses côtés du Noir "bossale" (né en Afrique). Autrement dit, l'Afrique a toujours été présente aux Amériques. Quand bien même tout était fait pour en étouffer les différentes expressions.

   C'est que le colon béké ne pouvait pas se permettre d'attendre que les bébés noirs nés atteignent l'âge de dix ou douze ans pour les faire travailler. Sans donc l'importation régulière de nouveaux esclaves africains, d'une année sur l'autre, jamais les plantations de canne à sucre, coton, café etc. n'auraient pu prospérer. Sans compter que nombre de femmes esclaves tuaient leur bébé à la naissance à l'aide du cordon ombilical d'où le proverbe créole : "Mwen pa ka fè yich ba lestravay" (Je ne fais pas d'enfants pour l'esclavage). Elles ne voulaient pas, en effet, faire subir à leurs nouveaux-nés une existence de souffrances infinies. Sans compter aussi l'espérance-vie très faible (40 ans en moyenne) des esclaves.

   Mais les esclaves créoles étaient tout de même partout plus nombreux que les esclaves africains, sauf dans un seul pays, Saint-Domingue (devenu "Haïti" après son indépendance en 1804) : sur 450.000 esclaves au XVIIIe siècles seulement 50.000 étaient "créoles", les 400.000 autres étaient "bossales". On comprend dès lors mieux pourquoi ce pays fut le seul où une révolution anti-esclavagiste ait réussi. Ces "bossales" se sont battus dans l'espoir d'être rapatriés sur leur terre natale alors que les "créoles" souhaitaient bâtir un état indépendant, ce qu'ils ont fait. Et pour bien marquer leur autochtonie, leur ancrage dans le pays, ces derniers ne l'ont pas débaptisé et appelé Nouveau-Dahomey, Nouveau-Sénégal ou Nouveau Congo, mais..."Ayiti", reprenant son ancien nom amérindien (taino) qui signifie "Terre de hautes montagnes". D'où l'interminable conflit qui a suivi l'indépendance et dont les conséquences se voient encore aujourd'hui. Mais ceci est une autre histoire...

   Revenons au Sénégal actuel et à son président qui inaugure une "Place de l'Europe" à Gorée. Le problème n'est pas cette dénomination en soi, mais bien le lieu qui a été choisi par les autorités sénégalaises. Que les pays africains s'efforcent de développer des relations de cordialité avec l'Europe ou la Chine ou n'importe quelle région du monde, il n'y a aucune problème à cela en ces temps d'irréversible mondialisation. Même la Corée du Nord a compris qu'elle ne pouvait plus se recroqueviller sur elle-même. Mais pourquoi avoir choisi Gorée, ce lieu hautement symbolique pour les Noirs des Amériques ? Comment est-il possible que les autorités ou les élites sénégalaises n'aient pas réalisé qu'il s'agirait là d'une véritable insulte à la mémoire de ceux qui, trois siècles durant, furent forcés de partir au-delà de la Mer des Ténèbres comme on nommait l'Atlantique à l'époque ?  

   Car une "Place de l'Europe" à Gorée revient quasiment à rendre hommage aux colonialistes et aux négriers d'antan. Dans ce cas, autant l'appeler "Place des négriers européens" !...

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