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Le billet du jour

Un mauvais service à la cause des femmes

Un mauvais service à la cause des femmes

   L’affaire Catherine Conconne, qui défraie la chronique martiniquaise, ces temps-ci est en train en s’enferrer dans un inutile débat juridico-juridique qui n’intéresse personne, sauf le microcosme politique et médiatique. D’un côté, certains, brandissant le Code des collectivités territoriales, affirment que Serge Letchimy a outrepassé ses prérogatives et qu’il n’était pas en son pouvoir d’accepter la démission de sa 1è vice-présidente ; d’un autre côté, les défenseurs de la conseillère régionale s’emploient à démontrer que sa lettre n’est aucunement une lettre de démission et donc qu’elle peut parfaitement conserver son poste.

   Débat qui n’intéresse ni Ti Sonson ni monsieur-tout-le-monde. Nous y reviendrons.

   Auparavant, il convient de s’arrêter sur ladite lettre, non pas du point de vue juridique, mais du point de vue de la communication politique. On a d’abord quelque peine à croire qu’elle ait émané de la seule plume de C. Conconne, non pas parce que cette dernière n’est pas capable de l’écrire, mais parce que son tempérament très direct (trop direct pour une politique ?) ne cadre pas avec le caractère alambiqué de la lettre. Il s’agit visiblement d’un document rédigé par un comité de crise qui a cru intelligent de prendre les Martiniquais pour des « tèbè » en contournant la pourtant incontournable démission de C. Conconne sous la forme d’une triple possibilité offerte au Président de Région. Ce grand n’importe quoi a probablement jailli du brillant cerveau de l’Anaconda de Facebook, sauf que les reptiles, si leurs piqures font très mal et sont souvent mortelles, ne sont pas véritablement des plumes. Pas étonnant que cette mascarade anacondesque se soit effondrée et qu’un vaste cafouillage en ait résulté. Voir, entendre et lire de la bouche du président de Région (et d’autres élus PPM) qu’il a refusé « la démission » de C. Conconne d’un côté et voir, entendre et lire sous la plume de l’avocat de la dame qu’elle n’a « jamais démissionné » est certes pathétique, mais aussi, tout simplement inadmissible. C’est de l’amateurisme au niveau de la communication politique comme on en a rarement vu en Martinique au cours des trente dernières années.

   Du coup, Ti Sonson et monsieur-tout-le-monde se sont sentis vexés que les patrons de Plateau Roy aient tenté de les prendre pour les rois des cons. Le Comité de Soutien à Catherine Conconne et la page Facebook correspondante ont fait un flop. Un terrible flop. Qu’on en juge : 109 «amis » à la date d’aujourd’hui !!! Oui, 109, pour un parti qui est majoritaire en Martinique, qui détient la Ville-capitale et qui est allié au Pouvoir en France. Vexant aussi pour la 1è vice-présidente de la Région qu’on aurait imaginée beaucoup plus populaire dans son propre camp.

   C’est dire à quel point les Martiniquais attendent de l’exemplarité de leurs élus !

   Mais toutes ces considérations ne pèsent rien face aux conséquences de l’entêtement de Catherine Conconne à demeurer conseillère régionale et 1è vice-présidente privée de toutes ses délégations de signatures. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on fait partie d’un groupe opprimé et qu’on fait de la politique, on représente automatiquement l’ensemble de ce groupe. C’est une loi sociologique élémentaire. Par exemple, lorsque Bill Clinton a fait des galipettes dans le Bureau ovale de la Maison Blanche avec la fameuse stagiaire, l’ensemble des « Blancs hétérosexuels américains » ne s’est pas du tout senti atteint pour la raison toute simple que ce groupe est celui qui domine la société américaine. Par contre, imaginons une seule seconde que Barack Obama ait agi comme Bill Clinton, ce seraient l’ensemble des « Noirs hétérosexuels américains », groupe dominé, qui aurait été discrédité. Si du temps où il était maire de Paris, Bertrand Delanoé avait fait des entorses à la morale, c’est l’ensemble des « homosexuels blancs français » qui aurait été atteint alors que François Hollande peut s’amuser avec un casque intégral sur une scooter pour se rendre à des rendez-vous galants clandestins, ça fait rigoler tout le monde mais ça ne discrédite pas les « hommes blancs français hétérosexuels » (qui constituent le groupe dominant en France).

   Ce qui est valable pour les Noirs aux Etats-Unis ou les homosexuels en France est valable pour les femmes en Martinique. Contrairement à la Guadeloupe et à la Guyane où les femmes ont investi par leurs propres moyens (et non par une quelconque loi sur la parité) la scène politique, les femmes martiniquaises peinent, et le mot est faible, à trouver leur place sur la scène politique. Cela non pas parce que les Martiniquaises sont plus timorées ou que les Martiniquais sont plus machos que leurs alter ego des deux autres pays, mais pour une raison historique simple : la « société d’habitation » n’a jamais été totalement détruite à la Martinique. La révolution anti-esclavagiste d’Ignace et de Delgrès en Guadeloupe à la fin du XVIIIè-début du XIXè siècle, même si elle a fini par être matée dans le sang, a profondément déstabilisé « l’Habitation » et l’univers blanc créole dans cette île. De même, découverte de l’or en Guyane au milieu du XIXè siècle et la ruée qui s’en est suivie y a tué le système plantationnaire quasiment d’un seul coup.

   Rien de tel à la Martinique où il y a certes eu de nombreuses révoltes d’esclaves et même après l’abolition, des mouvements très puissants tels que l’Insurrection du Sud de 1870, mais rien qui puisse, comme en Guadeloupe et en Guyane, pulvériser le « système béké ». Système patriarcal dans lequel la femme békée est invisible socialement et la femme de couleur une servante ou une maîtresse. Après 1848, Nègres et Mulâtres ont perpétué ce système à leur manière (ma femme dans la case/à la maison et mes femmes dehors), ce qui fait que la Martinique est restée un exemple parfait,  presqu’une momification du système plantocratique, patriarcal, raciste et misogyne qui a régné près de trois siècles aux Antilles. Dans une telle configuration socio-politique, la femme martiniquaise n’a disposé d’aucun espace d’affirmation et d’autonomie au plan politique jusqu’à tout récemment. Celles donc qui comme C. Conconne, mais aussi avant elle et dans tous les partis telles Marie-Alice André Jaccoulet, ont su s’imposer, franchir tous les obstacles, portent donc sur leurs épaules, qu’elles le veuillent ou non, une lourde, très lourde responsabilité : elles ne représentent pas seulement leur parti, mais la Femme Martiniquaise. Exactement comme Barack Obama représente le (la) Noir (e) Américain (e) ou Bertrand Delanoé, l’Homosexuel Français.

   Cette position, inconfortable, impose de très fortes contraintes : exemplarité, rigueur morale, modération du langage, absence d’arrogance. C’est là tout simplement le lot de ceux qui représentent politiquement n’importe quel groupe dominé.

   Madame Conconne, à son corps défendant, ne représente pas le seul PPM comme c’est le cas de ses collègues masculins du même parti qu’elle, mais bien la Femme martiniquaise.

   Son entêtement à vouloir ne pas démissionner dessert donc gravement la cause de toutes les femmes au plan politique.

Commentaires

nadaurelius | 07/08/2015 - 06:53 :
C'est la triste vérité! Si je n'aime pas trop l'image que donne de nous femmes martiniquaises , Mme Conconne. (plus ordinaire que vulgaire) , je regrette ce qui lui arrive . Je la crois sincère quand elle défend le pays Martinique

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