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Chronique du temps présent

« TOUS CREOLES » ....

ou la « réconciliation » sans la vérité…
« TOUS CREOLES » ....

Lorsque que Nelson Mandela arriva au pouvoir en Afrique du Sud, il instaura une Comité « Vérité et Réconciliation » visant à permettre l’instauration de ce qu’il a appelé « une nation arc-en-ciel » c’est-à-dire un pays au sein duquel Noirs, Blancs, Indiens, Chinois et métis vivraient en bonne intelligence. Ce projet d’apparence chimérique n’était, on s’en doute bien, pas gagné d’avance car le pays sortait d’un siècle et demi d’apartheid, le régime raciste le plus sophistiqué et le plus féroce jamais instauré dans le monde.

Ce comité, présidé par l’archevêque Desmond Tutu, s’est donc mis au travail et a contraint les Sud-Africains blancs à venir publiquement s’expliquer. Ces derniers, hormis une poignée d’Afrikaners obtus, ont vite compris que s’ils traînaient les pieds, un jour ou l’autre, ils subiraient le même sort que les Pieds-Noirs d’Algérie à savoir l’expulsion pure et simple d’Afrique du Sud. La colonisation hollando-anglaise de ce pays ainsi que l’apartheid ont donc été décortiqués des mois durant sur les chaînes de télévision sud-africaines où l’on a vu des Blancs venir demander pardon pour les crimes commis par leurs ancêtres. Mais avant la réconciliation, il fallait aussi un partage équitable des richesses du pays et là, du coup, les choses sont devenues plus compliquées. Certes, des terres ont été rétrocédées ici et là aux paysans noirs, un patronat noir puissant a vu le jour et des améliorations ont été apportées aux conditions de vie des prolétaires dans les townships et dans les entreprises minières, mais globalement, le pouvoir économique des 5 millions de Blancs demeure inentamé. C’est que contrairement à ce que s’imaginent certains noiristes bornés, on ne peut pas changer une situation tri-séculaire par un coup de baguette magique. Le président Robert Mugabe s’y est essayé au Zimbabwe en saisissant les terres des fermiers blancs et l’agriculture zimbabwéenne s’est brutalement effondrée. Il s’agit en effet d’un processus lent, qui ne prendra effet qu’à moyen et long terme. D’ailleurs, une fois au pouvoir, l’ANC a bien vu comment les choses sont difficiles : sa police, comme aux plus beaux jours de l’apartheid, a tiré sur des mineurs noirs en grève il y a quinze jours, faisant plus d’une quarantaine de morts et une centaine de blessés. Mais l’essentiel est d’enclencher le processus de Vérité et Réconciliation en sachant qu’il sera parsemé d’embûches de toutes sortes.

A la Martinique, on a ainsi vu apparaître un groupe intitulé « TOUS CREOLES » qui prétend aller dans le même sens. Sauf que ces messieurs-dames s’efforcent de zapper l’étape « Vérité » pour passer directement à l’étape « Réconciliation », ce qui relève de l’escroquerie intellectuelle pure et simple. Détournant la Créolité (comme François Duvalier et Mobutu avaient détourné la Négritude en Haïti et au Zaïre), ils nous convient à des débats, des conférences ou des rassemblements prétendument réconciliateurs alors même que le pouvoir béké est toujours dominant à la Martinique. Je dis bien « dominant » et non pas « omnipotent » comme l’affirment les noiristes car aujourd’hui, la puissance économique béké est fortement concurrencée par des groupes dits « de couleur ». Par exemple, le plus grand centre commercial de la Martinique, La Galéria, n’appartient pas à un béké mais à un mulâtre et tout le monde connaît la puissance de tel autre groupe chinois dans la grande distribution et la vente de pièces détachées pour automobiles. Sans compter quelques Noirs et Indiens passablement fortunés. En fait, ce qui est choquant s’agissant des békés, c’est qu’ils ne constituent qu’1% de la population de la Martinique alors qu’ils en détiennent plus de 50% des richesses. Sinon le patronat adepte de la « pwofitasion » est tout à la fois béké, mulâtre, chinois, nègre et indien.

Avant donc une éventuelle réconciliation avec les Békés, il faut passer obligatoirement par la case « Vérité », ce qu’évite soigneusement de faire « TOUS CREOLES ». Il faut publiquement que les premiers s’expliquent sur l’esclavage, le racisme, l’apartheid créole, et aujourd’hui, l’exploitation de leurs travailleurs. Il faut qu’ils reconnaissent que les terres dont ils sont propriétaires ont été volées aux Caraïbes. Que leurs ancêtres ont commis les pires atrocités durant l’esclavage. Qu’ils ont diffusé une idéologie raciste qui, hélas, persiste encore aujourd’hui dans notre pays. Qu’ils vivent à l’écart du reste de la population dans leur Békéland. Qu’ils refusent de développer la Martinique et se contentent des rentes de situation offertes par le système néocolonial, départementalo-régional, existant en Martinique. Qu’ils investissent les profits tiré de ces rentes en-dehors de la Martinique. Qu’ils ont délibérément empoisonné notre pays avec des pesticides tels que le chlordécone etc…etc…

Bref, il faut tout mettre sur la table. C’est cela l’étape « Vérité ». Or, « TOUS CREOLES » l’ignore sciemment et veut nous entraîner dans une opération « Bisounours », une opération « Tout-le-monde-il-est-beau-tout-le-monde-il-est-gentil ». En tant que corédacteur de l’ « ELOGE DE LA CREOLITE » (1989), je leur dit très clairement : NIET ! Sans même parler du fait que cette association soi-disant apolitique se situe très clairement à droite si l’on en juge par les déclarations fracassantes et répétées de son fondateur. A droite assimilationniste !

Est-ce par manque de culture historique que ces personnes ignorent que le terme « créole », dès l’Amérique espagnole, s’est créé par opposition au terme « européen » (puis plus tard, « africain »). C’est la guerre entre Créoles blancs, aidés par les Créoles noirs, qui a permis de bouter les Espagnols des Amériques comme le montre l’exemple de Simon Bolivar. Tous les leaders indépendantistes des Amériques furent d’ailleurs des Créoles blancs : Simon Bolivar, Jose Marti, Georges Washington, Pedro II (Brésil) etc…Il n’y a qu’à Saint-Domingue (devenue Haïti) que l’indépendance a été arrachée par des Noirs. Tous donc, sauf les Blancs créoles…d’origine française !!! C’est là d’ailleurs une énigme que nos historiens n’ont jamais, à ma connaissance, cherché à expliquer : pourquoi les Békés saint-dominguois, martiniquais, guadeloupéens etc…furent les seuls et uniques Blancs créoles à n’avoir jamais cherché à rompre avec la métropole coloniale ? Cette question devrait d’ailleurs figurer au premier rang des problèmes à être mis sur la table dans l’étape « Vérité ».

INDEPENDANCE

C’est pourquoi créer un Comité « Vérité et Réconciliation » dans une Martinique non indépendante est, pour ma part, une pure illusion. Un « vèglaj » comme on dit en créole et cela pour la simple raison que seul un pouvoir martiniquais pourra faire entendre…raison aux békés. Regardons Barbade ! Les Blancs créoles sont 5% de la population, autrement dit les Békés barbadiens sont 5 fois plus nombreux, proportionnellement parlant, que leur alter ego martiniquais.

Or, je n’ai jamais vu sur aucun mur barbadien un graffiti proclamant : « Bétjé déwò ! » ou plus exactement « Get out, Whites ! ». Dans la presse barbadienne, il n’y a que très rarement des polémiques concernant les Blancs barbadiens qui continuent pourtant à posséder d’importantes richesses. Personne ne menace de les jeter à la mer !

Pourquoi ?

Parce que le pouvoir politique barbadien, détenu par la majorité à savoir les Noirs et les Mulâtres, a mis les Békés au pas. Point à la ligne.

On me dira : que signifie « mettre au pas » ? La réponse est archi-simple à l’aide d’un exemple pris dans le tourisme. Le patron d’un grand hôtel barbadien n’a le droit d’embaucher qu’un seul étranger, le directeur de son hôtel. Pour tous les autres postes depuis celui de directeur-adjoint jusqu’à celui de femme de ménage en passant par ceux de comptable, barman, caissier, groom, cuisinier etc…, il a l’obligation légale d’embaucher des Barbadiens. Aucun patron d’hôtel béké barbadien n’a jamais osé transgresser cette loi. Or, en Martinique, un béké peut en toute liberté ouvrir un supermarché ou un magasin de bricolage et embaucher tous les cadres métros (ou étrangers) qu’il veut et réserver les postes de caissière, de femme de ménage ou de vigile aux Martiniquais de couleur. Suivez mon regard, messieurs-dames de « TOUS CREOLES » !

Conclusion : la Créolité ne pourra être opérationnelle que dans une Martinique souveraine, pas dans une Martinique néocoloniale comme c’est le cas actuellement.

RAPHAEL CONFIANT

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