À Raphaël Confiant
C’était une nuit semée de fondrières
Des bourrasques d’étoiles s’en venaient par le nord
Et le vent s’était tu comme l’eau dans le sable
Les légendes oubliées murmuraient doucement
Engourdi par le froid j’ai suivi les chemins,
voix sylvestres des grands cèdres bleutés
Aux branchages mêlés en voiles de navire
Un son sourd et profond comme un glas éloigné.
Rêve de lunes bleues roussies par les moussons
J'ai vu, verts de jade, les phosphores électriques
des arcs-en-ciel bridés sous les cieux en fusion
sur le dos des cyclones croulant sur les tropiques.
Quand les aubes blêmes eurent neigé des jours
de lourds monceaux de ciel et de salpêtre, couvrant
d'une pluie fine et sale les mousses et les atours
des grands bois dans le parc perdant leurs oripeaux
Dans le ciel de laiton passaient les grues cendrées
qui cherchaient à tâtons les voies du sud, les jours
de rocaille vive quand les rires enfantins
éclataient en cristal dans les avoines folles.
Éventrés les tourments de mémoire plaintive
J’attendais les ailleurs les doigts nus dans le soir
Je partageais la nuit avec le chant des nixes
Et les génies espiègles des sombres forêts bleues
Vers qui glissent ces mots, mon âme s’interroge
Quel décret, quel verdict que seul le temps abroge ?
Hiver 2012
Thierry Caille