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SAVANE, MON AIMÉE

Par Thierry Caille
SAVANE, MON AIMÉE



à J. Fournet, botaniste.



S'y mêlent l'axonope et le paspale conjugué,

herbe-sûre, herbe-fine, dans un lacis de racèmes

et les brachiaires vigoureux. Les digitaires bleutées

enlacent les panicées diffuses le long des Anses.

Herbes-cabrit, herbes-savane aux chaumes cespiteux

drapent l'échine ondulante des mornes d'une soie frémissante.

L'oplismène hirtellé à feuilles panachées de blanc s'endort

à l'ombre des bois humides. Et plus au sud,

les dichantes cariqueux et les échinochles colonées agitent leurs fines panicules

auprès des mimosas pudiques. L'ipomée macranthée

de la mangrove maritime enliane le temps.

Ivresse d'un soir mauve à l'aplomb du couchant.

Aux bruissements des glycéries répond la syrinx

de l'aepyornis caraïbe. La moiteur

de la terre qui fume d'un jour trop lourd

brume la savane de vapeurs de jasmin-à-bouquets, ervatamée solitaire.

Les stridulations fébriles des grenouilles et des sauterelles

martèlent l'heure d'un staccato lancinant. Immobiles,

deux zébus brahman stéatopyges paissent tranquillement,

ombres fauves des savanes bordées d'hamadryades,

mahot-blanc et grand mapou-baril, daphnopse et sterculée caribéennes.

Thorax de la nuit ocellée d'étoiles.

Cornicules en flammèches vives sur l'abdomen des flamboyants.

Mes anthères glissaient vers toi, savane damasquinée

de fleurs d'héliconies, ces soirs d'hivernage

où j'herborisais las, parcourant ta tunique douce et turquoise

de poacées délicates, leptochles fasciculées, éleusines,

cabouyas élancés, cenchres à larges thalles, lukuntu, ischaemes à feuilles vastes.

Je guettais ton anthèse à cette heure indécise où

l'alizé tiède faisait voler des glumes

sur mon front délassé.

Combien de fois t'ai-je pollinisée, O savane,

sous l'œil aquatique des zébus,

seul dans les mornes perdus à l'orée de la nuit tropicale ?

Nos caryopses ont-ils quitté cette terre, portés par de hauts vents,

et savent-ils encore l'étreinte que nous eûmes,

et combien d'oiseaux d'or furent tes nymphagogues ?




Thierry CAILLE





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