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Relire ou découvrir José Le Moigne

Relire ou découvrir José Le Moigne

   Si habiter plusieurs identités est devenu quelque chose de commun, voire de banal aujourd'hui, ce n'était point le cas dans les années 60 du siècle dernier quand jugeant que les Antilles étaient menacées par un trop-plein démographique, l'Etat français décida de créer une structure, le BUMIDOM (Bureau des Migrations d'Outremer) chargé de transborder nos forces vives dans l'Hexagone. Des dizaines de milliers de jeunes hommes et de jeunes femmes s'en allèrent ainsi, pour un voyage dont ils ne savaient pas encore qu'il serait celui du non-retour, pour satisfaire les besoins en agents de police, filles de salle, infirmières, douaniers, gardiens de prison mais aussi ouvriers comme on oublie trop souvent de le signaler, de la "Mère-patrie" (Amère patrie ?).

   Mais toutes les destinées ne s'écrivent de la même manière ni d'aussi tragique manière. Il y a aussi, fort heureusement, celle qui se scellent grâce à l'amour et c'est ainsi qu'une jeune Martiniquaise épouse, à la Martinique, un jeune Breton et que de cet union, nait, en 1944, José, à Fort-de-France, José LE MOIGNE, dont la famille déménagera en 1947 pour la ville de Brest détruite par la guerre. Le "Breton noir", comme il s'auto-désignera plus tard, grandira donc en Bretagne et sera donc porteur de la double identité créole et bretonne, chose pas facile du tout en ce milieu du XXe siècle. Entre le pays réel (la Bretagne) et le pays rêvé (la Martinique) se tisseront en lui des liens que la musique et la littérature se chargeront de donner à voir car José est également auteur-compositeur et guitariste de talent. 

   Ce lien entre ses deux pays se manifestera dès son premier ouvrage, Madiana (2001) qui est résumé de la sorte sur le site de son éditeur :

   "Rachel raconte sa tumultueuse vie à son neveu, afin qu'il en fasse un livre. Issue d'une famille de la petite bourgeoisie martiniquaise, elle quitte la Martinique pour se rendre à Saint-Nazaire s'occuper d'enfants d'une riche famille. Elle abandonne cette activité pour se consacrer à la couture, fournissant les plus grands magasins parisiens. Elle décide de tirer profit de la vague d'exotisme déferlant sur la France, confectionnant des gâteaux au coco ou au beurre qu'elle vend sur les plages. Avec sa vanille et ses épices créoles, elle sillonne toute la France proposant même ses créations. Puis de Pornichet, elle part s'installer à Brest ; et recommence à faire les marchés, vendant ses fameuses moules agrémentées de ses sauces. Au début des années 60, elle ouvre le Madiana, un restaurant au concept novateur pour l'époque : cuisiner devant le client. Sa clientèle ne cessera d'augmenter. Rachel ne verra pas le livre qu'elle a inspiré. Elle a interrompu sa traversée du siècle à Perpignan, toujours rêvant de la Martinique, en janvier 2001". 

   Rachel n'est donc point fille du BUMIDOM. Elle décide d'elle-même de "partir pour France" comme l'on disait au siècle dernier, désireuse de se frotter à une autre réalité, de confronter sa créolité à la francité en quelque sorte au moyen de de cette curieuse activité de vendeuse ambulante de douceurs antillaises à travers la France. Il fallait témoigner de cette aventure singulière et José LE MOIGNE l'a magnifiquement fait. Mais ce dernier est aussi poète comme on peut le voir dans le petit texte ci-après qu'il présente lui-même sur le site POTOMITAN :  

  "Pour mon père et pour ma mère. L’une était noire, l’autre était blanc. L’une avait fait des études, l’autre était un ouvrier. Ils ont vécu comme ils pouvaient, mais ils sont enterrés ensemble. Là sont mes racines. Ce texte a été publié pour la première fois par Mongo Béti dans sa revue: Peuples noirs, Peuples Africains. N°79 —Janvier-Février 1991. Jamais je ne renierai mes parents et je ne laisserai personne m’affirmer, au nom de je ne sais quelle foutaise à la mode depuis hier, que n’est Français que celui qui ne se regarde que dans un miroir lisse. Sait-il seulement que son miroir lui renvoie une image inversée?

 

                    Talus herbeux

                     Le tertre dort

                     sous le soleil

               Quelques années déjà

                  et leurs os confondus

                     effacent les combats

                          C'était eux

                          C'était moi

                   et c'est toujours

                          demain"

 

   Notre Breton noir est l'auteur d'une œuvre poétique impressionnante a sein de laquelle on peut citer :

   . Portuaires (2004).

   . Des Villes par-dessus les saisons (2005).

   . Poèmes du sel et de la terre (2008)

   . Echos de l'île (2013).

 

   Il alterne poésie et roman et, par exemple, imagine les huit dernières années de vie au bagne de Cayenne de Surprise, la fameuse Lumina Sophie de l'Insurrection du Sud de 1870, que les esprits un peu trop scolairement formatés surnomment "la Jeanne d'Arc créole". Ce beau roman à pour titre : On m'appelait Surprise (2008). Enfin José LE MOIGNE fut un grand ami de Joseph ZOBEL, autre "exilé volontaire", qui s'était installé à Anduze, un village du sud de la France où il a fini sa vie et est enterré. Cette vie extraordinaire qui va de la Rue Cases-Nègres de Rivière-Salée à Paris, de Paris à Dakar, puis de Dakar à Anduse où ZOBEL devient amoureux de la poterie, méritait d'être narrée par le menu. C'est ce qu'a accompli José LE MOIGNE dans Joseph Zobel. Le cœur en Martinique et les pieds en Cévennes (2008).

   S'il y a, outre ses indiscutables qualités de poète et de romancier, deux qualités humaines qu'on peut sans discussion possible accoler au nom de José LE MOIGNE, ce sont bien l'humilité d'une part et l'empathie de l'autre. On a affaire ici à "une grande âme" au sens que GANDHI donnait à cette expression...

 

        

et c’est toujours
demain

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