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RAPHAËL CONFIANT EST-IL UN ÉCRIVAIN ?

RAPHAËL CONFIANT EST-IL UN ÉCRIVAIN ?

L’homme est habitué à nous perdre. Car il est peut-être un écrivain, un professeur de linguistique, de créole, de très haut niveau, un journaliste d’investigations, un éditorialiste redoutable, un homme politique engagé et sur différentes causes, qu’elles soient politiques ou écologiques ou humanistes, un homme qui s’implique politiquement sur presque toutes les causes du monde et dont les combats sont finalement de sortir de l’ombre ceux qui sont opprimés et de dénoncer l’injustice et l’imposture où elle règne indifféremment du lieu où elle s’exerce, indifféremment des peuples qui en sont victimes, leur race, leur condition, leur confession ?

Raphaël Confiant a pris des coups évidemment, il est encore debout. Il n’a pas peur de grand monde. Il engueule même ses amis, car il est sanguin et ses ennemis, soit il les ignore soit il les attaque à la mitrailleuse lourde. Il a aussi de l’humour, c’est un homme. Et c’est un homme atypique.

Raphaël Confiant est martiniquais. Ses combats ne sauraient faire oublier qu’il aime son pays, qu’il a une idée de son pays. Qu’il s’engage pour son pays politiquement, pas seulement par son action littéraire. Qu’il porte un regard sur l’avenir de son pays qui n’est pas romantique mais lucide, concret, parfois déroutant. Il n’est radical que quand il le faut. Il n’a pas une appartenance partisane étroite, ouvre toutes les voies, accepte d’engager ses opposant dès lors que leur but l’intérêt de la Martinique. Pour lui la Martinique est ouverte à tous ceux qui veulent la rendre libre et meilleure. Il ne brandit pas de manifestes, ni de ligne politique, il brandit l’intérêt de son pays et ceux qui le veulent autant que lui, ils ne les distinguent pas. C’est un homme tolérant malgré ses coups de gueule. Au fond il ne démolit que les médiocres.

C’est un homme d’honneur enfin et son honneur est sa fidélité à son pays d’abord, à ses idées ensuite, à ses amis et à ses ennemis. Il accepte le dialogue dès lors qu’il peut en sortir quelque chose, les règlements de compte ne l’intéressent pas sauf s’il s’agir d’exécuter quelqu’un qui le mérite, c’est un pédagogue. C’est un homme humble, simple qui aurait pu vivre mieux, plus tranquille, plus fortuné, à l’abri du monde et de ses soubresauts.

Il a quelques défauts. Il s’entête à croire qu’il vaut mieux conduire un vieille pétoire, une épave bonne à la casse, alors qu’il pourrait acquérir un 4X 4, enfin quelque chose qui roule. Il ne songe pas à s’habiller en soie ni en lin ce qui est du mauvais goût aujourd’hui à la Martinique.

Mais il est avant tout un écrivain et un grand écrivain. Je dis çà pour ceux qui le verraient ailleurs, militant ou autre. Pas un écrivain engagé, un écrivain s’engage toujours et bien Confiant s’est engagé dans la littérature française. Son choix d’écrire au départ en créole tourna court. Il se mit à contre-cœur à écrire en langue française mais son premier roman écrit en français en 1988, à l’âge de 37 ans, est paradoxalement et purement un chef d’œuvre « le Nègre et l’Amiral ». Ce roman, révolutionnait par l‘écriture, par ses thèmes, par le sujet traité, par le personnage central d’Amédée Mauville, cela étant novateur. Ce roman, largement commenté valait haut la main le prix Goncourt par sa force et son écriture. Mon on n’accorde pas le prix Goncourt à un premier roman. Ce fut le cas une fois « Au dernier des justes » d’André Schwartz-bart, le mari de Simone Schwartz-bart. En 1991 Confiant signe « Eau de Café » roman de la même écriture, plus poétique mais moins profond. Là Raphaël Confiant est en finale du Goncourt face « Aux filles du Calvaire » de Pierre Combescot, livre remarquable, totalement différent mais très original. Le choix dut être difficile car ces deux romans valaient le prix. Confiant perd. 1992, le jury Goncourt donne son prix à « Texaco » de Patrick Chamoiseau. Il faut simplement penser, sans vouloir minimiser la qualité de « Texaco », livre remarquable, que le Goncourt a été attribué aux jeunes écrivains martiniquais Confiant et Chamoiseau, un Goncourt collectif en réalité. C’est la stratégie du jury Goncourt. La gloire fut à Chamoiseau. Il faut que l’on sache que Confiant méritait la bande rouge depuis deux romans.

Dans la même veine Confiant écrit « la vierge du grand retour », « nuée ardente », « l’archet du colonel », « l’allée des soupirs », « brin d’amour », « le gouverneur des dés », « la trilogie sucrière » et des livres sur son enfance « le cahier de romances « et ravines du devant-jour », livres empreints de nostalgie. Et puis beaucoup d’autres comme « mamzelle libellule », « le meurtre de samedi-gloria ». Enfin des livres destinés à inclure les autres composantes de la société martiniquaise « case à chine » ou « la panse du chacal » un livre sur Gauguin « le barbare enchanté ».

Mais il faut souligner que le style si novateur, si poétique des premiers romans s’estompe au fil du temps au profit d’un style plus didactique, de textes très documentés. La création dans l’écriture de Confiant disparaît peu à peu au profit de cet aspect de peinture et d’enseignement de celui qui voulait faire, dit-on, une comédie humaine antillaise. Mais on se régale toutefois des peintures de mœurs, comme celle des pacotilleuses dans le livre sur la fille de Victor Hugo. Confiant est historien.

On peut aussi citer « la trilogie tropicale » qui réunit trois livres plus anciens, ce n’est plus du Confiant poétique de l’époque de l’Habitation, cette Martinique de rêve, mais c’est une attaque en règle de la société actuelle, y compris d’Amadeus César. Il y en eu d’autres, beaucoup d’autres, mineurs « la dernière Java de Mama Josépha », « Mamzelle Libellule »,« chimères d’En-ville », Raphaël Confiant ne cesse d’écrire comme « Nègre marron », d’autres que l’on me réserve obligatoirement en librairie même si mon libraire peste cotre Confiant et ses trente-douze maisons d’édition, récemment les « ténèbres extérieures », des contes et un dernier qui vient de sortir sans oublier le fameux « Aimé Césaire : une traversée paradoxale du siècle ».

Ce livre est le seul présent dans la librairie de France en Côte d’Ivoire vu la taille de caractères accordé à aimé Césaire. Eau de café est resté 10 ans sur un rayon avant d’être vendu. Pas de littérature antillaise là bas car Aimé Césaire est africain et figure parmi les livres scolaires.

Le livre de Confiant sur Césaire n ‘est pas déicide et pose avec respect des questions. Confiant ne statufie pas en fait, et il a raison. Et connaissant Césaire, je ne crois pas que ce dernier lui en ai voulu car ce n’était pas son genre.

Je me suis interrogé de savoir si Confiant, le Martiniquais, reproche à Césaire de revendiquer ses racines africaines. Je ne sais pas au juste la position de Confiant sur l’Afrique, sur les racines. En apparence ce n’est pas le grand amour avec les ressortissants africains en Martinique d’autant que ce ne sont pas forcément les meilleurs qui débarquent à la Martinique. Mais y a t il un problème de fond ? Par crainte de me faire engueuler, je ne lui poserai jamais la question.

Il faut savoir que j’ai abordé Césaire par le théâtre et Confiant par la littérature, qu’à cause de Confiant j’ai méprisé la littérature antillaise que j’ai lue difficilement cherchant du Confiant chez Pépin, chez Schawartz-bart, chez Condé, chez Pineau et chez tous les écrivains qui n’écrivaient à l’évidence pas dans le style unique de Confiant.

Confiant m’a un jour donné ma chance et je l’en remercie, moi totalement ignare de la réalité martiniquaise en dehors de la poésie que m’inspirait la Martinique, et, à coup d’engueulades bienveillantes, j’ai aujourd’hui tout de même une certaine connaissance des aspirations de ce pays.

En fait d’ignorance, je peux dire aussi n’avoir jamais lu « le cahier d’un retour au pays natal » de Césaire ni « l’éloge de la créolité » dont Confiant est signataire. J’ai ces livres depuis très longtemps chez moi, j’ai offert « le cahier » au grand Roi de Matimba du Ghana et à d’autres, « Eloge de la créolité » à Laurent Gbagbo et je ne les ai jamais lus. Confiant peut me comprendre. Il a dit « dans le cahier de romances » avoir eu de grandes difficultés à ouvrir « la Lézarde » de Glissant. J’ai peur, je suis tétanisé, c’est tout, à l’idée de lire ces livres . Mais j’en parle. Ce qu’ils contiennent est un alcool trop fort pour moi.

On, pense ce qu’on veut de Raphaël Confiant compte tenu de ses multiples activités, de ses engagements, politiques et autres, de son personnage, de ses coups de gueule mais que ces détracteurs sachent que c’est un très grand écrivain et qu’à ce titre, il mérite quand même, quand même, le respect que l’on doit à un grand écrivain, non pas comme je l’ai lu « un écrivain à succès » sorte de mépris dit péjorativement par quelques médiocres, mais un écrivain qui a donné une voix originale à la littérature française, qui est en France dans toutes les librairies dignes de ce nom, un ambassadeur des antilles. Pas ce bagarreur, hâbleur, paranoïaque que l’on décrit, çà et pire. Et s’il est tout çà, il n’en demeure pas moins un grand écrivain dont la Martinique doit être fière.

Il est de ce vivier antillais ou caribéen, qui avec quelques autres donnent curieusement à ces petites terres des Antilles une densité d’écrivains, de penseurs, de poètes, de Nobel, de Goncourt, qu’aucun autre lieu au monde ne pourrait s’enorgueillir de posséder.

{{Thierry Caille}}

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