Comédie à l’Antillaise, théâtre amateur, a eu l’honneur de jouer, une première représentation dans les ruines de l’ancien théâtre de Saint Pierre, Cette pièce, adaptée de l’œuvre de Victor Hugo « Angélo tyran de Padoue » est une co-écriture de deux auteurs :Ina Césaire et Nady Nelzy, avait sa place dans ce premier grand festival Martinique Merveille du Monde, initié par le Parc Régional de Martinique. Vouloir mettre en valeur les sites de Martinique par des actes culturels est une sacrée gageure, qu’il faut saluer. Personnellement je n’ai pas connaissance d’une telle initiative depuis la création du SERMAC et son festival à Fort de France, il y a cinquante ans par Aimé Césaire . C’était là aussi un acte politique avec le désir de toucher la population par le prisme de la Culture .
Donner une représentation du Nabab de Saint Pierre dans les ruines du théâtre d’avant 1902 , l’enjeu n’était pas mince. Au sein de la troupe, chaque membre de Comédie à l’Antillaise à jouer de son énergie et de sa passion pour être à la hauteur du challenge et malgré ses obligations professionnelles et autres, chaque comédien a voulu être à la hauteur. Dans un temps court , un travail fut conduit par José Dalmat directeur d’acteurs qui a mené de front textes, gestes et attitudes, tandis que décors et accessoires, musique, bruitages, lumière étaient menés par d’autres. En ne reniant rien de cette belle aventure, la première du spectacle qui eut lieu vendredi fut moyenne, mais me dit-on ,c’est souvent le cas des premières.
Les troupes de théâtre amateurs particulièrement celle de Martinique connaissent les appréciations sommaires tenant lieu de vérités incontestables des afficionados et des grands professionnels du théâtre . Ceux qui considèrent que le théâtre cet art majeur appartient à l’exigence et à une seule catégorie d’individus. Selon ces premiers, les autres, ceux qui auraient envie de jouer et de s’exprimer n’ont pas le droit de citer dans des lieux public.
En France, il n’existe pas parmi les instances de la Culture, une Scène Nationale plus intraitable que celle de la Martinique où le quant à soi et l’appartenance au sérail sont les armes favorites.
Nous, troupe amateur du Nord de l’île, nous vivons l’opprobre chaque fois que nous osons vouloir monter sur une scène. Cette fois, alors que l’opportunité était si belle de défendre l’art du théâtre avec une pièce adaptée à l’histoire de Saint Pierre et qui avait pour thème l’émergence d’un peuple au dix-neuvième siècle , le Directeur de l’Atrium à refuser la possibilité d’une répétition dans un des studios de la grande maison et ce même si le directeur d’acteur qui dirigeait les comédiens de la troupe est lui-même professionnel.
Ce genre de pratiques s’est poursuivi dans la ville dans laquelle nous jouions. Pour nous punir d’oser monter sur scène, non seulement nous fûmes ignorées par les services de la ville , mais on nous ferma au nez des douches du stade dans lesquelles les comédiens comptaient se rafraîchir. Il faut dire que nous étions prévenus, car à une simple demande d’aide, la responsable du service du patrimoine de Saint Pierre, nous avait déjà répondu par cette célèbre répartie du film « Les nuls » , « ça n’est pas ma compétence ».
Comme si nous n’avions pas compris le désaveu, dans la même semaine où nous nous produisons, la même Scène Nationale Tropiques Atrium, s’empresse de faire un appel à projet dédié à la création théâtrale martiniquaise en s’adressant uniquement aux troupes professionnelles de Martinique
Chez nous, en ces temps troublés où il est question de l’identité martiniquaise, où selon certains, le premier acte de revendication est le déboulonnement des statues dont on n’a que faire, la priorité des doléances devrait être comment nous nous considérons et quand va-t-on se débarrasser de ce Nèg kont Nèg. Parmi les têtes pensantes de la Culture en Martinique, le regard posé sur ces comédiens du théâtre amateur , ceux qui jouent sur les podiums et que l’on juge, n’est pas celui à avoir.
Depuis plus de vingt ans, après avoir passé un diplôme universitaire sur le théâtre à la Martinique, plus de vingt ans que j’écris et que je mets en scène, souvent aidée des plus grands, après des formations par des enseignants venus du froid, je n’ai jamais eu honte d’apprendre et j’ai été heureuse de pratiquer l’initiation au théâtre en milieu scolaire.
Je trouve déplacée et inappropriée l’attitude de tous ceux qui ont le pouvoir en matière de Culture et qui traitent les autres en se plaçant du haut de leur soi-disant aristocratie. Au Théâtre, la « geste » est identique car il s’agit d’une pratique de la scène , si la compétence est inégale, la passion est la même. Quand on sait que l’écart décisif concerne la nature de la scène dramatique où l’on joue sans solution de continuité avec la scène du social, on peut se me semble poser la question et le recours de l’Histoire du Théâtre en Martinique s’impose. Depuis l’époque d’Henri Melon et du « téat lari » de José Alfa, pourquoi ne pouvons-nous pas trouver pour nous antillais, français mais complètement à part, une façon d’appréhender l’organisation de la Culture et un traitement un peu plu amène pour ceux qui pratiquent le Théâtre Amateur. Doit-on forcément suivre les dictats des grands blancs. En 1959 déjà Malraux qui avait créé le ministère des Affaires Culturelles interdisait l’Education Populaire et le Théâtre Amateur, plus tard, c’est Jaques Lang que l’on déclara comme héros de la Culture qui fut le premier à vouloir opposer le théâtre amateur au théâtre professionnel. Aujourd’hui alors que Césaire parlait en son temps d’égalité d’accès à la culture artistique, d’éducation artistique, un de ces descendant, nommé dans la grande maison de la Scène Nationale, propose l’aristocratie de l’Art et de la Culture chez nous. A croire que nous serons et toujours assujettis aux mêmes mœurs coloniaux, que les miasmes de la Plantation sont encore au cœur de certains.
Au final de compte, nous qui avons toujours été traités comme des parias, nous continuerons notre chemin car nous trouverons sur nos pas l’intelligence du cœur, ceux du PRM en font partie, comme ce fut le cas de Césaire et son Conseil Municipal d’autrefois .