{{Le quotidien "Le Monde" revient sur le scandale du chlordécone en publiant un article scandaleusement partial puisqu'il cherche à dédouaner les responsables de cette triste affaire. Une fois de plus, L. Boutrin et R. Confiant, auteurs de "CHRONIQUE D'UN EMPOISONNEMENT ANNONCE" sont les boucs-émissaires d'une affaire dans laquelle certains essaient de démontrer que "ce n'est pas si grave" tandis que d'autres, soi-disant écologistes, ne cherchent en fait qu'à se forger une crédibilité politique sur le dos de nos populations. Qui vivra verra...}}
Ce n'est pas tout à fait une psychose. Plutôt une inquiétude. Le retentissement en métropole du rapport sur la pollution des sols par les pesticides aux Antilles, coordonné par le cancérologue Dominique Belpomme (Le Monde du 19 septembre), a fait écho dans les deux départements antillais. "Cela fait trois ans que je parle du chlordécone devant des auditoires clairsemés, témoigne Harry Jawad Durimel, responsable des Verts en Guadeloupe. Depuis qu'un professeur a tiré la sonnette d'alarme à Paris, je suis devenu une star ! Les vendeuses de légumes du marché de Pointe-à-Pitre m'interpellent : "Tu fais baisser les ventes !""
La présentation du rapport Belpomme à Paris, en septembre, a été précédée par la publication, au printemps, d'un livre polémique, signé par le journaliste martiniquais Louis Boutrin et l'écrivain Raphaël Confiant. Intitulé Chronique d'un empoisonnement annoncé (Ed. L'Harmattan, 240 pages, 21 euros), l'ouvrage dénonçait les effets du chlordécone, cet insecticide utilisé sur les champs de bananes de 1981 à 1993. Les auteurs allaient jusqu'à évoquer "une nouvelle forme de génocide par stérilisation".
Aujourd'hui, les professionnels de la santé s'efforcent de calmer les esprits. "Les études menées aux Etats-Unis montrent que des troubles sont avérés chez l'homme à partir d'une présence de chlordécone de l'ordre d'un milligramme par litre de sang, explique le docteur Luc Multigner, chercheur à l'Inserm et coordonnateur des études sur le sujet. Or les doses relevées sur les ouvriers agricoles en Guadeloupe sont cent fois inférieures."
Le professeur Pascal Blanchet, chef du service d'urologie au CHU de Pointe-à-Pitre, se veut, lui aussi, rassurant : "D'une manière générale, il y a moins de cancers en Guadeloupe et en Martinique qu'en métropole. Trois fois moins de cancers du colon. Un tiers de cancers du sein en moins. La seule exception concerne le cancer de la prostate. Or on soupçonne une prédisposition à ce type de pathologie chez les populations afro-américaines."
Deux études sur les conséquences possibles de l'exposition au chlordécone sur la santé humaine sont en cours. L'une porte justement sur un lien éventuel avec les cancers de la prostate, l'autre concerne les femmes enceintes. Leurs résultats seront connus fin 2008.
Philippe Quénel, responsable de la cellule interrégionale épidémiologique (CIRE) Antilles-Guyane, estime que 3,3 % de la population martiniquaise est concernée, soit 12 000 personnes. "Il s'agit majoritairement d'habitants de niveau social défavorisé, ayant des habitudes alimentaires traditionnelles, consommant leur auto-production, dit-il. Notre priorité est de mettre en place une politique de prévention à leur intention."
M. Quénel estime que l'Etat a fait son travail : "Je connais peu de dossiers pour lesquels autant d'efforts ont été consentis. La pollution au chlordécone aux Antilles est mieux documentée que celle par les pesticides dans le Bordelais ou par les nitrates en Bretagne."
La polémique n'a pas le même relief dans les deux départements antillais. En Martinique, les intellectuels de sensibilité indépendantiste, comme Raphaël Confiant, montrent du doigt "les latifundistes Békés". Ils accusent ces propriétaires terriens, issus des familles blanches créoles, d'avoir fait pression sur l'Etat pour prolonger l'autorisation du chlordécone jusqu'en 1993, alors que les effets du pesticide sur la santé humaine étaient connus dès les années 1980.
Eric de Lucy, président de l'Union des groupements de producteurs de bananes, s'insurge contre cette "ostracisation" : "C'est toujours la même chose : les écologistes sont des anges et les producteurs sont des diables !"
Le docteur Multigner estime que "la pollution au chlordécone est instrumentalisée par une minorité associative, qui en a fait son fond de commerce, et par le mouvement indépendantiste". Eric Godard, chargé de mission interministériel sur le chlordécone, déplore que "l'idée selon laquelle l'Etat cache quelque chose s'est répandue dans le public, avec, en toile de fond, une théorie du complot".
En Guadeloupe, les responsables associatifs et les élus locaux se montrent plus sereins. "Je ne partage pas la thèse de l'empoisonnement prémédité ou du génocide, assure Harry Jawad Durimel. Je mets plutôt en cause le laxisme des autorités et l'appât du gain des producteurs de bananes."
Albert Dorville, maire (sans étiquette) de Trois-Rivières, une des huit communes guadeloupéennes concernées par la pollution, considère que "Belpomme est allé trop loin". Il souhaite cependant que les autorités indemnisent les planteurs et estime qu'il faut "envisager la dépollution des sols contaminés et une reconversion des cultures". M. Dorville, qui est médecin, affirme n'avoir jamais vu dans son cabinet de pathologie liée aux pesticides.
{{Xavier Ternisien}}
_ Article paru dans l'édition du 01.11.07
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