Deux députés guadeloupéens de gauche (PS) annoncent que le groupe auquel ils appartiennent à l’Assemblée Nationale française va déposer très bientôt un texte pour demander la création d’une « commission d’enquête parlementaire » afin d’établir les responsabilités dans l’affaire de l’empoisonnement de nos deux pays, la Guadeloupe et la Martinique, par ces redoutables pesticides que sont le chlordécone et le paraquat. Ces élus, qu’on n’avait pas entendus il y a trois ans lorsque l’affaire était déjà venue devant les députés et qu’une simple « mission parlementaire » avait été accordée, haussent aujourd’hui le ton, se greffant de manière opportuniste, « dirigonflis » comme on dit en créole guadeloupéen, sur le puissant mouvement de protestation populaire qui secoue nos pays. Ces élus crient en effet à la « conspiration du silence » autour de l’affaire.
Conspiration du silence ?
L’expression est jolie. Simplement, elle a déjà été utilisée dans l’ouvrage, « Chronique d’un empoisonnement annoncé », que Louis Boutrin et moi avons consacré aux 30 ans d’empoisonnement au chlordécone de nos terres, rivières, nappes phréatiques et rivages. Notons aussi que lorsque leurs amis de la Gauche française étaient au pouvoir (Mitterrand est resté 14 ans au pouvoir), on n’a entendu aucun élu socialiste martiniquais ou guadeloupéen ouvrir la bouche contre les pesticides. Il y en eut même un, Martiniquais, qui se fit le porte-parole des gros planteurs békés pour demander que le chlordécone soit à nouveau autorisé ! Ce qui signifie que la Gauche antillaise a bel et bien été partie prenante de la conspiration du silence qu’elle dénonce aujourd’hui. Mieux : cette dénonciation apparaît davantage comme une opération politicienne, une manière d’offrir à la Gauche hexagonale, complètement asphyxiée par Sarkozy, une occasion inespérée d’attaquer la Droite. Les élus coloniaux viennent donc au secours de leurs alter ego de la métropole. Ce n’est pas nouveau. A l’époque de l’Afrique occidentale française, on en a eu maints exemples. Nous avons donc l’impression d’assister à un mauvais film. En noir et blanc (sans mauvais jeu de mot).
En fait, après le mépris affiché par l’Etat et ses services déconcentrés devant la revendication populaire et son refus de mettre l’affaire des pesticides utilisés aux Antilles sur le même plan que les affaires du sang contaminé, de la vache folle ou de l’amiante en France, on est aujourd’hui contraint de regarder la réalité en face.
{{ Il ne s’agit plus d’une conspiration du silence, mais de terrorisme d’état.}}
Nos peuples sont les victimes depuis 30 ans d’une tentative délibérée de les éliminer à petit feu en les empoisonnant, la dernière étude du professeur Dominique Belpomme, le célèbre cancérologue, étude datant de 2007, déclarant, en effet, que nos deux îles sont polluées par plus de 100 pesticides extrêmement dangereux. Vous avez bien lu : 100. Cela signifie qu’aucune portion du territoire français n’a été aussi intensivement bombardée de pesticides que la Martinique et la Guadeloupe, territoires pourtant minuscules en comparaison de l’Hexagone. Il s’agit donc bien d’un génocide et, comme le disait Césaire, qui ne croyait pas si bien dire, {{un génocide par substitution}}. La disparition progressive des Martiniquais et des Guadeloupéens devant permettre de libérer de la place pour des gens venus d’ailleurs, inaugurant une caldochisation progressive mais inexorable de nos deux pays.
Cela signifie donc que l’affaire des pesticides aux Antilles ne relève plus de la justice française (ce à quoi aboutirait les travaux d’une commission d’enquête parlementaire), mais du {{Tribunal Pénal International}} comme c’est le cas pour tous les génocidaires de la planète. Et ces génocidaires français sont tous les ministres, de droite, de gauche ou de cohabitation, qui pendant 30 ans, on signé des autorisations de mise sur le marché pour le chlordécone, le perchlordécone et le paraquat. Ces génocidaires français sont tous les préfets et autres chefs des services déconcentrés de l’Etat qui, pendant 30 ans, ont fait appliquer la politique de leurs ministres de tutelle aux Antilles. Ces génocidaires français sont tous les latifundiaires békés et négociants en pesticides également békés, qui, reniant leur terre natale antillaise, l’ont empoisonnée dans le seul but de faire des profits et de bénéficier de subventions de Bruxelles.
{{ Nous avons donc bien affaire à du terrorisme. Le seul que les grands médias ne dénoncent jamais : le terrorisme d’état.}}
{ {{Raphaël Confiant}} }
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