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Pendant que le tambour se bat

Yves-Léopold MONTHIEUX
Pendant que le tambour se bat

« Pendant que certains vont dans l’espace, d’autres battent le tambour ».

Je souris à la lecture de ce titre de Montraykréol qui me souviens que j’avais donné comme titre à une contrechronique parue dans Antilla en 2002 : « Pendant que le tambour se bat ». Dans mon recueil paru en 2008[1], je lui avais substitué cet autre : « Pendant que nous jouons du tambour ». Par contre, il ne s’agissait pas d’une « Rigoladri », mais d’un « bagaye sérié », d’une opinion que m’avait suscitée la dure réalité de l’Afrique, rapport aux protestations de foi de nos compatriotes. Je faisais la différence entre l’audience internationale de la guerre du Moyen-Orient et la situation des peuples qui, en Afrique, « meurent sans guerre » et en silence. Cet article n’est pas sans rappeler ma tribune « … se battre à mort … pour la vie », parue en 2005 et récemment republiée ici. A 20 ans d’intervalle rien n’a changé. J’en reviens à mon premier titre.

Fort-de-France, le 26 mai 2021 

Yves-Léopold Monthieux

Pendant que le tambour se bat

Au-delà de la cruauté d’une guerre qui ne dit pas son nom, et dont le caractère médiatique tient au statut international des peuples israéliens et palestiniens, ceux-ci se battent ou meurent pour une cause qui leur donne le droit de faire l’histoire et de figurer, pour de nombreux d’entre eux, au martyrologe de leurs pays respectifs. Tandis que d’autres peuples qui n’ont pas cette reconnaissance internationale « meurent sans guerre ».

Ceux-là n’ont pas connu la traite, le fouet ou les cales des négriers. Et lorsque nous parlons d’eux, c’est seulement pour évoquer nos ancêtres communs, nos origines, notre patrimoine, notre tambour. Nous ne nous attachons égoïstement, à travers nos ancêtres, qu’à faire revivre nos propres malheurs, aujourd’hui évanouis dans l’obésité occidentale. Dans notre conscience de fils d’esclaves qui s’en sont sortis, il nous est impossible de considérer les Africains autrement que par leur représentation culturelle et historique, rapport à notre propre histoire et à notre propre culture.

Aujourd’hui encore, nous voulons tout de cette Afrique chromatique, historique et culturelle, sans rien vouloir connaître de la misère du continent. Sans rien lui apporter. En dehors de quelques combats philosophiques où, en définitive, nous ne parlons qu’à nous-mêmes, nous ne restituons rien à cette Afrique, qui s’en rend bien compte. Ainsi, grâce à nos historiens et nos intellectuels, la jeunesse martiniquaise sait tout ou est en mesure de tout savoir sur notre rapport à l’Afrique. Mais elle ignore totalement qu’en Afrique noire, c’est presque deux fois l’équivalent de la population martiniquaise qui disparaît chaque mois, tué par les maladies infantiles, le sida ou les guerres tribales ; qu’en Ouganda et en Ethiopie, le sida a fait en 1998 1,4 million de victimes, plus de trois fois notre population ; que chaque petit Mauritanien naît avec une dette de 997 dollars.

Au moment où certains de nos élus paraissent frappés du « syndrome du tapis rouge », il conviendrait qu’ils se « mouillent » un peu pour les fils des frères de leurs ancêtres, qui sont restés là-bas.

Où sont les propositions de la vingtaine de parlementaires de l’outremer français, lors de la mise en place des budgets de la coopération dont le montant, en 2002 sous un gouvernement pourtant socialiste, a été diminué de moitié ? Où sont les motions adressées par nos élus au gouvernement à la veille des grandes rencontres internationales ? Dans les prises de position de la France et de l’Europe aux conférences comme celles de Seattle, de Gênes, de Doha ou de Monterrey, ne peut-on jamais trouver trace d’une proposition en provenance des départements d’outre-mer ? Une telle initiative aurait pu, par exemple, être tout naturellement porteuse, avant Jacques Chirac, de l’idée d’une mondialisation sociale. Cette absence de « social » tue dans les pays du tiers-monde, en même temps qu’elle pénalise notre production bananière sur le marché européen.

Suggérons à nos futurs élus de contribuer au contenu de cette mondialisation sociale. Ils auront ainsi aidé les pays de leurs ancêtres et des frères d’Afrique, au moins autant qu’en assurant la conservation du tambour. Suggérons-leur de proposer, par exemple, au gouvernement français, de mettre à l’ordre du jour des discussions sur la mondialisation, l’application d’une valeur ajoutée sociale obligatoire sur tout produit utilisé en Europe. De sorte que chaque bien de consommation fabriqué dans le monde permette à tous ceux qui l’auront confectionné, de bénéficier d’un minimum de couverture sociale. Une telle démarche en solidarité aurait le mérite supplémentaire de faire en sorte que les produits européens fabriqués dans l’outremer français n’aient pas le monopole des charges sociales. [Septembre 2002].

Yves-Léopold Monthieux




[1] Contrechroniques de le vie politique martiniquaise – Yves-Léopold Monthieux – 2008.

 

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