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Patriotisme, université et développement de nos pays

Patriotisme, université et développement de nos pays

La genèse de notre université nous fait obligation d'approfondir la notion de "race" et son corrélat, le racisme, héritage de l'esclavage et de la colonisation, véritable dissolvant de l'unité que suppose le patriotisme que j'appelle de mes voeux. Qu'on en juge : aux Antilles, quand un individu en insulte un autre, si les deux protagonistes sont de la même "race" (on notera les guillemets dont j'assortis ce mot), on impute son comportement à de la grossièreté. Quand un Blanc insulte un Noir, on le taxe de raciste. Quand enfin un Blanc se fait insulter par un Noir, on parle de xénophobie, variante cosmétique et rhétorique de l'imputation de racisme. Si la scène se passe en France, depuis peu, on n'hésite plus à désigner la montée d'un "racisme noir", au terme d'un jugement qui renverse les données historiques en faisant de la victime traditionnelle un bourreau. Stratégie subtile et innovante, dont je n'analyserai pas plus avant la perversité.

Nous devons conjurer ce piège raciologique, qui est, d'emblée, d'ordre lexical et conceptuel. Notre communauté d'intellectuels est appelée à donner l'exemple, tout en se gardant d'un angélisme naïf. L'accusation de racisme étant pervertie, à la base, par des considérations subjectives, il y a lieu -- et c'est un devoir impérieux pour nous tous -- d'assigner un ancrage objectif à l'évaluation des interactions qui ont cours, singulièrement dans notre " république universitaire ", implantée sur trois pays.

Selon le vieil adage latin " Ubi es, ubi patria ", la patrie, c'est l'endroit où l'on vit. Si nous appartenons à l'UAG, d'où que nous venions, où que nous soyons nés, nous en sommes citoyens, dotés de droits et de devoirs égaux. À condition d'être animés d'un authentique patriotisme universitaire. Le patriotisme peut assurément constituer la face noble d'un nationalisme aveugle et égoïste, mais correspond parfois à un simple instinct de conservation. Celle d'un groupe, d'une communauté, d'un peuple, d'une nation.

Aujourd'hui, il nous faut, sans céder à la paranoïa, déjouer les ruses et les perverses stratégies de pouvoir, celles qui ont des effets nocifs pour les étudiants : par exemple, créer sans la moindre concertation et parce qu'on sait que l'année d'après on ne sera plus là, une licence de Sciences du langage qui débouche sur une impasse, fustiger des étudiants d'histoire au motif qu'ils se permettent de remettre en cause les méfaits de la colonisation, divulguer le secret des délibérations d'un conseil d'UFR pour braver un doyen, prétendre que le salut intellectuel de l'UAG réside dans le recrutement de personnes venant de l'extérieur, donc plus capables et plus ouvertes que les locaux. Car, nous devons dire non tant à la xénophobie, qu'à l'indigénophobie.

Si l'imputation de racisme est bien souvent improuvable, si son évocation, à force de subjectivité, peut confiner aisément au procès en sorcellerie, en revanche, le comportement colonialiste, impérialiste et les visées nostalgiques de "reconquista" peuvent être jaugés, jugés, évalués, bref, caractérisés, objectivés. Ils trouvent leur expression la plus propice dans l'esprit et surtout la posture "p'tit Blanc", si magistralement décrits par Raphaël Confiant, dans ses récents messages électroniques, lesquels, quoique privés, ont déclenché, contre toute éthique professionnelle, un lynchage orchestré par un quotidien français réputé sérieux et ce, à l'initiative de revanchards qui devaient bien avoir quelques raisons de s'être sentis visés, et dont certains même se prétendent spécialistes de déontologie journalistique ! Heureusement, notre institution universitaire, par vocation autant que par fonction, détient l'aune à laquelle mesurer pareille prétention. Le cas échéant, elle ne s'en privera pas.

Pour nécessaire qu'il soit, le patriotisme universitaire est confronté à un patriotisme bien plus vaste, qui déborde des frontières académiques pour se confondre avec les aspirations et les exigences de peuples en train de se construire difficultueusement, j'ai nommé les peuples des Antilles et de la Guyane. Notre université est un des outils privilégiés de cette construction.

Ainsi donc, nul ne doit sous-estimer la problématique qui ressortit à ma présente analyse. Qu'on prenne garde à la réalité à laquelle elle se réfère. Les prodromes en sont déjà là, ainsi que le suggèrent les attaques lancées par un conglomérat hétéroclite d'universitaires au petit pied, avérés ou en simili, de journaleux et d'écrivaillons en mal de renommée, de pétitionnaires insidieux et enragés, d'afficheurs empressés de coupures de journaux accusateurs, tous ligués contre Raphaël Confiant, téméraire défenseur, avec la puissance du verbe qui le caractérise, du seul pouvoir dont disposent encore les colonisés de ce pays : le pouvoir intellectuel (de portée mondiale, dans certains cas), qu'il n'est assurément pas facile de nous disputer, vu la médiocrité de ceux qui s'y essaient.

En la circonstance, tout un vacarme, à partir d'une glose malhonnête : celle d'une épithète à valeur objective et non pas normative, sur ce que l'on est autorisé ou non à nommer. N'aurait-il pas mieux valu critiquer le fond, plutôt que d'exciter les réflexes pavloviens des lecteurs pris en otage ? À cela, on préfère une déformation systématique de la pensée livrée au schématisme de la réception médiatique. Ils sont, ces prodromes, inscrits dans l'air du temps, mais aussi dans les mots et leur contrepoint de non dit, dans les postures et peut-être même les impostures qui croient venu le moment de se donner libre carrière.

Je ne cherche nullement à couvrir le premier venu des stigmates du "p'tit Blanc", ce pauvre hère des colonies, que nous décrivent les historiens. En revanche, je n’ai aucune intention de me laisser berner par ceux, quelle que soit leur provenance, dont beaucoup d'entre nous savons qu'ils complotent en secret avec leurs affidés -- si c'est agir secrètement que de réunir une sorte de quartier général très monocolore dans tel endroit de Schoelcher que je ne livrerai pas à la curiosité populaire -- tout en faisant publiquement patte de velours pour cacher un solide appétit de pouvoir, pour satisfaire des fantasmes nostalgiques de "reconquista" au sein même du lieu emblématique qu'est notre université. Mais elle n'est pas à prendre, notre université !

Je n'hésiterai pas à mettre au jour, chaque fois que j'en aurai les preuves, les agissements qui, bien au delà du concept piégé de "racisme", visent à nuire aux intérêts fondamentaux de nos pays. Inversement, je ne serai pas le dernier à honorer et soutenir, si nécessaire, d'où qu'ils viennent et quel que soit leur phénotype, tous les membres de l'UAG, qui montrent et surtout démontrent qu'ils travaillent ou qu'ils sont prêts à le faire, sans aucune recherche de position lucrative d'influence, mais pour le seul bien de notre communauté universitaire et des sociétés dont elle entend être le fer de lance.

Voilà une mise en garde à qui voudra bien l’entendre, et j’en sais d’assez futés pour n’y être point sourds.

Jean Bernabé

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