Accueil
Aimé CESAIRE
Frantz FANON
Paulette NARDAL
René MENIL
Edouard GLISSANT
Suzanne CESAIRE
Jean BERNABE
Guy CABORT MASSON
Vincent PLACOLY
Derek WALCOTT
Price MARS
Jacques ROUMAIN
Guy TIROLIEN
Jacques-Stephen ALEXIS
Sonny RUPAIRE
Georges GRATIANT
Marie VIEUX-CHAUVET
Léon-Gontran DAMAS
Firmin ANTENOR
Edouard Jacques MAUNICK
Saint-John PERSE
Maximilien LAROCHE
Aude-Emmanuelle HOAREAU
Georges MAUVOIS
Marcel MANVILLE
Daniel HONORE
Alain ANSELIN
Jacques COURSIL

"Obidjoulé/Obidjoulay" = Mettre en adéquation/adéquation

Raphaël CONFIANT
"Obidjoulé/Obidjoulay" = Mettre en adéquation/adéquation

   Toute langue est parfaitement capable d'exprimer toutes les réalités (concrètes ou abstraites) du monde qui nous entoure.

   Ici, c'est le terme "capable" qui est important. Il signifie que toute langue porte en elle des potentialités inexploitées et cela pour une raison fort simple : elle exprime en priorité les besoins communicatifs de la communauté dans laquelle elle est parlée. Il n'y a donc pas de langue pauvre ou au lexique pauvre. Le créole, par exemple, a pu sans difficulté exprimer les besoins communicatifs de tous au sein de la fameuse "société d'Habitation" ou "de Plantation" et cela durant trois siècles : 1660 (date où, après 50 ans de maturation, la langue est définitivement constituée) et 1960, moment où s'effondre le système plantationnaire.

   Ce n'est donc que lorsqu'une langue sort de sa zone de confort communicationnelle qu'elle devient "pauvre" ou plus exactement, qu'elle ne trouve pas de mots pour dire des réalités complètement étrangères à son écosystème. Le français, par exemple, n'avait pas de mots pour "iceberg", "igloo", "kimono", "sumo", "djellaba", "vahiné", "balata", "zagaya", "kouliwou" , "manikou" etc., ce qui fait qu'il a été contraint de les emprunter et de les intégrer à son lexique. Il les a naturalisés exactement comme, au plan juridique, on naturalise un étranger.

   L'emprunt est un phénomène banal qui a toujours affecté toutes les langues du monde dès l'instant où les peuples qui les parlent entrent en contact.

   Pour en revenir au créole, il est soudainement devenu "pauvre" parce qu'à la fin de la "société d'Habitation", il a été sommé d'exprimer des réalités complètement nouvelles. Il s'est mis alors à emprunter massivement au français, ce qui n'aurait rien eu de dangereux s'il avait pu conserver ses capacités de créolisation. Le français, lui, prend le mot anglais "riding-coat" et le transforme en "redingote". Il n'y a pas très longtemps les capacités de francisation du français étaient intactes jusqu'à ce que l'explosion de l'informatique  les réduisent à néant et l'oblige à intégrer des mots anglais tels quels : "software", hardware", "cloud", "mail", "twitter" et autre "spams". Ce qui est dangereux et contre lequel seuls les Québécois ont réagi.

   Le créole, lui, ça fait près d'un demi-siècle qu'il a perdu ses capacités de naturalisation, de créolisation de ses emprunts. Ce qui est encore plus dangereux puisqu'il n'a pas encore réussi à devenir une langue écrite de plein exercice ! L'un des moyens de lutte contre ce phénomène, mortifère à terme, est la création de néologismes et surtout leur utilisation. Car le plus beau néologisme du monde, s'il n'est utilisé que par une seule personne, ne sert à rien, n'a aucun effet de revitalisation de la langue.

   Notre langue doit investir tous les domaines, concrets ou abstraits, sous peine de dégénérer en une variété patoisante de français au sein duquel ne subsisteront plus que les morphèmes verbaux : "ka", "té", "té ka", "té ké" etc...Quand on voit ce qu'utilisent nos grands politiciens, syndicalistes, intellectuels, artistes etc. dans les médias, il y a de quoi être consterné. Ils sont en train de tuer à petit feu le créole tout en croyant le promotionner. A la limite, il vaudrait mieux que certains (es) s'expriment en français au lieu de massacrer ainsi le créole.

   Notre proposition de néologisme du jour concerne l'expression "mettre en adéquation" et donc le mot "adéquation", termes abstraits s'il en est. On pourrait le créer à partir du mot "obidjoul" qui en créole martiniquais signifie "qui convient parfaitement", mot qui provient de la créolisation de l'anglais "beautiful". D'ailleurs, "obidjoul" a été formé à partir de "bidjoul" qui signifie "joli" "Fout ti manmay-tala bidjoul !" (Qu'est-ce qu'elle est jolie cette enfant !).

    On aurait alors :

 

   __Fok nou rivé obidjoulé pozision-nou épi sé ta yo a (Il faut que nous arrivions à mettre en adéquation nos positions avec les leurs).

 

   __Man pa ka wè pies obidjoulay ant lidé grangrek-tala ek lavi'y (Je ne vois aucune adéquation entre les idées de cet intellectuel et sa vie).

 

    Il faut toujours conserver à l'esprit que nos néologismes ne sont que des propositions qui doivent être donc soumises à la critique. On peut les accepter, les rejeter en proposant d'autres ou alors les modifier un peu. C'est ne rien faire, garder les bras croisés, qui est dangereux pour la langue...

 

                                                                      Raphaël CONFIANT

Connexion utilisateur

CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain afin d'éviter les soumissions automatisées spam.