Cette musique et la chanson qui l'accompagne proclament : "Nous sommes déjà dans l'autonomie !" ou, variante, "L'autonomie, nous l'avons déjà !". Pour l'instant, elles ne sont pas encore un tube, elles ne font pas le buzz, mais nul doute que dans le vide idéologique dans lequel est plongé la Martinique, elles finiront tôt ou tard par s'imprimer dans les esprits. Or, qu'en est-il exactement ? Vrai ou fake ? Tout d'abord, est-il besoin de rappeler que nous sommes dans l'Article 73 de la Constitution française et non dans l'Article 74, rejeté, on s'en souvient, par 79% de votants en 2010. Article 74 qui nous aurait permis d'accéder à un tout petit début de commencement d'autonomie.
Veut-on un exemple concret de ce tout petit début de commencement ? Nous l'avons eu il n'y a pas très longtemps, au plus fort de la crise du covid-19. Prenons l'exemple le plus banal qui soit afin de ne pas embrouiller le lecteur dans une argumentation juridique longue et compliquée : l'accès aux plages au moment où le virus commençait à baisser d'intensité. Alors que le Préfet de la Martinique, représentant donc l'Etat, maintenait l'interdiction de les fréquenter, Bruno Magras, président de la Collectivité de Saint-Barth, lui, l'autorisait dans son île. Début de commencement d'autonomie oblige, il en avait tout à fait le droit, St-Bart ayant choisi l'Article 74. Par contre, A. Marie-Jeanne et A. Chalus, article 73 oblige, ne pouvaient rien contre la décision des préfets de leurs îles. Or, qu'a-t-on entendu dans les coups de gueule" radiophoniques, les messages-Whatsap et les posts-Facebook en Martinique et en Guadeloupe ? Un tollé de protestations.
Chez nous "l'enfant-gâtisme" n'a pas de limites ! Les mêmes personnes qui ont voté (en masse) contre l'Article 74 protestaient parce qu'elles n'étaient pas autorisées à se rendre à la plage. Ou, autres exemples, à recommencer à fréquenter leurs discothèques, salles de sport etc... Faut-il répéter, marteler même, qu'un territoire-Article 73 est sous l'autorité de l'Etat et de son représentant, le Préfet ? Seul lui peut décider de fermer ou de rouvrir l'aéroport. D'interdire l'accostage des bateaux de croisière. Et autoriser la baignade en mer. Donc quand certains de nos hommes politiques martiniquais nous chantent "l'autonomie, nous l'avons déjà !", soit ils racontent n'importe quoi soit ils veulent plaisanter.
Mais il ne serait pas honnête de pointer du doigt la seule droite. En effet, quitte à les faire retoquer par le Conseil constitutionnel et le Parlement, rien n'empêchait, au cours des vingt dernières années écoulées et même dans le cadre contraignant de l'Article 74, nos "autonomistes" et nos "indépendantistes" de voter des textes de nature...autonomiste. Regardons la Corse, dirigée, il est vrai, par une coalition autonomo-indépendantiste ! Sa collectivité a voté deux mesures fortes, deux mesures que l'on peut qualifier sans exagération aucune, d'autonomistes :
. le statut de Résident corse.
. la co-officialité de la langue corse et de la langue française.
Cela a été débattu, discuté et voté (certes pas à l'unanimité) par l'Assemblée de Corse. De quoi s'agit-il exactement ? Concernant la première décision, il s'est agi de ne permettre l'achat d'une résidence ou d'un terrain en Corse que si l'on vit dans l'île depuis au moins 5 ans et qu'on y a sa résidence fiscale. Pourquoi ? Parce que l'île de Beauté est en proie à une spéculation foncière effrénée qui fait que très peu d'autochtones, de Corses donc, peuvent se permettre d'acheter une maison (surtout non loin du littoral) ou un terrain constructible. 135.000 non-Corses vivent dans une ile de 344.667 habitants ! Si pareille mesure était prise en Martinique, nul doute que nos assimilationnistes crieraient au racisme. Sauf que Corses et riches acheteurs Européens (Français, Allemands, Anglais, Néerlandais etc.) sont tous des..."Blancs". S'agirait-il alors de simple xénophobie ou détestation de l'étranger ? Nullement là encore puisque si un Ouzbek, un Sénégalais ou un Chinois vit en Corse depuis 5 ans et y a sa résidence fiscale, il peut parfaitement y acheter une résidence ou un terrain. Du reste les autonomistes bretons ont voulu, sans succès, faire voter la même mesure, réduisant même l'obligation de résidence à seulement...1 an.
En visite en Corse, le président Macron avait tout simplement rejeté ces deux mesures pourtant démocratiquement votées par la Collectivité de Corse. A propos de la deuxième mesure, la co-officialité de la langue corse et de la langue française, il s'est plus à rappeler que "le français est la langue de la République". République apparemment toujours "une et indivisible" en dépit de la décentralisation !!! Mais les Corses n'ont pas attendu son bon vouloir : la langue corse est utilisée d'ores et déjà dans toutes les instances de la Collectivité, tant à l'oral qu'à l'écrit, et l'enseignement de celle-ci confortée de la Maternelle à l'Université.
Qu'est-ce qui empêcherait nos chers élus "autonomistes" et "indépendantistes" de voter des résolutions similaires depuis plus de trente ans qu'ils se partagent, alternativement, le pouvoir à l'ex-Conseil régional, puis à la CTM ? Rien. Absolument rien ! Ou alors, s'ils estiment que l'achat de résidences et de terrain par des étrangers et le statut de sous-langue du créole ne sont pas des questions importantes, de voter d'autres mesures, des mesures concernant d'autres domaines. Mais au moins des mesures...autonomistes.
La droite martiniquaise nous mène certes en bateau en chansonnant que "l'autonomie, nous l'avons déjà", mais la gauche ("autonomistes" et "indépendantistes"), elle, ne fait pratiquement rien pour faire bouger le système en place. Ne serait-ce que de quelques millimètres...
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