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MERCI POUR CE MOMENT...

MERCI POUR CE MOMENT...

   Mes chers compatriotes insulaires, vous avez été si nombreux à croire à mon incarcération à la prison de Ducos au motif que j'aurais détourné 10 millions d'euros dans les caisses de l'Université des Antilles que je ne peux que vous remercier pour ce moment. Des milliers de textos, des centaines de mails, des dizaines d'appels téléphoniques ont sillonné notre beau pays et même l'étranger ("Radio Péyi" en Guyane s'est empressée de l'annoncer, me rapporte-t-on ; une amie québécoise m'apprend qu'on l'a appelée depuis la Martinique où elle vient régulièrement en vacances) soit pour annoncer la (bonne) nouvelle soit pour relayer l'article du site-web MONTRAY KREYOL qui l'annonçait : "RAPHAEL CONFIANT AVOUE ENFIN AVOIR DETOURNE LES 10 MILLIONS DE L'UNIVERSITE DES ANTILLES". Il semble qu'en langage NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication), cela s'appelle un buzz.

   Mon incarcération a fait le buzz !
   Lool ! pour employer un autre terme branché. Parmi vous, j'ai pu d'abord distinguer ceux qui y ont immédiatement cru et qui en ont été inondés de bonheur. Frénétiquement, ils se sont mis à diffuser la nouvelle à partir de leur smartphone ou de leur ordinateur. Une parente à moi a ainsi reçu une quarantaine de textos émanant de diverses personnes à ce sujet, elle qui d'ordinaire n'en reçoit que deux ou trois par jour. On aurait juré un remake de la pseudo-affaire "Green Parrot" ! Il a fallu que l'île soit inondée par une onde tropicale pour que cette frénésie s'arrête quoiqu'elle soit repartie de plus belle une fois que le temps est redevenu clément. Au sein de ce premier groupe__celui des croyants donc__, nulle distinction ne peut être faite entre les docteurs, ingénieurs, médecins ou professeurs d'une part et maçons, serveuses, caissières ou femmes de ménage de l'autre. En clair, ces deux classes sociales se retrouvent quasiment à part égales dans ledit groupe, ce qui en dit long sur le premier sous-groupe et son supposé niveau d'études.
   Re-loool ! 

   Bon, pour être honnête, indépendamment de la classe sociale donc, j'ai pu distinguer deux sous-groupes : ceux qui y ont cru dur comme fer et en étaient immensément ravis (80%) et ceux qui y ont cru tout aussi dur comme fer et en étaient profondément affligés (20%). Ca m'a permis de mieux comprendre pourquoi de nos jours, les sociologues ne s'emmerdent pas à aller sur le terrain : les NTIC permettent tout aussi bien, sinon, mieux, d'évaluer l'était de l'opinion sur tel ou tel sujet. Sinon les pourcentages ne m'ont nullement étonné et c'est le contraire qui m'eut fait cet effet. En effet, quand on prend le parti de dire leur fait aux gens, il ne faut quand même pas s'attendre à ce qu'ils vous adulent. Je ne suis pas un politicien et je n'ai pas le temps de flatter les gens. J'ai failli dire "les Negs". Oups !

   Buzz. Lool. Oups. Quel époque ! On se croirait revenu au temps des cavernes.

   Deuxième grande catégorie de réactions : les croyants dubitatifs. Moins nombreux évidemment que les croyants. Là non plus, aucune distinction mesurable entre diplômés et non-diplômés. Ca s'est partagé fifty-fifty. Le genre : "Montray Kréyol est son site. Il ne serait tout de même pas auto-accusé sur son propre site ! C'est bizarre quand même..." ou "Si ça se trouve, les mafieux du CEREGMIA ont payé un hacker pour qu'il pirate MONTRAY KREYOL et y mette en ligne ce texte". Bon, on va retrouver ici les même deux sous-groupes : les dubitatifs ravis (80%) et les dubitatifs affligés (20%). L'explication est exactement la même que pour le groupe des croyants, sauf que les dubitatifs sont des gens habités par le...doute et ça, c'est quand même rassurant. Il n'y a jamais que les gros cons qui ne doutent de rien et qui croient que Jules Peter était le dieu principal de la Grèce antique.

   Et puis, il y a eu une troisième et dernière catégorie : les incroyants. Pas très nombreux, dois-je préciser. Très peu nombreux en fait. J'ai eu beau rédiger un faux "Journal de prison", qui a ravi les deux premiers groupes et les a confortés dans l'idée que j'étais à l'ombre, les incroyants n'ont rien voulu savoir : à leurs yeux, c'était un canular. Et comme dans les deux premiers groupes, j'ai pu distinguer les incroyants ravis et les pas ravis, mais avec une proportion totalement inversée. En effet, ceux qui d'emblée ont refusé de croire que j'avais pu détourner 10 millions d'euros à l'Université, n'ont absolument pas (environ 90%) apprécié le canular. Mais alors là pas du tout ! Tu vas salir ta réputation ? As-tu pensé à ta famille ? Et si la police et la justice s'intéressaient vraiment à toi ? Ce à quoi je rétorquais, hilare : ma réputation ? Rien à foutre ! Ma famille ? Elle se débrouille très bien et n'a pas peur d'éventuelles représailles. Que les flics et la justice s'intéressent à moi ? Bof ! Je n'ai ni volé ni violé ni braqué ni séquestré ni tué personne, donc ils peuvent toujours m'interpeller si ça leur chante.

   En tout ca, à tous et à toutes, MERCI POUR CE MOMENT ! Il y avait longtemps que je n'avais pas autant ri entre telle voiture qui me klaxonne, me double et s'arrête devant moi, les passagers me lançant, incrédules "Ouf ! On vous a libéré" et tel ami de Guadeloupe ou d'ailleurs qui téléphone à mes proches pour dire qu'il prend l'avion d'urgence pour venir les soutenir dans le malheur qui vient de les frapper. Entre la multitude des textos (mais où ces gens ont-ils pu trouver mon numéro de téléphone ?) du genre "Ou ké fini fè moun chié atjelman, isalop !" ou en langue chrétienne, "Bien fait pour ta gueule !", de mails m'assurant qu'en prison, des dizaines de repris de justice m'attendaient pour me "défoncer le troufignon" (sic) ou d'autres me proposant de gérer "mes affaires et mes biens" durant mon incarcération ou carrément d'appels téléphoniques se réjouissant de mon "départ en Enfer". Qu'est-ce que j'ai pu rire !

   VRAIMENT, MERCI POUR CE MOMENT !...

 

Commentaires

Andree01 | 13/11/2015 - 10:22 :
Merci pour ces petits moments de fou-rire intense.
Apache | 13/11/2015 - 11:20 :
Mince, cela sonne donc la fin du "Journal de Prison", qui me faisait bien rigoler aussi moi...

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