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MANIFESTE DES APATRIDES 3

MANIFESTE DES APATRIDES 3

Mon pote le gitan c'est un gars curieux
Une gueule toute noire, des carreaux tout bleus

Y reste des heures sans dire un seul mot
Assis près du poêle au fond du bistrot

Ce gars-là, une roulotte se promène dans sa tête
Et quand elle voyage jamais ne s'arrête
Des tas de paysages sortent de ses yeux
Mon pote le gitan c'est un gars curieux
Mon pote le gitan, c'est pas un marrant
Et dans notre bistrot personne le comprend
Comme tous ces gars-là il a sa guitare
Une guitare crasseuse qui vous colle le noir
Quand y se met à jouer la vieille roulotte
Galope dans sa tête, les joueurs de belote
S'arrêtent et plus rien... on a mal en dedans
Mon pote le gitan c'est pas un marrant

Mon pote le gitan un jour est parti
Et Dieu seul sait où il ballade sa vie
Ce type là était un grand musicien
Ça j'en étais sûr, moi je le sentais bien
Le tôlier m'a dit qu'on est venu le chercher
Un grand music-hall voulait l'acheter
Mon pote le gitan il a refusé
Un haussement d'épaules et il s'est taillé?
J'ai eu l'impression de perdre un ami
Et pourtant ce gars-là ne m'a jamais rien dit
Mais il m'a laissé un coin de sa roulotte
Et dans ma petite tête j'ai du rêve qui trotte

Sa drôle de musique en moi est restée
Quand je pense à lui, m'arrive de chanter
Toi sacré gitan qui sentait le cafard
Au fond ta musique était pleine d'espoir.

Paroles: Jacques Verrières
Musique: Marc Heyral
1954

interprètes :  Yves Montand, Mouloudji, Barbara, Francis Lemarque, et beaucoup d'autres, immigrés ou non

                                        Les gens du voyage Gitans, Tsiganes ou Tziganes, Gypsies, Manouches, Romanichels, Bohémiens, Sintis et Rom.

                                        Les Sintis, ou Cintis, sont un groupe-ethnique nomadisant des régions germanophones ayant été déportés et en grande partie exterminé par les nazis, à l'instar des Tziganes dont ils partagent l'origine indienne. De ce groupe culturel sont issus de nombreux musiciens et groupes, qui s'inspirent de Jango  Django Reinhard et de la musique folklorique hongroise par exemple, du Swing, de la Bossa bova et de la valse musette.

                                        Tsiganes au sens large du terme, y compris donc les Gitans et les Manouches, sont d'origine indienne et parlent une langue également d'origine indienne(le Romani).

                                         Romanichels. Romanichel vient de « Romani çel » qui en romani signifie groupe d'hommes. Les gitans, de l'espagnol Gitanos, dérive aussi de Gyftos et de Gyps, et a également été rapproché d'Egyptos. En France, ce terme a longtemps été associé à la persécution dont ils ont fait l'objet, et a acquis une connotation péjorative. Ils furent donc appelés « Égyptiens. »  Il est difficile de définir avec précision des critères d'appartenance et le nombre exact des Roms car comme pour la plupart des minorités, les nombreuses unions mixtes avec des non-Roms, la sédentarisation et l'acculturation (ou intégration, selon les points de vue) progressent à grande vitesse. Leur nombre est estimé entre 12 et 15 millions sur le continent européen, entre 7 et 9 millions dans L' Union européenne. 

                                        Tsiganes vient du grec Αθίγγανος (intouchable). Cette dénomination a donné Zigeuner en allemand, Cigány en hongrois, Zingaro en italien, etc. Il existe une autre graphie du mot en français : Tzigane. Les Tsiganes préfèrent le S au Z, d'une part, parce que ce dernier évoque trop douloureusement le Z (pour Zigeuner) tatoué par les SS dans les camps de concentration, ensuite, parce qu'il ne correspond pas à la prononciation du mot.
On appelait autrefois certains groupes tsiganes Bohémiens. Le roi de Bohême leur avait, en effet, accordé un passeport qu'ils montraient en Europe. La variante Boumians de ce dernier terme, que l'on rencontre parfois, est une forme provençale.

                                        Gypsies en anglais et Égyptiens dans le français du XVIIe  rappellent une ancienne légende selon laquelle les Roms seraient venus d'Égypte (Egyptos : Αιγύπτοs en grec) ; mais les noms grecs Γύψ (Gyps) et Γύφτοs (Gyftos), dont dérive Gypsies, signifient respectivement recycleur, équarrisseur, et ferronnier, ferrailleur, chaudronnier.

                                        La plupart des linguistes font remonter l'étymologie de ce terme à Roms (« persone », « homme », « êtres humanisés ») ou à leurs noms en Inde : Rabaris ou Doms, noms qui se seraient étendus à tous les migrants indiens. Roms signifie homme en hindî.

                                        Manouches est proche de manusha, qui signifie homme, être humain en sanskrit.

                                        Gitans, de l'espagnol Gitanos, dérive aussi de Gyftos et de Gyps, et a également été rapproché d' Egyptos. Cet  ethnonyme n'a jamais été utilisé par les Roms pour se désigner eux-mêmes.

                                        C’est, paradoxalement, la première moitié du Xxéme siècle, époque de libéralisation dans toute l’Europe, qui fut la plus dure pour les « gens du voyage ». En France, une loi sur « l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades » les oblige pour la première fois, en  1912, à se munir d’un «carnet anthropométrique d’identité» qui doit être tamponné à chaque déplacement. Ce contrôle administratif et de police existe toujours avec le « livret de circulation. »

                                        La répression du nomadisme se conjugue avec le succès des théories eugénistses sur « protection de la race » dans les milieux scientifiques. La Suisse et la Suède -pour citer deux démocraties considérées comme exemplaires- mettent en place une législation qui vise à détruire la culture tzigane, avec l'assentiment ou l'approbation d'une majorité de la société.

                                        En Suisse, le département fédéral de justice et police planifie en 1930 l’enlèvement des enfants sur dix ans. La fondation Pro-Juventute a déjà mis en application en 1926 l'opération « les Enfants de la Grand-Route ». Celle-ci enlève de force les enfants des Jenische (Tziganes de Suisse) pour les placer et les rééduquer dans des familles d'accueil sédentaires, des orphelinats voire des asiles psychiatriques en tant que « dégénérés ». Le docteur Alfred Siegfried, directeur des Enfants de la Grand-Route considère en effet les Jenische comme génétiquement menteurs et voleurs. Non seulement les parents biologiques sont interdits de rencontrer leurs enfants (sous peine de prison) mais des stérilisations sont pratiquées sous prétexte « humanitaire » pour limiter leur reproduction. Cette opération ne prend fin en Suisse qu'en 1972. La Suède pratique une politique similaire jusqu'en 1975.

                                        En Allemagne, le Parti national-socialiste renforce, dès son arrivée au pouvoir, une législation déjà assez dure ; bien qu’Indo-européens, les Zigeuner ne sont pas considérés comme des Aryens mais, au contraire, comme un mélange de races inférieures ou, au mieux, comme des asociaux. Ils sont vite parqués dans des réserves (on envisage d’en classer une tribu comme échantillon, mais le projet est abandonné), puis envoyés en Pologne, et enfin internés dans des camps de concentration sur ordre d’Himmler, puis éliminés dans des  camps d'extermination.

                                        Pendant la Seconde Guerre Mondiale, entre 50 000 et 220 000 Tziganes d'Europe sont morts des suites des persécutions nazies. Le terme tsigane le plus courant pour désigner ce génocide est « Porrajmos » qui signifie littéralement «dévoration». Les Tziganes ont aussi participé à la résistance armée en France, en Yougoslavie, en Roumanie, en Pologne et en URSS.

                                        La France n’attend pas l’occupation allemande pour interner ses propres populations nomades, « par mesure de sécurité nationale ». Les décrets d’avril 1940 les obligent à se fixer dans une commune, et on parle de « camps de concentration » en toutes lettres dans les circulaires destinées aux préfets. L’invasion, qui jette des milliers de personnes sur les routes, brouille les cartes momentanément. Mais, dès que la situation se normalise, les internements par les autorités françaises reprennent. Les autorités allemandes se contentent de confirmer les décrets d’avril et sont même moins sévères ; 3000 Tsiganes auraient été internés entre 1940 et 1946. Il n’y aura que peu de déportations vers l’Allemagne. Les derniers internés au camp de Jargeau, ne le quitteront qu’en décembre 1945, alors que les déportés survivants sont rentrés d’Allemagne depuis le printemps.

                                        D'autres massacres ont pris une forme particulièrement cruelle dans cette période de chaos : ainsi, en Roumanie, le régime d' Antonescu déporte plus de 5000 Roms vers l'Ukraine occupée par les Roumains : la plupart meurent de froid, de faim et de dysenterie. Quelques habitants courageux parviennent à protéger certains groupes. Le gouvernement roumain a officiellement reconnu ce génocide (en même temps que la Shoah)  en 2005.

                                        Le génocide a violemment marqué les consciences et, s’il faut attendre1969  pour qu’une loi plus libérale remplace en France la loi de  1912, cela se fait sans opposition, ceux qui sont peu favorables aux Tsiganes craignant d'être assimilés aux promoteurs du racisme sous l'occupation      allemande. En 1988, la France accepte de se souvenir de la politique conduite par le gouvernement de Vichy  à l’égard des nomades entre 1939 et 1945, et dresse une stèle commémorative sur l’un des sites d’internement.

                                        L'expression « gens du voyage » est une catégorie juridique du droit français, mise en circulation par deux décrets de 1972, qui se référaient à la loi de 1969 sur l'exercice des activités économiques ambulantes, qui remplaça notamment le carnet anthropométrique institué par la loi de 1912 sur les nomades par un livret de circulation.

                                        Dans la pratique administrative et dans le langage médiatique, cette appellation est souvent utilisée pour désigner les Tsiganes de France (y compris les Sinté/Manouches et les Kalés/Gitans ), bien qu'ils ne soient itinérants que pour environ 15% d'entre eux, et que parmi la population itinérante en France ils ne soient qu'une minorité.

                                        C'est dans un souci de ne pas désigner ethniquement une identité présente sur le sol français que le langage officiel utilise cette expression, la Constitution ne reconnaissant pas l'existence de minorités ethniques ou nationales. (NDLR : avis aux amateurs !)

                                        En mars 2003, la loi sur la sécurité intérieure, a restreint les droits des gens du voyage concernant l'occupation de terrains. On estime aujourd'hui à environ  400 000 personnes, soit quelque 0,6% de la population nationale, correspondant au terme « gens du voyage. »

                                        En 1944, Nagybócsai Sárközy Pál Istvan Ernő, de petite noblesse hongroise, d'un fortune très modeste, arriva en France, comme immigré en 1944,  francisa son nom, en 1948, en Paul ou Pal Sarközy de Nagy-Bocsa. Un fils lui est donné, le 28 janvier 1955, Nicolas, qui abrégera le patronyme en Nicolas Sarkozy.

                                        En 2003, Nicolas Sarkozy, est depuis le7 mai 2002 et jusqu'au 30 mars 2004 : ministre de l'intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales dans les premier et deuxième gouvernements Raffarin. En 2007, devenu chef d'État, Nicolas Sarkozy créé un ministère de l'intégration, de l'immigration, de l'identité nationale et du co-développement, confié à un de ses proches, Brice Hortefeux.

                                        La création d'un ministère associant la question de l'immigration et de l'identité nationale, très décriée pendant la campagne électorale, a également suscité de nombreuses critiques a posteriori. L'association des termes « Immigration » et « Identité nationale » a été critiquée tant au niveau national (démission le 18 mai 2007 de 8 universitaires membres des instances de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration qu'au niveau international  (Doudou Diène, rapporteur spécial de l'ONU contre le racisme, qui y a vu devant le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU une « banalisation du racisme ».

                                        La réalité est qu'un homme dont le père est arrivé en France en 1944, parle d'une France éternelle, dont pas un de ses ancêtres ne saurait de quoi il s'agit. Mais cette  air de fureur qu'il possède vis-à-vis de l'immigration, cette référence permanente à l'identité nationale, cette rémanence du mot intégration, ne semblent tournées que vers lui-même : Comment effacer sa propre histoire, lorsqu'on descend de petits paysans hongrois ?

                                        Pour en revenir à ces gens du voyage, ces apatrides, chassés de partout, ces voleurs de poules et d'enfants, je veux dédier ces trois pièces, l'une au violon de Pablo de Sarasate, l'autre un air tzigane très fameux, la dernière, un ballet récent :


Airs bohémiens

Les yeux noirs

Danses et chants russes, tziganes et slaves.

                                        Et puis si vous les rencontrez, par exemple à leur pèlerinage annuel aux Saintes-Marie-de la-Mer, ne leur demandez pas d'où ils viennent ni où ils vont. Ils ne le savent pas. Ces ont des apatrides.
Yéhudi Ménuhin, le plus grand violoniste du siècle passé, disait ceci  : « Je sais ce que le mot Liberté voudra dire, lorsque les Tziganes auront un pays.»

 

Photo du logo : Les Roulottes, Campement de Bohémiens, (Vincent Van Gogh)

Thierry Caille

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