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Ce que Nelson Mandela a appris auprès des algériens.

MANDELA L'ALGÉRIEN

Publié le 06/12/2013 par 7our.wordpress.com
MANDELA L'ALGÉRIEN

Cet article est un hommage posthume à l’oeuvre de Nelson Mandela. Avec un éclairage particulier sur deux périodes de sa vie. D’une part sa visite dans les camps algériens de l’Armée de Libération Nationale (ALN) au Maroc en 1962.  D’autre part, les choix emprunts d’une grande sagesse qu’il a pris lorsqu’il est devenu président d’une Afrique du Sud « arc-en-ciel ».

18 Mars 1962. A Evian, les négociateurs viennent de signer les accords mettant fin à la guerre d’Algérie. Le jour même, Nelson Mandela prend le train entre Rabat et Oujda. Il voyage clandestinement afin d’avoir des discussion politiques avec les indépendantistes algériens et acquérir une formation militaire.

journalLégende: Page du journal manuscrit archivé au Mandela Memory Centre.

« 18 mars : R (son compagnon Reisha) et moi quittons Raba (Rabat) pour le village de (..) de Oujda, le HQ (quartier général) de l’ALN au Maroc. Nous partons par train et y arrivons à 8h du matin le 19 mars. »

« 19 mars : Un officier nous rencontre à la station et nous conduit au Quartier Général. Nous somme reçus par Abdelhamid, le chef de la section politique de l’ALN. »

Abdelhamid est le nom de guerre de Nourredine Djoudi. Il sera l’interprète de Nelson Mandela. Et plus de 30 ans plus tard, Djoudi deviendra le premier ambassadeur de l’Algérie en Afrique du Sud.

carte_postaleLégende: Courrier manuscrit archivé au Mandela Memory Centre.
Autre page du journal datée du 19 mars 1962. Le jour où le cessez le feu est annoncé en Algérie.
« Nous sommes arrivés à Oujda à 8h du matin. Attendus par un groupe de l’ALN. Nous avons rencontré Si Jamal (de son vrai nom Chérif Belkacem), Abdelhamid (de son vrai nom Nourredine Djoudi), Abderrahmane (?), Larbi (?), (..) sommes (..) par Djoudi. (..) expliquons notre situation en SA (Afrique du Sud). Nous visitons les environs et le matin nous allons partir vers la base de l’armée à Zegangan près du Maroc Espagnol (dans le Nador). On nous montre les armements et nous assistons au théâtre (pièce de théâtre ou champ opérationnel?). »

Son instructeur militaire n’est autre que Mohamed Lamari, celui qui sera chef-d’état major de l’armée algérienne pendant la guerre civile jusqu’à 2005.

Mandela_Oujda_3

Légende: Mandela entre Hamilcar Cabral et Mohamed Lamari en Mars 1962.

(source photo)

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Mandela_Oujda_2

Légende: photo de groupe dans le camp ALN au Nador. De gauche à droite : en compagnie de combattants inconnus, le beau père de Cherif Belkacem en noeud papillon, Cherif Belkacem, Nelson Mandela, Mohamed Lamari, Hamilcar Cabral, et Noureddine Djoudi.

Au lendemain des accords d’Evian, les cinq leaders historiques du Front de Libération Nationale dont Ahmed Ben Bella sont libérés. Ils se rendent au Maroc pour avoir une vue d’ensemble de la situation alors que des dissensions se font jour entre l’état-major de l’ALN et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA). En réalité, une lutte acharnée pour le pouvoir avait déjà commencée.

Mandela_Oujda_Couleur

Légende: Photo prise au Maroc en mars 1962 par Kaddour Samar, le chef de service photographique et cinématographique du FLN-ALN à la base 15 d’Oujda. Nelson Mandela est au deuxième rang. De gauche à droite : Hocine Aït Ahmed (partiellement), Kaïd Ahmed, Mohamed Boudiaf, Djelloul Melaïka, Rabah Bitat, Nelson Mandela, Ahmed Ben Bella, Commandant Nasser, Hamilcar Cabral, Houari Boumediene, Abdelaziz Bouabdallah et Taïbi Larbi.

Malgré les précautions prises, Mandela est surveillé au Maroc par les services secrets occidentaux. Il voyage avec un faux passeport éthiopien sous le nom de David Motsomayi. En avril 1962, il se rend au Mali durant son périple de retour.

Revenu en Afrique du Sud, il est arrêté le 5 août 1962. Son arrestation a été rendue possible par une aide de la CIA, qui avait transmis des informations à la police sud africaine sur sa fausse identité.  Il est accusé d’avoir quitté le pays clandestinement. Mais inspiré par la lutte des indépendantistes algériens, c’est désormais un homme déterminé. Le combat contre l’injustice raciale doit passer par la confrontation armée. A son procès en novembre 1962, il déclare « S’il fallait le refaire, je ferais exactement la même chose. Ainsi aurait fait tout homme digne de ce nom. » Il est alors condamné à cinq ans de prison.

Deux ans plus tard, il passe de nouveau en justice pour avoir auparavant créé une branche clandestine armée au sein de l’ANC. Accusé de rébellion armée, il est condamné à la prison et aux travaux forcés à perpétuité lors du procès de Rivonia. Au cours de ce procès en 1964, il assume son parcours :

« En Afrique, le soutien m’a été promis par de tels hommes… Ben Bella, l’actuel président de l’Algérie. C’est Ben Bella qui m’a invité à visiter à Oujda le quartier général de l’armée algérienne de Libération Nationale. »

L’Algérie n’est pas seule à l’aider. La Tunisie de Bourguiba lui donne une aide financière. Et au Maroc en 1962, il obtient du Royaume à travers Abdelkrim al-Khatib  -qui était à ce moment là Ministre de l’Emploi et des Affaires sociales – un soutien complet. Lors de son allocution d’investiture en 1994, Mandela remerciera particulièrement El Khatib pour l’aide reçue du Maroc, et remerciera dans sa globalité le soutien africain à la cause anti-apartheid.

En décembre 1974, l’Algérie préside l’assemblée générale de l’ONU. Après des débats acharnés,  l’Afrique du Sud ségrégationniste est exclue des Nations Unies.  Le jeune ministre des affaires étrangères Abdelaziz Bouteflika venait de réaliser un exploit diplomatique. Mais la victoire diplomatique africaine n’était pas totale. Les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne opposent leur veto à toute sanction économique contre Pretoria.

Soumis à la pression internationale, le régime d’apartheid cherche à obliger Nelson Mandela à renoncer à l’option de la lutte armée. Ce dernier répond en février 1985 « Seuls des hommes libres peuvent négocier ; des prisonniers ne peuvent contracter des accords. »

Avec le cours des événements, le monde change. Le bloc soviétique s’écroule. Le régime d’apartheid finit par disparaître. Enfin libre, Nelson Mandela deviendra le premier président noir d’Afrique du Sud. Un rêve exprimé dès 1952 se réalise. Et c’est un homme qui a appris des erreurs des autres. Il a étudié l’histoire contemporaine d’autres pays dont l’Algérie et le Zimbabwe.

Véritable homme d’Etat, il prendra des décisions et suivra une démarche pour réconcilier les sud-africains de toutes races, de toutes ethnies, de toutes classes sociales… Contrairement à l’Algérie post-indépendance, il n’y aura pas d’exode massif des populations d’origine européenne, pas de nationalisation précipitée des moyens de production, pas de chasse aux sorcières dans les structures étatiques, etc…

Mandela a beaucoup appris des algériens. Mais le pouvoir d’Alger n’a pas beaucoup appris de lui. Ainsi, il n’y aura pas de commission Justice et Réconciliation en Algérie pour clôturer la guerre civile. Juste des lois d’amnistie et d’amnésie collectives. Cinquante et un ans après son indépendance, l’Algérie reste pathologiquement divisée. Nous n’avons pas eu la chance d’avoir un sage comme Nelson Mandela au poste de chef d’Etat. Allah yarham Madiba !

Baki @7our Mansour

Post-scriptum: 
Légende: Récemment libéré des geôles de l’apartheid en février 1990, le militant Nelson Mandela effectue sa première visite en Algérie en mai 1990 (lire Mandela et l’Algérie : cinq mensonges et une révélation). Alger avait mis à sa disposition un avion du GLAM pour une tournée africaine. Il sera élu président de l’Afrique du Sud quatre ans plus tard en 1994.

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