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« L’opposition ne sert à rien » : Et si Jean-Claude Duverger avait raison ?

Yves-Léopold MONTHIEUX
« L’opposition ne sert à rien » : Et si Jean-Claude Duverger avait raison ?

Les démocraties sont ainsi faites que pour les rendre efficaces il convient de leur apporter des corrections. Celles-ci confinent parfois à des entorses. Au sein des assemblées, certaines mesures défavorables à l’opposition aident à la stabilité de la majorité qui est rarement majoritaire en voix. L’un des soucis des démocraties concerne l’étendue des artifices qui sont utilisés pour les faire fonctionner, lesquelles sont nécessairement injustes pour les minorités. De sorte que le degré de démocratie d’une institution peut se mesurer à l’aune du sort réservé aux élus de l’opposition. Ainsi donc, on peut comprendre que les opposants de l’assemblée de la collectivité territoriale de Martinique (CTM) se plaignent de la situation qui leur est faite. Cependant, l’actuel statut de l’opposition n’est-elle pas celle  qu’avait voulue la majorité des élus, en particulier ceux qui ont inspiré la rédaction des statuts de la CTM ?

La récente tribune de Serge Letchimy le confirme, la désertion des bancs de l’assemblée par les élus d’EPMN est une décision qui vient d’en haut. De sorte que l’ « entier soutien » que le président du PPM dit apporter à son ami, le leader de l’opposition de la CTM, relève du pur euphémisme. Car en réalité Jean-Claude Duverger n’a fait qu’exécuter la mission qui lui avait été confiée. Il ne fait que pousser le bouchon un peu loin en proclamant de sa voix de stentor un tonitruant « nous ne servons à rien ». La force du propos porte l’argumentation bien au-delà des justifications contenues dans l’appel de Serge Letchimy dont les mots pourraient être mieux choisis pour apaiser une situation que ce dernier décrit comme violente et menaçante. Car ce sont les volontés de nos parlementaires, recueillies par Nicolas Sarkozy,  qui ont été retranscrits dans les statuts de la CTM avec l’aide de juristes martiniquais. Ces élus ont confectionné une collectivité qu’ils ont voulue conforme à leurs ambitions et leurs stratégies politiques.

Un point d’histoire : le souvenir d’un grand autonomiste. Après que François Mitterrand avait fait entrer l’opposition dans les conseils municipaux, le maire de Fort-de-France, Aimé Césaire, avouait à la télévision, évoquant les opposants : « on les laisse parler puis nous faisons nos affaires ». Cette doctrine n’est certainement pas propre au PPM, mais son énoncé par le leader fondamental en dit long sur la philosophie du parti.

Une comparaison : la presse nationale s’est insurgé des difficultés  rencontrées par les partisans du non au référendum de la Turquie. C’est ce qui s’est pourtant produit en Martinique, avec une complaisance gouvernementale et médiatique quasi absolue, lors de la consultation électorale du 24 janvier 2010 qui a donné naissance à la CTM. A propos, la réunion du Congrès du Parlement, addition des élus du sénat et de l’assemblée nationale, peut se substituer au référendum pour modifier la constitution. La majorité qualifiée des trois cinquièmes est alors exigée. Elle permet de réduire le hiatus existant entre le nombre d’élus et le nombre de voix correspondants. Le congrès des élus martiniquais n’a pas droit à ce geste démocratique.

C’est dire que la politique martiniquaise s’inscrit dans une atmosphère qui n’est pas toujours celle de la recherche de l’intérêt public et du respect de l’opposition. Ainsi, dans une volonté commune largement exprimée, Serge Letchimy, Alfred Marie-Jeanne et, dans une moindre mesure, Claude Lise, ont demandé que la Martinique soit nantie d’un exécutif distinct de l’assemblée. Et dans un parfait consensus, les protagonistes ont obtenu que l’opposition n’y participe pas. D’où le refus de doter la CTM d’une commission permanente, élue à la proportionnelle, où toutes les tendances sont représentées.  La collectivité territoriale de Guyane a eu la sagesse de conserver cet organe qui donne à l’opposition la possibilité de participer aux projets de l’exécutif. En réalité, la seule disposition des statuts favorable à l’opposition est politiquement inapplicable. C’est, si l’on peut dire, le « 49-3 » à l’envers, qui est censé permettre de censurer l’action de l’exécutif. Or sa saisine se heurte à des difficultés telles que personne ne peut sérieusement croire à son aboutissement.

Ainsi donc, les négociateurs de l’Elysée ont obtenu à peu près tout ce qu’ils souhaitaient. Par ailleurs, le seul désaccord entre Alfred Marie-Jeanne et Serge Letchimy a porté sur le taux de grignotage de l’opposition pour renforcer la majorité.  C’est le choix du président du PPM qui a été retenu : 11 élus supplémentaires, au lieu de 6, sont accordés à la liste gagnante, au détriment d’une opposition réduite en peau de chagrin.

Toutes ces mesures ont été pratiquées dans une véritable ambiance de déconsidération de l’opposition, elles ne pouvaient pas manquer leur but. Si on retient  que c’est Serge Letchimy qui avait les faveurs de Nicolas Sarkozy, on doit le prendre pour le principal artisan de l’anéantissement de l’opposition. On en est arrivé à la situation décrite par Jean-Claude Duverger, qui, en réalité, est le résultat que chacun des protagonistes avait prévu pour l’autre. Les deux camps s’étant mis dans l’impossibilité structurelle de figurer ensemble dans l’exécutif, il était inéluctable que l’un ou l’autre se retrouve dans la situation de l’arroseur arrosé. Tel est pris qui voulait prendre...

Fort-de-France, le 13 avril 2017

Yves-Léopold Monthieux

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