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L’Italie, terre d’émigration massive aujourd’hui farouchement anti-migrante

Par Charlotte Boitiaux
L’Italie, terre d’émigration massive aujourd’hui farouchement anti-migrante

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’extrême-droite italienne, la politique migratoire s'est considérablement durcie. Pourtant, les Italiens ont eux-mêmes migré au XXe siècle en quête d'une vie meilleure. Certains ont fui les difficultés économiques, d'autres le régime autoritaire de Mussolini. Ses slogans de campagne donnaient le ton : "Stop à l’invasion", "les Italiens d’abord", et son programme était radical : expulser 500 000 clandestins installés dans le pays. Depuis son arrivée au pouvoir en juin 2018, Matteo Salvini, ministre de l’Intérieur italien - d’extrême-droite - s’évertue à mettre en place ses promesses électorales.

Le gouvernement italien entend ainsi accélérer les expulsions de migrants, multiplier les centres de rétention et les accords de rapatriement avec les pays d'origine. Matteo Salvini a déjà interdit aux navires de secours de jeter l'ancre dans les ports du pays et a annoncé son intention de "donner un bon coup de ciseaux dans les cinq milliards d'euros" consacrés chaque année à l'accueil des demandeurs d'asile.

Pourtant, jusqu’au milieu du XXe siècle, l’Italie a surtout été une terre d’émigration. Petit rappel de l’histoire migratoire du pays.

1-     La France, 3e destination des immigrés italiens avant la Première Guerre mondiale

Au début du siècle dernier, et jusqu’à la Première Guerre mondiale, plus de 10 millions d'Italiens ont quitté la péninsule. Les premiers ont traversé l’océan en direction des États-Unis, attirés par l'eldorado américain. Les seconds tentent leur chance en Argentine. Les autres ont pris le chemin de la France – qui subit un déclin démographique et manque de main d’œuvre.

Carte postale d'enfants italiens à Marseille en 1903. Crédit : Musée de l'histoire et de l'immigration

Carte postale d'enfants italiens à Marseille en 1903. Crédit : Musée de l'histoire et de l'immigration

Selon le musée de l’histoire et de l’immigration, à la veille de la guerre, les Italiens sur le sol français sont autour de 420 000, soit 36% des étrangers et plus de 1% de la population en France.

L’explication de cette exode est simple : faiblement industrialisée, très rurale, archaïque dans ses infrastructures, l’Italie peine à se moderniser. En 1913, on parle même de la "grande émigration". En une seule année, ils seront plus de 870 000 Italiens à partir.

À la fin de la Première Guerre mondiale, rien ne s'arrange. Le pays souffre des dégâts du conflit qui vient de s’achever. L'Italie est pauvre, les caisses de l’État sont vides. La lire perd de sa valeur, le coût de la vie explose, le chômage atteint des sommets avec le retour des soldats du front. Et surtout le fascisme guette. Benito Mussolini se présente comme un rempart contre le désordre et le chaos.

2-     Fuir Mussolini, le fascisme et la pauvreté

En quelques mois, les fascistes jettent les bases d'un régime autoritaire et terrorisent la population. Une nouvelle vague d’émigrants se prépare : des communistes, d'abord qui fuient le "Duce" – qui obtient les pleins pouvoirs en 1922 - et ses Chemises noires. Mais pas seulement. Tous les Italiens immigrés ne sont pas antifascistes : des milliers de paysans et d’ouvriers prennent le chemin de la France pour travailler dans les mines et les milieux sidérurgiques alors en pleine expansion.

En 1931, ils sont plus de 800 000 Italiens sur le sol hexagonal avant que le flux ne s’interrompe avec le déclenchement progressif de la Seconde Guerre mondiale.

Photo darchive dimmigrs italiens en Louisiane aux tats-Unis en 1939 Crdit  Library of Congress

Photo d'archive d'immigrés italiens en Louisiane, aux États-Unis, en 1939. Crédit : Library of Congress

La cohabitation est difficile. Hier comme aujourd’hui, les populations locales et immigrés s’achoppent autour de la question de l’emploi, rappelle l'historienne, Marie-Claude Blanc-Chaléard, spécialiste de l'histoire de l'immigration. Les Français accusent les Italiens de concurrence déloyale. Les migrants sont accusés de voler les emplois des Français en étant une main d'oeuvre trop bon marché. Un épisode dramatique illustre cette douloureuse réalité historique : le massacre d’Aigues-Mortes. En août 1893, en Provence, une foule de travailleurs français massacra des immigrés italiens, coupables, selon eux, de prendre à des salaires trop bas des emplois dans les marais salants.

3-     "Rital", "Macaroni"

Longtemps, les immigrés italiens, victimes de xénophobie, souffriront de sobriquets péjoratifs tels que : "Rital", "Macaroni". Les enfants italiens en feront aussi les frais à l’école.

François Cavanna, le dessinateur et fondateur de la revue satirique Hara-Kiri, se souvient de ses jeunes années d’immigré italien à Paris. "On a commencé à nous appeler les Ritals quand j’ai eu dix ans. Avant, c’était les 'macaronis'. On était les seuls étrangers à l’époque. Je me souviens du racisme dans la rue, dans la cour de l’école, dans les magasins. On me disait ‘retourne dans ton pays’, je me battais. Mes copains de classe ne m’invitaient pas chez eux, je ne les invitais pas chez nous".

Des émigrants italiens en France, en 1920. Crédit : Musée de l'histoire et de l'immigration

Des émigrants italiens en France, en 1920. Crédit : Musée de l'histoire et de l'immigration

À partir des années 1950, l’image des immigrés italiens s’améliore et leur présence se banalise – malgré la persistance de certains clichés. En 1953, dans son film "Thérèse Raquin", le réalisateur Marcel Carné met en scène, Laurent, l’amant meurtrier de Thérèse. Si dans le livre d’Emile Zola, Laurent est Français, dans le film de Carné, il est Italien, illustration du stéréotype de l’étranger dangereux, inquiétant.

4-    1970, l’Italie devient un pays d’immigration

Au vu de leur histoire, l’historienne Marie-Anne Bonucci, interrogée par France 24, estime que l'Italie, "aurait pu imaginer un accueil plus favorable [pour les migrants d’Afrique subsaharienne qui arrivent aujourd’hui]. La réaction d’hostilité est finalement d’autant plus forte que l’immigration est plus récente. Les choses se sont inversées".

Depuis les années 1960, en effet, l’Italie est confrontée à une arrivée massive d’étrangers. Les descendants de migrants italiens, installés en Amérique du sud, sont, par exemple, revenus dans leur pays natal, lors des crises des années 1970 au Chili, en Argentine... À cette période, l’Italie connaît, elle, un "miracle économique".

L’histoire s’inverse : c’est au tour de l’Italie de faire appel à une main d’œuvre immigrée peu coûteuse dans les secteurs saisonniers (hôtellerie, agriculture, bâtiment…). Dans les années 1980, de nombreuses provinces (Toscane, Campanie) accueillent des migrants, en situation irrégulière, mais acceptant les travaux précaires et les bas salaires.

À son tour, cette population immigrée sera victime de racisme et de xénophobie. Peu d’étrangers trouvent de l’aide. "Contrairement à la France, vieux pays d’immigration, l’Italie n’a pas connu l’émergence d’associations anti-racisme aussi fortes que la Licra dès les années 1920 ou que SOS racisme dans les années 1980", écrit encore la journaliste Stéphanie Trouillard sur France 24. 

Depuis l’arrivée au pouvoir en 2018 de Matteo Salvini, accusé d'entretenir un climat de haine, les agressions racistes sont en augmentation en Italie.

Post-scriptum: 
Des migrants italiens du Piémont franchissent les Alpes pour venir en France en 1946. crédit : Musée de l'histoire et de l'immigration

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