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Lin Canfrin, chanteur et danseur de mayolè

Marie-Noëlle RECOQUE DESFONTAINES
Lin Canfrin, chanteur et danseur de mayolè

J’ai eu le privilège de voir et d’entendre, deux ans avant sa mort survenue en 2005, un musicien marie-galantais, Lin Canfrin, se produisant dans le cadre de la remise du Prix Carbet, à la Ramée, Sainte-Rose. Je ne sais qu’écouter la musique mais j’ai gardé un souvenir empreint d’émotion de cette prestation.

 

Lin Canfrin fait son entrée et salue avec son chapeau dans un geste ample et théâtral. Il se tient plié, le dos courbé mais on le sent déterminé et sûr de son affaire. Assis sur un siège pliable, il prépare ses bâtons : Lin Canfrin est un chanteur et un danseur de mayolè. Le dernier nous dit-on.

 

Le mayolè est la survivance d’un art martial liant la danse et la lutte, transmis aux Guadeloupéens à travers les siècles, par les Africains réduits en esclavage et leurs descendants. Cet art a perduré en dépit d’une interdiction réitérée faite aux esclaves de « porter aucune arme offensive ni de gros bâtons sous peine de fouet ».

 

La prestation est émouvante. Il chante avec son cœur, ses tripes, son âme. Il ne vit plus dans le même monde que nous. Il nous oublie, il s’oublie dans la musique.  Assis, il manipule ses bâtons avec une dextérité qui subjugue. Il est impressionnant car son jeu garde la vigueur qui devait être la sienne  lorsqu’il pouvait chanter longtemps debout. Il bat des pieds, frappe du bâton sur le sol avec force. C’est beau. Parfois, il se lève et exécute des pas avec une souplesse inattendue qui donne une idée de sa maestria d’antan. Avant chaque morceau, Lin Canfrin se tourne vers les musiciens qui l’accompagnent et dit : « En ré mineur, un, deux, trois. » Parfois, il s’arrête pour rappeler le tempo à ses compagnons qui obtempèrent en souriant. Je suis touchée par le courant émotionnel qui passe entre Lin Canfrin et les musiciens. Je perçois une communication secrète, anba fèy, une connivence qui échappe à la profane que je suis. Pourtant, je capte ce qu’elle a de puissant. Les musiciens dont Gérard Pomer, se mettent au service du vieux chanteur, ils le couvent du regard affectueusement. Je le sens, je suis témoin d’un miracle éphémère que je n’oublierai pas.

 

Lin Canfrin était prêt à chanter encore et encore. Je me suis souvenue d’une anecdote racontant comment un groupe de vieux musiciens guadeloupéens reçus dans un festival international de musique étaient montés sur scène avec l’intention évidente d’y jouer jusqu’à épuisement. Il avait fallu faire preuve de beaucoup de tact voire de ruse pour leur faire admettre qu’ils ne faisaient pas le spectacle à eux tout seuls et qu’il y avait un programme à respecter.

 

Avant de se retirer Lin Canfrin s’est exprimé pour rappeler au public qu’il avait longtemps été méprisé en tant que chanteur et danseur de mayolè mais qu’aujourd’hui, il était considéré comme un artiste, ce qui le rendait heureux.

 

Maie-Noëlle RECOQUE  DESFONTAINES

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