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L'IDENTITE NATIONALE ET LA FABRICATION D'UN ENNEMI DE L'INTERIEUR

par Said Bouamama
L'IDENTITE NATIONALE ET LA FABRICATION D'UN ENNEMI DE L'INTERIEUR

Notre posture d’affirmation égalitaire suppose un refus sans nuances du terrain et des pièges que l’ennemi ne cesse de tendre à un rythme soutenu. Le débat sur l’identité nationale est un de ces pièges.

Nous n’avons pas à argumenter sur notre « bonne foi » et notre respect de ladite « identité nationale ». Nous devons démasquer et dénoncer les implicites de ce piège idéologique tout en gardant le cap sur l’essentiel : le combat pour l’égalité.

Ce nouveau débat écran, tout aussi factice que les précédents, nous est imposé par le gouvernement Sarkozy et ses relais médiatiques. Après celui sur le foulard qui menacerait la laïcité. Après celui sur quelques dizaines de burqas qui nécessiterait une loi et une réaction virile de la « République ». Après la reprise du débat suisse sur les minarets qu’il faudrait interdire (pour ne citer que les plus récents). Ce nouveau débat idéologique met une nouvelle fois l’immigration et ceux qui en sont issus (la possession de la carte d’identité française ne protège en rien du racisme et des discriminations) sur le banc des accusés. Cette fois-ci nous menacerions l’identité nationale, et le retour à l’assimilationnisme de type colonial serait le seul remède. La logique de ces débats est désormais connue et peut se reproduire à l’infini : inventer un danger – produire de la peur – construire un bouc émissaire – proposer une loi pour souligner la détermination de l’Etat. Ces lois ne servent bien sûr à rien puisque les problèmes sur lesquels elles sont censées agir n’existent pas.

En revanche ces lois poursuivent d’autres objectifs. Ce sont des lois discriminatoires dont l’utilité est d’encourager les comportements racistes. On nous présente ces lois comme des conséquences quand elles ne sont, ni plus ni moins, que des causes. A force de se cumuler, ces débats factices désignant un « ennemi de l’intérieur » deviennent de véritables autorisations officielles au racisme et à ses conséquences en termes d’agressions et de meurtres.

La conception de la nation, qui est véhiculée par ce débat, est tout simplement réactionnaire. Elle est la reprise de très anciennes constructions politiques posant la nation comme une essence, un génie, une spécificité quasiment inscrite dans les gènes, qu’il faudrait préserver des influences extérieures et intérieures qui viendraient la corrompre. La reprise de cette conception à l’échelle européenne ne change rien à son caractère réactionnaire. Elle conduit à la volonté de construire et d’affirmer une Europe blanche et chrétienne devant préserver sa pureté face aux dangers d’une immigration noire, arabe et musulmane. Elle conduit aux conceptions d’une « France forteresse » et d’une « Europe forteresse » se bâtissant à l’abri du mur de la ségrégation qu’est le mur de Schengen. Cette France et cette Europe forteresse auraient à être préservées des masses de barbares voulant s’y installer et y faire souche, menaçant ainsi « l’essence de la nation ».

Ce n’est pas par « désir de France » que le fleuve de l’immigration postcoloniale continue à être alimenté. Ce n’est pas par attirance envers un « modèle » qui serait perçu comme supérieur que des milliers d’hommes et de femmes meurent chaque année en tentant de passer les mers, les frontières et les murs. C’est tout simplement parce que le viol colonial continue à produire ses effets destructeurs. Parce que le néocolonialisme les amplifie encore plus. Parce que le monde n’a jamais été aussi inégalitaire. Les pays riches continuent d’imposer un échange économique inégal au reste de la planète et les guerres pour la maîtrise des matières premières ne cessent de se succéder. Pour les justifier est alors inventé, construit, mis en scène et en spectacle, un « danger extérieur ». Les nouvelles guerres coloniales (en Irak, en Afghanistan, etc.) peuvent ainsi se couvrir d’un verni respectable : lutte contre « l’intégrisme », soutien à la démocratie, émancipation des femmes, besoins humanitaires, etc. A ce danger extérieur répond en écho un danger intérieur nécessitant la traque d’une « cinquième colonne» (qui porte le foulard, qui siffle la Marseillaise, qui est sans papiers, qui n’est pas fière d’être française, qui chante « Nique la France », etc.). Cette conception essentialiste de la nation n’est rien d’autre que celle qui a justifié la colonisation et l’esclavage et qui a été le leitmotiv de l’idéologie pétainiste.

A cette conception s’en est toujours opposée une autre, posant la nation1 comme résultat historique des rapports de forces sociaux. En fonction des périodes historiques, chacune des composantes de la population d’un territoire se reconnaîtra, ou non, dans la « nation officielle » et en conséquence se battra, ou non, pour une nouvelle orientation de la nation. C’est dire l’idiotie des discours sur la fierté d’être français : peut-on être fier à la fois des Communards et des Versaillais, des résistants et des collabos, des porteurs de valises et des colonialistes ?

De nombreuses réactions se sont contentées de dénoncer le moment du débat (avant les élections régionales) et reconnaissent donc (en implicite pour certains et en explicite pour d’autres) la pertinence et la légitimité de ce dernier. Nous retrouvons ici le fameux « Le Pen pose de bonnes questions et apporte de mauvaises réponses » dont nous connaissons désormais les conséquences sur la Lepénisation des esprits d’une partie non négligeable de la classe politique, à droite comme à gauche.

L’identité de chaque être humain est le résultat de son histoire. Il est vain d’exiger de nous une opération de chirurgie sociale consistant à extraire une partie de nous-même au prétexte d’être conforme à une « identité nationale » décrétée par l’Etat. Les enfants algériens qui investissent les rues françaises lors des matchs disputés par l’Algérie en sont un exemple éloquent, et leur message politique pourrait être celui-ci : « Nous investissons les rues françaises qui sont les nôtres pour exprimer notre algérianité ». Ces drapeaux algériens dans nos rues sont objectivement une réponse politique à Eric Besson.

Extrait de l'ouvrage Nique la France par Said Bouamama et ZEP

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