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L’ESPOIR RADICAL - Lettre de JUNOT DIAZ auteur d’origine dominicaine, à la suite de l’élection de DONALD TRUMP

L’ESPOIR RADICAL - Lettre de JUNOT DIAZ auteur d’origine dominicaine, à la suite de l’élection de DONALD TRUMP

Dans l’édition du New Yorker du 21 novembre 16 écrivains, parmi lesquels Toni Morrison et Junot Diaz prennent la plume à la suite de la victoire de Donald Trump aux élections présidentielles américaines.

Nous vous proposons de lire la traduction - suivi de l’original - de l’essai très inspirant de l’écrivain dominicain Junot Diaz.
Les 16 essais sont disponibles en ligne à cette adresse: http://www.newyorker.com/magazine/2...
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ESPOIR RADICAL - Par Junot Díaz (traduction@ Samuel Légitimus)
Querida Q .: (Chère Q.:)
J'espère que vous vous sentez, sinon précisément mieux, du moins pas si démoralisée que ça. Mercredi, après qu'il ait gagné, vous m'avez contacté, en quête de conseils, de solidarité. Vous m'avez écrit: Mes deux petites sœurs m'ont appelé en pleurant ce matin. Je n'avais rien à leur donner. Je me suis senti démunie. Et maintenant? Continuer à dire la vérité à partir d'un coin allant toujours s'amenuisant? Abandonner?
J'ai répondu tout de suite, parce que vous êtes ma sœur, parce que vous entendre dans une telle détresse m'a fait du mal. J'ai offert quelques mots de consolation, mais la vérité était que je ne savais pas quoi dire. À vous, à mes filleuls - qui toute l'année ont fait le cauchemar que leurs parents seraient déportés - à moi-même.
J'ai pensé à votre courrier électronique toute la journée, Q., et j'ai pensé à vous pendant ma classe du soir. Mes étudiants semblent remués. Quelques-uns ont parlé de leur effroi et de la trahison qu'il ressentent. Deux d'entre eux ont pleuré. Il n'est pas facile de tenir compte du fait que la moitié des électeurs - voisins, amis, famille – ont été prêts à élire, au plus haut poste de la nation, un misogyne toxique, un démagogue racial qui veut faire grandir l'Amérique en détruisant les gains des droits civiques des cinquante dernières années.
Et maintenant? Demandez-vous. Et ce fut aussi la question de mes étudiants. Et maintenant? Je crains de leur ai répondu aussi mal que je vous ai répondu à vous. Par conséquent, je suis assis ici maintenant au beau milieu de la nuit, dans la tentative d'une nouvelle réponse.
Et maintenant? Eh bien, d'abord et avant tout, nous avons besoin de sentir. Nous devons nous connecter courageusement au rejet, à la peur, à la vulnérabilité que la victoire de Trump nous a infligée, sans nous détourner ni nous engourdir, ni tomber dans le cynisme. Nous devons témoigner de ce que nous avons perdu: notre sécurité, notre sentiment d'appartenance, notre vision de notre pays. Nous devons pleurer pleinement toutes ces blessures, afin que celles-ci ne nous plongent pas dans le désespoir. Alors,la réparation sera possible.
Et tandis que nous faisons le dur et nécessaire travail de deuil, nous devrions nous servir des anciennes formations qui nous ont vu dans l'obscurité. Nous nous organisons. Nous formons des solidarités. Et, oui: nous luttons. Pour être entendu. Pour être à l'abri. Pour être libre.
Pour ceux d'entre nous qui ont été dans la lutte, la perspective de plus de combats, après un recul si cruel, semble impossible. Dans des moments comme ceux-ci, il est facile, même pour une matatana (ndt - en mexicain “femme qui excelle en toute chose”), de penser qu'elle ne peut pas continuer. Mais je crois qu'une fois que le choc s'installe, la foi et l'énergie reviennent. Parce que soyons honnêtes: nous avons toujours su que cette merde n'allait pas être facile. Le pouvoir colonial, le pouvoir patriarcal, le pouvoir capitaliste doivent toujours et partout être combattus, parce qu'ils ne cessent jamais. Nous devons continuer à nous battre, car sinon il n'y aura pas d'avenir - tout sera consommé. Ceux d'entre nous dont les ancêtres furent possédés et élevés comme des animaux présagent que trop bien de l'avenir, parce que c'est, en partie, notre passé. Et nous savons qu'en combattant, contre toute attente, nous qui n'avions rien, pas même nos véritables noms, avons transformé l'univers. Nos ancêtres ont fait cela avec très peu, et nous qui avons plus devons faire la même chose. Telle est la destinée joyeuse de notre peuple: ancrer l'arc de l'univers moral si profondément dans la justice qu'il ne sera jamais défait.
Mais tous les combats du monde ne nous aideront pas si nous n'avons pas également l'espoir. Ce que j'essaie de cultiver n'est pas un optimisme aveugle, mais ce que le philosophe Jonathan Lear appelle l'espoir radical. "Ce qui rend cet espoir radical," écrit Lear, "c'est qu'il est dirigé vers une bonté future qui transcende la capacité actuelle de comprendre ce qu'elle est." L'espoir radical n'est pas tant quelque chose que vous avez que quelque chose que vous pratiquez; Elle exige de la flexibilité, de l'ouverture et ce que Lear décrit comme «l'excellence imaginative». L'espoir radical est notre meilleure arme contre le désespoir, même lorsque le désespoir paraît justifiable; Il rend possible la survie de la fin de votre monde. Seul l'espoir radical aurait pu imaginer l'existence des gens comme nous. Et je crois que cela nous aidera à créer un avenir meilleur et plus aimant.
Je pourrais en dire plus, mais je me suis déjà assez imposé, Q .: il est temps d'affronter ce nouveau monde brutal, de revenir à la grande œuvre brillante de notre peuple. L'obscurité, après tout, prend fin, un nouveau jour arrive.
Avec mon amour J.
Biographie et bibliographie française de JUNOT DIAZ ici: https://www.facebook.com/media/set/...
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RADICAL HOPE
By Junot Díaz
Querida Q.:
I hope that you are feeling, if not precisely better, then at least not so demoralized. On Wednesday, after he won, you reached out to me, seeking advice, solidarity. You wrote, My two little sisters called me weeping this morning. I had nothing to give them. I felt bereft. What now? Keep telling the truth from an ever-shrinking corner? Give up?
I answered immediately, because you are my hermana, because it hurt me to hear you in such distress. I offered some consoling words, but the truth was I didn’t know what to say. To you, to my godchildren, who all year had been having nightmares that their parents would be deported, to myself.
I thought about your e-mail all day, Q., and I thought about you during my evening class. My students looked rocked. A few spoke about how frightened and betrayed they felt. Two of them wept. No easy task to take in the fact that half the voters—neighbors, friends, family—were willing to elect, to the nation’s highest office, a toxic misogynist, a racial demagogue who wants to make America great by destroying the civil-rights gains of the past fifty years.
What now? you asked. And that was my students’ question, too. What now? I answered them as poorly as I answered you, I fear. And so I sit here now in the middle of the night, in an attempt to try again.
So what now? Well, first and foremost, we need to feel. We need to connect courageously with the rejection, the fear, the vulnerability that Trump’s victory has inflicted on us, without turning away or numbing ourselves or lapsing into cynicism. We need to bear witness to what we have lost: our safety, our sense of belonging, our vision of our country. We need to mourn all these injuries fully, so that they do not drag us into despair, so repair will be possible.
And while we’re doing the hard, necessary work of mourning, we should avail ourselves of the old formations that have seen us through darkness. We organize. We form solidarities. And, yes: we fight. To be heard. To be safe. To be free.
For those of us who have been in the fight, the prospect of more fighting, after so cruel a setback, will seem impossible. At moments like these, it is easy for even a matatana to feel that she can’t go on. But I believe that, once the shock settles, faith and energy will return. Because let’s be real: we always knew this shit wasn’t going to be easy. Colonial power, patriarchal power, capitalist power must always and everywhere be battled, because they never, ever quit. We have to keep fighting, because otherwise there will be no future—all will be consumed. Those of us whose ancestors were owned and bred like animals know that future all too well, because it is, in part, our past. And we know that by fighting, against all odds, we who had nothing, not even our real names, transformed the universe. Our ancestors did this with very little, and we who have more must do the same. This is the joyous destiny of our people—to bury the arc of the moral universe so deep in justice that it will never be undone.
But all the fighting in the world will not help us if we do not also hope. What I’m trying to cultivate is not blind optimism but what the philosopher Jonathan Lear calls radical hope. “What makes this hope radical,” Lear writes, “is that it is directed toward a future goodness that transcends the current ability to understand what it is.” Radical hope is not so much something you have but something you practice; it demands flexibility, openness, and what Lear describes as “imaginative excellence.” Radical hope is our best weapon against despair, even when despair seems justifiable; it makes the survival of the end of your world possible. Only radical hope could have imagined people like us into existence. And I believe that it will help us create a better, more loving future.
I could say more, but I’ve already imposed enough, Q.: Time to face this hard new world, to return to the great shining work of our people. Darkness, after all, is breaking, a new day has come.
Love, J
 

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