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A propos du bilan économique 2017 en Martinique

Les lunettes noires de Christian Louis-Joseph après les lunettes roses

Michel Branchi
Les lunettes noires de Christian Louis-Joseph après les lunettes roses

   La campagne sur le thème de « La Martinique à l’arrêt »- bien sûr à cause de la CTM-  a du mal à se renouveler malgré un certain nombre de démentis apportés par les faits. 

   Par exemple : « Fort rebond de la création d’entreprises au 4ème trimestre 2017 »  selon l’Insee (Justice n° 15 du 12 avril 2018), «  Petit répit du chômage au 1er trimestre 2018 » selon Pôle emploi (Justice n° 19 du 10 mai 2018), et enfin « En 2017, l’économie martiniquaise reste positivement orientée… » d’après  l’Iedom (Justice n° 20 et 21 des 17 et 24/05/2018). 

   Christian Louis Joseph, le secrétaire général du syndicat patronal du BTP (SEBPTAM), dans Antilla n° 1820 du 21/05/2018, publie un article sous le titre « La Martinique au pied du mur ». Il commente les dernières notes de conjoncture de l’Institut d’émission d’Outre-mer(Iedom) sur le bilan pour 2017 de l’économie martiniquaise et estime que l’interprétation de l’Iedom « devrait nous laisser perplexe ».  Et de relever qu’en dépit de l’affirmation de cet organisme que « les fondamentaux soutiennent le développement de l’activité » :

   -  l’indicateur du climat des affaires(ICA) est en recul ;

   -  le chômage augmente ;

   -  que l’investissement est orienté vers le renouvellement des équipements et non vers l’accroissement des capacités de production ;

   -  et enfin que  les exportations (hors produits pétroliers) diminuent. 

   De plus, il juge que la consommation des produits locaux est en berne. Ces constats sont en partie réels mais partiel... 

   Ainsi il faut noter que l’accroissement du chômage en 2017 est du à l’effet retard du fameux plan Hollande 500 000 consistant en 2016 à faire passer en catégorie D (formation) des chômeurs catégorie A (sans aucune activité) et qui sont revenus en 2017 en catégorie A suite à l’extinction de ce plan ponctuel à caractère électoral. 

   Quant à l’indice du climat des affaires, même si à 100,6 points en fin 2017 il est en recul de 1,7 point par rapport à fin 2016, il est tout de même « au niveau de sa moyenne de longue période » (2007/2017). Il est notoirement plus élevé qu’en Guadeloupe.  Il n’y a donc pas de dégradation de l’état d’esprit, par définition volatile et subjectif, des chefs d’entreprises que reflète cet indice souvent en décalage avec la réalité.

   S’agissant des exportations, elles chutent à cause des effets des tempêtes et ouragans (Matthew, Maria) ayant affecté les plantations de bananes et autres produits agricoles. Etc, etc…  

   Donc Christian Louis-Joseph a préféré chausser des lunettes noires pour contredire l’analyse de l’Institut d’émission des DOM. Une pseudo- découverte : La Martinique est en  crise.

   Par contre, prenant du champ, notre analyste  constate (enfin !) que la Martinique, depuis 2008, vit « sous un régime caractérisé par une croissance quasi nulle et un chômage élevé ». Cette reconnaissance vaut son pesant d’autocritique puisque nous avions été copieusement vilipendé pour avoir contesté les acrobaties de l’Institut de Statistiques-maison de l’ancienne « gouvernance » régionale accompagnée par Ch Louis-Joseph en tant que conseiller et affirmant le contraire. Avant 2016, l’économie était observée avec des lunettes roses. 

  Pour Ch Louis-Joseph la « stabilité de l’économie » invoquée par l’Iedom serait en réalité « un état de dépression chronique », prélude d’une « crise en gestation ».

   Et cela en raison de deux facteurs.

  D’une part,  le « déclin démographique » constitué de la baisse de la population, de l’hémorragie migratoire, de la chute de la fécondité ne permettant pas le renouvellement des générations. Il prédit gravement qu’ « une menace d’extinction à long terme pèse sur le peuple martiniquais ». C’est précisément la prise de conscience de ce grand danger qui a amené le PCM à constituer avec d’autres forces politiques faisant le même diagnostic l’alliance du Gran Sanblé pour agir en urgence avec les moyens actuels, si limités soient-ils.

   Une soudaine révélation : La déconfiture financière des collectivités locales

   Le second facteur de crise- découvert également dans un éclair de lucidité  par Christian Louis-Joseph- est « la déconfiture financière des collectivités locales ».  Des collectivités dont les dépenses pèsent environ le quart du PIB (richesse globale martiniquaise) contre 12 % en France, croit-il utile de souligner. Donnée essentielle  que nous avons maintes fois rappelée, notamment dans deux tribunes parues France-Antilles (9/08/2017 et 9 et 13/11/2017).

   Pourquoi cette « déconfiture financière » ? 

   Il faut « assumer l’héritage de plusieurs  décennies de pratiques et de choix de gestion contestables, notamment en matière de gestion de personnel ou d’investissement », avance-t-il. Ici il reprend, sans suffisante distanciation, l’analyse du dernier rapport de la Cour des comptes d’octobre 2017 dont nous avons fait état notamment dans une tribune  tout en soulignant que, sans absoudre certaines gestions clientélistes et électoralistes, cette situation était surtout le reflet du mal et sous-développement du Pays. Il est évident que l’on ne peut pas avoir de collectivités riches avec un tissu économique et social déprimé (44 % des revenus fiscaux déclarés en 2016 sont en-dessous de 10 000 euros, largement en-dessous du seuil de pauvreté). C’est un cercle vicieux. Et, de surcroît, la responsabilité de l’Etat central, responsable de la politique économique et de l’emploi, est carrément occultée. Et récemment depuis 2014 singulièrement avec la baisse des dotations aux collectivités locales sous Hollande.

   Pour illustrer cette situation financière faite de « dépenses difficilement compressibles et de recettes insuffisantes », Ch.Louis-Joseph cite la capacité d’autofinancement (CAF) nette de remboursement du capital emprunté qui est négative pour la plupart des collectivités locales de Martinique. Particulièrement en 2016 pour la CTM, les quatre communes du Centre et la Cacem.  Notre observateur en déduit logiquement que « ces collectivités ont du mal à rembourser leurs dettes et dépendent, pour leurs investissements, en particulier   de la bonne volonté des banques (de plus en plus réticentes) (…) ». Autrement dit, Christian Louis-Joseph devrait convenir honnêtement que si la CTM n’investit pas plus que ce n’est pas par « manque d’ambition, de vision ou de projets », ainsi que le répètent ses amis orphelins du 15 décembre 2015, mais en raison de l’endettement excessif hérité des  gestions antérieures qui limite ses capacités financières. Pour Fort-de-France, il s’agit d’autre chose : c’est la suite d’une politique dispendieuse et clientéliste au moins depuis la décennie 2000.

   Une crise qui n’en est qu’à ses débuts 

   Enfin Christian Louis-Joseph admet que le déclin démographique frappe la consommation par insuffisance de la demande au détriment des entreprises et des ressources des collectivités locales (en particulier l’octroi de mer et la taxe sur les carburants). Il reconnaît aussi que la crise du BTP a commencé « depuis le début de la décennie » et que « la relance du BTP exige des moyens qui ne sont pas disponibles dans le contexte actuel ». Dont acte.

   Ce panorama  très pessimiste se termine en concluant que « la crise de l’économie martiniquaise n’en est qu’à ses débuts » et que les deux facteurs de crise mentionnés « se confortent cumulativement et nous ont engagé dans uns spirale dangereuse qui peut nous conduire à l’effondrement ». Une lucidité tardive.  

   A partir de ce diagnostic réaliste mais posé dix ans après le PCM, Louis-Joseph énonce trois urgences : 

   * Prendre conscience de la gravité du problème. Mais pour lui le débat citoyen est loin d’être engagé. La faute à qui ? Il faut qu’il s’en prenne aux Cassandre qui n’arrêtent pas de pratiquer la sinistrose et multiplient les manœuvres d’obstruction contre tout effort de redressement de la CTM. 

   * Comprendre que seule la création massive d’emplois est susceptible d’enrayer l’hémorragie migratoire et de relancer la demande aux entreprises et ainsi la production et la croissance. 

   Et pourquoi pas relever les salaires et rémunérations par une grande conférence sociale pour modifier le partage revenus du travail/revenus du capital s’étant déplacé en Martinique durant la décennie 2000 en défaveur du monde du travail et en faveur des détenteurs de capitaux comme l’avait préconisé l’économiste libéral Olivier Sudrie après la crise sociétale de février 2009 ?

   * Définir les moyens et travailler à la construction nécessaire d’ « un appareil productif performant ». Et ici Louis-Joseph est repris pars ses vieux démons : Il affirme tout de go que « le Schéma de Développement- de la Collectivité territoriale n’apporte pas de réponse appropriée ». On attend qu’il le démontre. 

   Il estime, de manière surprenante, que « s’en remettre aux investisseurs privés quand il y va de la survie de la population est, à tout le moins, une imprudence ». Il a en partie raison car rien ne vaut le volontarisme public (Etat-Collectivités) et il ne faut pas compter exclusivement sur l’initiative privée. Cependant, il convient de ne pas  exonérer les capitalistes martiniquais de leurs obligations éminentes qui sont à hauteur du milliard à un milliard et 200 millions de profits annuels réalisés. C’est-à-dire l’équivalent du budget de la CTM.

   Penser autrement, propose-t-il. C’est un peu court.   

   Mais où est donc l’Etat qui est singulièrement absent dans le raisonnement du représentant du SEBTPAM ? 

   La CTM a dessiné son programme d’ici 2020/2022au travers de plusieurs documents prospectifs (STDEII, Schéma de l’Autonomie, Economie sociale et solidaire, etc) pour amorcer le changement de modèle économique. Elle  a soumis des propositions de ressources fiscales locales nouvelles à l’Etat dans le cadre des Assises de l’Outre-mer. Etc…

   Ce qui manque à l’appel c’est l’engagement financier de l’Etat. Ce qu’il faut arracher, c’est véritable contrat pluriannuel avec l’Etat assorti d’un renforcement du pouvoir d’initiative martiniquais . 

   Oui la Martinique est au pied du mur. Mais elle agit.  

                                                                                               Michel Branchi

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