Las des morsures lascives des créoles crépues,
lubriques empoignades qui tarissaient mes mares,
je regardais pensif la crépine des vagues, le sinople émeraude de la mer
étoilée de ményanthes marins, l'alpage de phéophycées,
un soir, dans le glas doré du soleil déclinant, sous les passementeries bleutées des nuages.
Immobile totem sur la plage de cendre, je laissais mon regard dériver sur les flots.
L'onde était déserte et calme, au loin un vol de cormorans piquait la morbidesse du ciel.
Puis soudain je vis, trouant le cuivre laiteux de la mer, une enfant nue,
s'ébattre innocente dans des gerbes cristallines et salées.
Elle riait de ses jeux, de son amble de jeune murène.
Sur sa peau satinée glissaient les algues vertes.
Des alevins argentés fuyaient entre ses jambes de jeune faon.
Elle offrait sa nudité tranquille aux derniers rais mordorés du jour.
Moi faune barbu, satyre des possidonies, je restais songeur.
Je rêvais d'emporter dans quelque crypte marine cet enfant née de la vague,
de saisir le jeune thalle de ce corps, à pleines dents, d'irrumer cette néréide rieuse.
D'autres doux plaisirs me montaient à la tête comme un vin capiteux.
Et mes sens alanguis s'éveillaient à des rêves caressants et pervers.
J'aurais couché cet enfant frétillante, soumise et docile,
sur un doux lit d'algues rouges, sur des coussins moelleux de thalassies.
J'aurais dansé des calypsos sensuels, des transes hystériques d'hétaïre,
dans cette thébaïde aquatique, sur sa peau halitueuse et delphinéenne,
union coupable et délicieuse de l'éraste chenu et de l'infante impubère.
Sur son corps informe mais gracile, j'aurais laissé
les tavelures sanguines du rite initiatique et le lait de mes gonades fertiles.
J'aurais bercé les pleurs de l'enfant blessée du chant balsamique des baleines bleues,
romance mystérieuse qui trouble les falaises des cathédrales d'eaux vertes
de psaumes murmurés et enjôleurs, sous l'œil vitreux et glauque des squales impassibles.
J'aurais couvert de brocarts marins la nudité électrique de son corps pantelant,
couvert des thalles filamenteux des goémons vert absinthe, des fucus, des ulves lactescentes,
brodés de fils d'argent, gobelins aquatiques.
A ses ouïes, j'aurais susurré les contes de fées, les chansons de geste, les légendes mémorables,
les nouvelles énéides, les sagas finnoises, de ma mémoire innombrable,
pour verser un sommeil pers de plomb fondu sur ses yeux graves et cernés.
Mais sois sage, passant solitaire, laisse au soir qui vient
s'ouvrir la délicate corolle de l'enfant nue sur l'eau calme.
Ces jeux si délicieux doivent rester le passepoil, le galon, la dentelle
qui festonnent tes rêves. Et laisse à cet âge de blé en herbe,
tous les ors innocents de l'enfance, les nuits bleutées et les rêves purs,
les jeux tranquilles, les yeux candides et les sourires d'ange.
Thierry CAILLE
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