MONTRAY KREYOL : On vous connaît comme écrivain, comme universitaire, voire comme militant politique, mais pas écologiste, d’où vient votre intérêt pour la protection de l’environnement ?
CONFIANT : En fait, pendant plus de quinze ans, j’étais un militant actif de l’ASSAUPAMAR. J’ai été de tous les grands combats menés par cette association écologiste dans les années 80 et 90 : lutte contre la construction d’un aéroport aux Salines, contre la marina du Marin, contre le déboisement du Morne d’Alet (Trois-Ilets), contre la bétonisation de l’Habitation Séguineau (Lorrain) ou, à l’inverse, pour le développement de l’igname-bélep mécaniquement récoltable ou la valorisation de l’étang des Salines. J’ai même été vice-président du seul parti écologiste de la Martinique, le MODEMAS, dirigé par Garcin Malsa, le maire de Saint-Anne. Actuellement, je suis membre de l’association « Ecologie Urbaine ». Ce n’est donc pas une nouveauté.
MONTRAY KREYOL : Vous venez de co-écrire un livre avec Louis BOUTRIN consacré à ce que vous appelez le scandale du Chlordécone aux Antilles, de quoi s’agit-il ?
CONFIANT : Nous nous sommes essayés au journalisme d’investigation. En effet, chez nous, les journalistes sont trop souvent des porte-micro ou des porte-plumes, sans jeu de mots. Ils se contentent de retranscrire ce que leur disent les hommes politiques sans trop chercher à vérifier les dires de ces derniers. C’est ainsi qu’ils diffusent la fable selon laquelle « la question du Chlordécone est réglée ! ». Or, il n’en est absolument rien. L. Boutrin et moi avons recherché les enquêtes et rapports établis pendant trente ans sur la question des pesticides dans nos bananeraies et nous avons tout bêtement découvert que l’on nous avait empoisonnés et qu’on continuait de le faire. En silence ! Que par exemple le Chlordécone sera interdit en France en 1972, mais autorisé aux Antilles jusqu’en 1993 alors que tous les rapports le décrivent comme cancérigène. Que du Dieldrine a été découvert dans l’eau de la Basse-Terre alors que ledit pesticide n’a jamais été homologué en France. Et la liste est longue…
MONTRAY KREYOL : Quand vous dîtes, « on nous a empoisonnés », voulez-vous dire qu’il s’agit d’un acte délibéré et si oui, qui en serait le responsables ?
CONFIANT : Il s’agit bel et bien d’un empoisonnement délibéré de tout un peuple. Pourquoi ? Parce que pendant 30 ans, les services déconcentrés de l’Etat français ont dissimulé à la population la gravité de l’usage des pesticides malgré les rapports scientifiques qu’ils avaient eux-mêmes commandités. Parce que pas moins de cinq ministres de l’agriculture ont signé des autorisations d’utilisation pour des produits qu’ils savaient pertinemment nocifs pour la santé humaine. Parce que divers importateurs Békés n’ont eu de cesse de faire entrer ces produits sur le sol martiniquais et guadeloupéen au mépris de la législation en vigueur. Tout cela participe du génocide par substitution dont a parlé Aimé Césaire.
MONTRAY KREYOL : Mais il y a bien eu une mission d’enquête parlementaire sur la question du Chlordécone ?
CONFIANT : Foutaise ! Poudre aux yeux ! On nous a couillonnés avec une mission alors qu’il aurait fallu une commission d’enquête parlementaire. La première n’a aucun pouvoir, elle est purement consultative, alors que la seconde a la possibilité de traîner les responsables devant la justice comme dans les affaires du sang contaminé, de la vache folle, de l’amiante ou d’Outreau. Résultat : nous continuons à boire de l’eau polluée, à manger des racines et des poissons contenant un taux de pesticides effroyable d’où le quadruplement du nombre de cas de cancers dans nos pays depuis dix ans. On nous tue à petit feu et les grands et beaux esprits républicains de nos pays gardent la bouche close !
MONTRAY KREYOL : On vous avait cru ébranlé par la polémique sur les « Innommables » et vous voilà de retour ?
CONFIANT : Ebranlé, moi ? Il faut davantage qu’une poignée de Caldoches et leurs laquais indigènes pour m’intimider. Ces gens ne représentent rien et ne veulent que la perpétuation du système colonial dans nos pays. Qu’ils sachent qu’ils me trouveront toujours sur leur route et que je rendrai coup pour coup ! Qu’ils le veuillent ou non, la Martinique sera un jour indépendante.
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