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LE RAS-LE-BOL DES SÉNÉGALAIS AUX PATRONYMES ÉTRANGERS

Silèye Mbodji ("Seneplus")
LE RAS-LE-BOL DES SÉNÉGALAIS AUX PATRONYMES ÉTRANGERS

Ils sont Coulibaly, Fofana, Sidibé, Sangaré, Diallo, Baldé, Diarra, Goloko, Mballo etc. et éprouvent d’insurmontables difficultés pour obtenir un certificat de nationalité sénégalaise. Qu'est-ce qui explique cet état de fait ?

Au Sénégal il existe plusieurs noms de familles qui sonnent étrangers. Ils sont Coulibaly, Fofana, Sidibé, Sangaré, Diallo, Baldé, Diarra, Goloko, Mballo etc. Les personnes qui portent ces patronymes éprouvent d’insurmontables difficultés pour obtenir un certificat de nationalité sénégalaise. Pour jouir de ce document administratif, on leur demande d’abord de prouver que leur ascendant direct est de nationalité sénégalaise. Ce qui fait que beaucoup d’entre eux dénoncent très souvent une discrimination dont ils feraient l’objet dans la délivrance de pièces d’état civil sénégalaises.

En ce début de matinée d’un jour ouvrable du mois de juin, quelques personnes squattent le service annexe situé en face du Palais de Justice de Dakar. Dans cet endroit sont délivrés les certificats de nationalité et les permis de visites aux détenus des différentes prisons du pays. Le personnel observait la pause lors de notre passage. Des personnes attendaient donc la reprise du service pour se procurer les pièces qu’elles étaient venues chercher en ce lieu. Mouhamadou Diallo est étudiant en deuxième année à la Faculté des lettres et sciences humaines (Flsh) de l’université Cheikh Anta Diop. Le jeune homme court depuis des mois pour se procurer un certificat de nationalité sénégalaise. Un document dont la non présentation l’aurait empêché de se présenter au concours d’entrée à la Faculté des Sciences et Technologies de l’Education et de la Formation (Fastef). L’étudiant s’est familiarisé malgré lui avec le personnel de ce service du Palais de justice par ses va-etvient pour obtenir le certificat de nationalité. « Cela fait des mois que je peine à ce document administratif. Parfois même, je me pointe dans ce lieu avant le personnel. Ceci uniquement pour pouvoir prouver ma nationalité sénégalaise. Pourtant, je suis un Sénégalais bon teint. Mes descendants sont tous des Sénégalais. Mon nom de famille Diallo n’a rien à voir avec la Guinée. J’ai fourni toutes les pièces requises pour l’obtention de ce document prouvant ma nationalité sénégalaise. Je croyais que je l’aurais avant la clôture des dépôts de dossiers pour le concours de la Fastef. Malheureusement, je n’ai pu me présenter à ce concours », se désole Mouhamadou Diallo. Se joignant à la discussion, le nomme Mamadou Baldé explique qu’il se trouve dans la même situation que l’étudiant à la Faculté des Lettres. Il dénonce une discrimination dans la délivrance des pièces d’état civil. Car, à l’en croire, il y a des gens dont le nom de famille sonne bien étranger mais qui arrivent à se procurer une carte d’identité sénégalaise en quelques jours « Il n’y a pas de raison valable qui puisse justifier une enquête fiable sur la procédure d’attribution du certificat de nationalité sénégalaise. J’ai un ami dont le nom de famille est Barry. Son frère est un camarade de promotion du président du juge départemental d’une localité. Par cette connaissance, il a réussi avoir son certificat de nationalité en moins d’une semaine. Dans notre pays, la connaissance prime sur tout autre chose. Et c’est malheureux » se lamente le jeune homme assis sur les bancs en attendant la reprise du service. Selon qui, il s’agit tout juste d’avoir des connaissances dans le milieu judiciaire pour avoir la nationalité. M. Baldé soutient que ce n’est pas dans ce secteur seulement que le service camarade ou les bras longs existent. Il estime que ’est tout le système qui est ainsi. Mamadou espère que ce jour serait un jour d’exception s’il rentrait enfin à la maison avec son certificat de nationalité, un certificat dont il a fait la demande depuis six mois.

« Discrimination sur le principe d’attribution ! »

Beaucoup de personnes portant des patronymes à consonance étrangère, alors qu’étant des Sénégalais pur jus, se sentent stigmatisés voir touchés au plus profond de leur chair par la discrimination dont elles font l’objet. Selon elles, qu’on le veuille ou non, il existe deux catégories de Sénégalais à savoir les nationaux de souche et les nationaux d’emprunt voire frauduleux ! Ils exigent donc la fin de cette discrimination de masse. « Un Aïdara né à Baghere (Ndlr, en Casamance) m’a une fois confié qu’il s’est senti humilié, blessé et atteint dans son honneur quand on lui a demandé dans un commissariat de police de prouver sa nationalité sénégalaise. Nous sommes nombreux à vivre cette discrimination culturelle au Sénégal. La langue Wolof ou les patronymes Wolof ne sont pas les baromètres de la nationalité ou la citoyenneté sénégalaise. Cette discrimination risque d’engendrer des conflits entre individus d’une même nation. Ce qui est à éviter » s’indigne Mamadou Lamine Ba. « J’ai su l’existence de cette réalité le jour où je me suis pointé pour la première fois dans un commissariat pour chercher une carte d’identité nationale. Quand j’ai tendu mon extrait de naissance et mon certificat de résidence, l’agent de police m’a retourné les documents en moins de 30 secondes en me disant que pour les patronymes Barry comme moi ou Diallo, il faut un certificat de nationalité pour obtenir une Cni. A l’époque, j’étais au lycée et je ne savais même pas à quoi ressemblait un certificat de nationalité. Voilà une discrimination fondée uniquement sur des subjectivités. C’est très humiliant de faire la queue devant une administration et qu’on te réserve un traitement différent des autres citoyens » confie un interlocuteur.

Un juge de la Cour d’appel de Dakar « Ce sont des pratiques de jugements que font certains. La loi ne fait pas de distinction »

Discrimination! Un mot dont ne veulent pas entendre parler les autorités qui délivrent les certificats de nationalité. Ils expliquent que si l’autorité a senti la nécessité d’exiger un tel document pour la délivrance des CNI, c’est pour éviter des fraudes sur la nationalité. Ils se défendent aussi de toute discrimination dans l’attribution du sésame aux ayants. Une source à la Cour d’Appel de Dakar ajoute qu’on n’a pas besoin de chercher ou d’enquêter sur l’origine d’un nom pour pouvoir délivrer un certificat de nationalité sénégalaise. Ceci même si la consonance est étrangère. Ceci n’est pas prévu par la loi. La personne a bel et bien le droit à une nationalité sénégalaise quel que soit le nom patronymique dès l’instant qu’elle prouve que ses parents ont acquis la nationalité sénégalaise ou sont nés ici au Sénégal. « Les critère définis par la loi sont clairs : nationalité, le lien de parenté ou par possession d’état. Parce qu’avant le changement législatif, la parenté était uniquement liée à l’homme. C’est ce lien de parenté qui pouvait donner la nationalité. Maintenant ça a été étendu et la femme peut donner la nationalité. Moi, en tant que magistrat, je suis contre l’idée de discrimination fondée sur l’origine d’un nom. Exemple : parce que telle personne se nomme Fofana, Diallo etc. Ce que les gens font, ça c’est des pratiques de juge. Ce n’est pas ce qui est prévu par la loi. Ce sont des simples pratiques de juge. Ils pensent à certains de nos parents qui sont originaires des pays limitrophes. Parce que le tronc commun, ce sont ces noms-là. Les Diallo, on les retrouve au Sénégal, en Guinée peut être au Mali et dans d’autres pays. Les Fofana également. La loi n’a pas fait des distinctions. Dès l’instant que le parent de celui qui dépose le dossier est de nationalité sénégalaise, j’estime qu’on ne doit plus en rajouter. Quand la loi vous dit que vous pouvez acquérir la nationalité sénégalaise de par votre père ou de votre mère, dès l’instant que vous déposez des pièces prouvant la nationalité de votre parent, on ne doit plus vous imposer d’autres procédures. La loi dit d’ascendant né au Sénégal. Quel que soit le nom patronymique, dès l’instant qu’on peut prouver que ses parents ont acquis la nationalité sénégalaise ou sont nés ici au Sénégal, le critère défini par la loi est respecté » renseigne notre source.

Les trois sources de la nationalité : filiation, possession d’état et naturalisation

Le plus important, selon notre interlocuteur, c’est de savoir si les critères définis par la loi sont réunis par la personne qui se présente pour obtenir le certificat de nationalité. La loi ne fait pas de distinction entre patronymes ayant une consonance sénégalaise et d’autres sonnant étranger. Le critère c’est la filiation. « Maintenant, si le père ou la mère sont nés au Sénégal, est ce qu’on a le droit de rechercher leur origine ? La nationalité peut s’acquérir par une autre voie qui est la possession d’état. La possession d’état peut concerner des gens qui ne sont pas Sénégalais d’origines mais qui vivent comme des Sénégalais pendant des années et qui ont des habitudes sénégalaises. Parce que c’est prévu par le Code de la famille. C’est la loi elle-même qui ouvre la brèche. Il y a d’autres personnes qui sont naturalisées par voie de décret. Un Sénégalais d’origine n’a pas besoin d’être naturalisé. Seul un étranger peut être naturalisé. Un Sénégalais d’origine n’a pas non plus besoin de la possession d’état pour acquérir la nationalité. La possession d’état, c’est le juge qui ordonne une enquête. Cette enquête détermine si effectivement cette personne vit au Sénégal depuis des années ou a acquis toutes les habitudes des Sénégalais pour prétendre avoir la nationalité sénégalaise. C’est régi par la loi. Mais quand il s’agit de filiation d’origine, dire à une personne votre nom c’est Diallo, donc j’ordonne une enquête, je crois que c’est excessive et c’est discriminatoire », ajoute notre juge à la Cour d’Appel de Dakar.

 

Commentaires

Seydou Konate | 09/07/2021 - 14:15 :
Tiens tiens ,je croyais que les problèmes des sans-papiers et de nationalité n'existaient que pour les Noirs vivant dans des pays de Blancs!!! C'est donc absolument faux.Bien,je note.
tiburce | 09/07/2021 - 11:01 :
On en parle en Occident, parfois au Maghreb, parfois en Chine mais en vérité, le racisme est la chose au monde la mieux partagée. Seulement, dénoncer le racisme n'a pas pour simple objectif de le condamner mais de s'en exonérer soi-même. C'est général : si j'accuse quelqu'un d'être voleur, je laisse entendre (en creux) que moi, je ne le suis pas. Or, sachant que la meilleure défense est l'attaque, c'est là où le bât blesse. Mais en matière de racisme, il ne faut surtout pas le dire. Les grands et puissants empires africains de jadis se sont construits sans colonialisme, sans violence, sans racisme, sans esclavage, sans rien que du bonheur.

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