Les différents candidats nous ont abreuvé tout au long de la campagne du premier tour des élections pour la Collectivité Territoriale de Martinique de discours lénifiants sur le développement économique, le chômage, la jeunesse en difficulté, la protection de l'environnement et autres questions d'importance. Oui, ce sont là des sujets d'une importance cruciale pour le devenir de notre pays, mais très peu parmi lesdits candidats se sont arrêtés sur le problème numéro 1 de la Martinique, sur ce qui bloque toute initiative, décourage les plus entreprenants et les poussent à émigrer en direction du Tout-Monde : la corruption endémique qui depuis quelques années à atteint un niveau insupportable.
Nous ne sommes pas des enfants de chœur et nous savons tous que les hommes ne sont pas parfaits, mais il existe des limites tacitement acceptées au-delà desquelles la justice doit sévir. Et dans l'Hexagone, quoiqu'on en dise, elle sévit : on ne compte plus le nombre des ministres de gauche ou de droite qui ont été contraints de démissionner pour un appartement de fonctions indument occupé ou, comme ce conseiller de l'Elysée, pour une petite dizaines de milliers d'euros de chaussures de luxe ; Nicolas Sarkozy, lui, a une dizaine d'affaires sur le dos ; Bernard Tapie est contraint de rembourser 400 millions d'euros etc...
En Martinique, les corrompus tiennent le haut du pavé en toute impunité. La justice dit qu'elle n'a pas les moyens en personnel pour faire son travail correctement. Il n'y aurait pas, paraît-il, suffisamment de juges d'instruction. Donc acte...
Quand on emploie le terme "corruption", il convient de le décliner dans ses quatre formes les plus criantes à savoir le népotisme, le clientélisme, l'affairisme et le macoutisme. Népotisme parce que dans telle municipalité ou telle collectivité, les embauches sont à la fois massives et familiales : fils, neveu, beau-père, cousin, filleul etc...Qui s'en inquiète ? Quelle enquête judiciaire a jamais été diligentée pour tenter de mettre fin à ce système pervers qui fait fuir à l'étranger beaucoup de nos jeunes cerveaux ? Car les népotistes préféreront toujours embaucher un parent incompétent ou peu compétent au lieu d'un inconnu hautement qualifié. Et après on viendra nous parler de développement économique ? Comment des incompétents, des recrutés au piston (quand ce n'est pas grâce au canapé pour certaines) pourraient avoir la moindre vision un tant soi peu sérieuse de ce qu'il faudrait faire pour "désankayer" économiquement notre pays.
A côté de cette tare qu'est le népotisme vient s'installer tout naturellement le clientélisme. Nombre de nos élus considèrent leurs administrés selon le degré d'allégeance que ces derniers leur prêtent. A la moindre petite pointe de désaccord, on est aussitôt mis à l'index, puis à l'écart et enfin diabolisé. Dans une commune, il vaut mieux être d'accord à 100% avec le maire si l'on ne veut pas voir toutes sortes de freins (souvent occultes) se dresser devant soi. Dans une collectivité, il faut faire profil bas, taire ses avis contraires et jouer au béni-oui-oui. Comme ça on est tranquille, même si ça vous arrache le cœur de voir telle ou telle décision imbécile d'un élu. Dans ce pays, il n'y a donc pas d'administrés, mais des "clients". Au sens sicilien du terme.
Quant à l'affairisme, il a atteint des proportions hallucinantes. L'objectif est de faire des coups et de ramasser un petit pactole en un rien de temps à la barbe du cocu de citoyen. Des "Neg ki wè lajan ta" sans aucune culture ni commerciale ni artisanale ni industrielle font financer par nos collectivités des projets fumeux à coups de dizaines, voire de centaines de millions d'euros, et quand les projets en questions se crashent (comme X-PAY, le système de paiement en ligne "bò kay"), on retire ses billes vite fait, laissant au bord de la route ou carrément dans la merde, pour dire les choses crûment, des dizaines d'honnêtes citoyens qui avaient cru à l'affaire. Ou alors, si on est à l'Université, on monte (comme le CEREGMIA) un système de siphonage des fonds publics alloués à la recherche qui, des décennies durant, va pomper des millions d'euros sans que ni l'Université ni la Martinique n'en retirent le moindre bénéfice. On travaille donc au développement économique de sa...poche.
Pour couronner le tout, on entreprend de dissuader, de menacer, d'insulter, de diffamer tous ceux qui, de près ou de loin, s'opposent à la corruption, instaurant un véritable système macoute que seul la présence du pouvoir français empêche de donner libre cours à ses bas instincts. Pendant les campagnes électorales, on embauche des "dogs", vêtus de treillis, qui auront pour tâche d'intimider l'adversaire, de déchirer ses affiches ou carrément de l'empêcher de parler comme cela s'est vu à Voie de Ville lors de la campagne du premier tour. On transforme les employés municipaux et des collectivités en petits macoutes chargés d'espionner, de rapporter et de calomnier ceux que l'on soupçonne d'être d'un autre bord politique. On pourrit progressivement les couches populaires, plus fragiles économiquement et donc plus promptes à céder aux sirènes du macoutisme pour obtenir un "ti djob" pour la fille au chômage depuis cinq ans ou un billet d'avion pour le garçon qui a besoin d'aller faire un stage en "métropole".
Les Martiniquais sauront-ils, dimanche prochain, dire "NON" par le biais des urnes à ceux qui pratiquent quotidiennement le népotisme, le clientélisme, l'affairisme et le macoutisme ? Sauront-ils faire preuve de discernement et distinguer entre ceux qui ne sont que sont des voyous à cravate et col blanc, des parvenus, des arrivistes et les autres qui, sans être aucunement des saints, ont tout de même un sens minimal de l'intérêt général ?
Le sauront-ils ?...
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