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Pétrole, Mal Développement, Conflit Armé et Dictature

LE PETROLE NE COULE PAS POUR LES PAUVRES

François SOULAGE Président National du Secours Catholique
LE PETROLE NE COULE PAS POUR LES PAUVRES

Extrait de la Conférence de Presse de François SOULAGE
Président National du Secours Catholique: [http://www.youtube.com/watch?v=LmOiSS0o2Cs->http://www.youtube.com/watch?v=LmOiSS0o2Cs]

Pourquoi un nouveau document sur la gestion du pétrole au Congo huit ans après la publication de la plaquette "Pour qui Coule l’or noir ?" Celle-ci avait été publiée au moment où se lançaient les activités de plaidoyer au Congo sur le pétrole par nos partenaires de la coalition "Publiez Ce Que Vous Payez", au sein de laquelle l’Eglise est fortement impliquée par le biais de la Commission Justice et Paix de Pointe Noire.
Depuis, beaucoup d’éléments ont évolué avec plus ou moins de bonheur et même si la manne pétrolière ne permet toujours pas un réel développement du pays, il semblait important, aux yeux de nos partenaires congolais et du Secours Catholique, d’approfondir cette problématique et de faire état des changements, lents mais réels, survenus depuis 2003.

Comme cela est développé dans ce document, sur de nombreux sujets liés au développement des pays africains, le Congo constitue, malgré quelques avancées, un cas d’école, un mauvais exemple criant : corruption, répression, carences de la gouvernance démocratique, paradoxe de l’abondance des ressources, dette odieuse, rôle des puissances étrangères comme la France et des multinationales, etc…
L’engagement du Secours Catholique dans de nombreuses thématiques de plaidoyer vient en grande partie de l’interpellation des partenaires congolais.

Le courage qu’ont eu les évêques du Congo en 2002 en brisant le tabou de la gestion des revenus pétroliers au Congo nous a obligé –de façon tout à fait consentante– à soutenir cet engagement et à le porter en France et en Europe, notamment en rejoignant la campagne internationale "Publiez Ce Que Vous Payez" et en devenant le chef de file de la plateforme française.

Ce partenariat de plaidoyer sur le Congo a également amené le Secours Catholique à s’impliquer fortement dans les initiatives visant à réformer la politique de la France en Afrique du fait du rôle important de la France et de la compagnie Total dans les affaires du Congo.
Tout en tentant d’expliquer le système de mauvaise gestion du pétrole au Congo, ce document met en avant les initiatives positives et les facteurs d’espoir pour que l’argent de l’or noir coule également pour les populations les plus démunies.

Ce combat pour la transparence fait partie intégrante des dynamiques de renforcement des organisations de société civile afin de permettre un contrôle citoyen sur l’action des pouvoirs publics, élément essentiel de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique.

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{{ {{{"INSISTE Á TEMPS ET Á CONTRE-TEMPS"}}} }}

Monseigneur Louis PORTELLA MBUYU

Evêque de Kinkala – Administrateur Apostolique d’Owando
Président de la Conférence des Evêques du Congo

C’est ainsi qu’il faudrait percevoir et recevoir le message de cette plaquette rééditée après une première publication datant de huit années. La question du pétrole a fait l’objet d’une réflexion pastorale profonde de la part de l’Église qui est au Congo et en Afrique Centrale, eu égard à la situation de grande pauvreté qui, paradoxalement, caractérise la population habitant cet espace "quasi maudit où coule l’or noir".

Il s’agissait d’interpeller nos dirigeants sur l’enjeu humain, et donc moral, d’une telle situation. "L’Eglise, en effet n’est indifférente à rien de ce qui, dans la société, se choisit, se produit, se vit, à la qualité morale, c’est-à-dire authentiquement humaine et humanisante de la vie sociale (…) La société avec tout ce qui s’y réalise, concerne l’homme qui est « la première route et la route fondamentale de l’Eglise". (Compendium de la Doctrine Sociale 62)

Il faut reconnaître les efforts en cours qui se déploient pour plus de transparence et contre la gangrène sociale de la corruption. Il faut aussi reconnaître que beaucoup reste à faire et que ces efforts ont besoin d’être soutenus et stimulés, pour que cette richesse qui nous vient du Créateur ne soit pas une malédiction ou une cause de malheur, mais, au contraire, offre à tous de meilleures conditions de vie. Et l’Eglise pour sa part ne cessera d’apporter sa contribution à un tel objectif, en exerçant sa fonction de "guetteur" (Ezéchiel, 3, 17).
Cette préoccupation ne se situe donc pas en dehors de sa mission. Comme le déclare le Pape Jean-Paul II dans "Ecclésia In Africa" n°68, "Le développement humain intégral – développement de tout homme et de tout l’homme, spécialement des plus pauvres et des plus déshérités de la communauté- se situe au cœur même de l’évangélisation (…) il est impossible d’accepter que l’œuvre d’évangélisation puisse ou doive négliger les questions extrêmement graves, tellement agitées aujourd’hui, concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde".

Puisse cette nouvelle édition revue de la plaquette "Pour qui coule l’or noir" être reçue comme "pierre" en vue de l’édification d’une société plus juste, grâce à une meilleure gestion du pétrole, pour le bien de tous.

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{{{{{Pétrole et Revenus Pétroliers au Congo Brazzaville : État des Lieux}} }}}

L’Afrique subsaharienne fournit 7,1% de la production mondiale de pétrole, principalement en provenance du Golfe de Guinée. Les nouvelles découvertes qui ont eu lieu ces dernières années au Ghana, en Côte d’Ivoire et dans la région des Grands Lacs justifient l’intérêt que lui portent les grandes puissances mondiales dont les investissements directs ont suivi une croissance quasi exponentielle depuis la fin des années 90 pour atteindre 66 milliards de dollars en 2008 (soit deux fois le montant de 2006 et quatre fois celui de 2004).
Si la présence de pétrole dans les sous-sols d’un pays pauvre constitue a priori un espoir de développement économique, la réalité s’avère toute autre en Afrique subsaharienne. L’histoire contemporaine d’Etats pétroliers et miniers africains tend à montrer que le pétrole est à l’origine de la déstabilisation profonde de la vie politique et économique des pays producteurs.

En Afrique, la manne pétrolière n’a pas aidé le développement, les chefs d’État l’ont utilisée pour acheter des armes en Angola et au Congo Brazzaville. Au Gabon, au Cameroun, au Nigeria, on peine à découvrir à quoi a servi la rente pétrolière puisque la dette s’est accrue, les populations se sont appauvries, et les infrastructures sont dans un état déplorable. Maintien au pouvoir de dictatures, corruption, violence larvée, atteinte aux droits de l’homme et à l’environnement, tel est le bilan peu glorieux de l’exploitation pétrolière dans toute l’Afrique.

{{ {{{Extrait du rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française sur "Le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son impact social et environnemental", 13 octobre 1999.L. CHARRIER – MYOP / S.C.}}} }}

A / pétrole et mal développement

Même si les problèmes de développement des pays producteurs de pétrole autour du golfe de Guinée découlent bien plus d’une mauvaise gestion des ressources que de la ressource elle-même, la croissance de ces pays s’avère inversement proportionnelle au poids des ressources naturelles dans leur économie.

On parle de "malédiction des ressources". Tout se passe comme si une rente pétrolière conséquente rendait non compétitives toutes les autres activités économiques. Les investissements permettant le développement d’une activité économique locale diversifiée paraissent progressivement abandonnés au profit de l’exploitation exclusive de pétrole, plus lucrative à court terme.

Cette situation a des effets d’autant plus pervers que l’industrie pétrolière est une enclave économique, générant peu d’emplois, ayant peu de retombées sur les autres secteurs productifs et favorisant une économie de rente utilisée par les gouvernements des Etats producteurs pour financer des dépenses courantes, entretenir une clientèle politique et assurer la stabilité des régimes en place.

B / pétrole, guerre civile et régimes autoritaires

La révolte des rebelles tchadiens et le climat de violence ouverte ou larvée qui règne depuis de nombreuses années dans le delta du Niger, au Soudan ou encore dans les deux Congo témoignent des difficultés rencontrées dans l’instauration, le maintien et la préservation de la paix dans les pays où coule l’or noir.

Les pétrodollars favorisent les régimes autoritaires tout en préservant leur suprématie pendant de nombreuses années. Le lancement par les gouvernements de projets grandioses et coûteux, autrement appelés "éléphants blancs", entraîne le pays dans une faillite économique abyssale sans avoir le moindre effet moteur sur l’économie.

La corruption qui règne au sein de ces régimes, fonctionnant selon un mode de gestion pyramidal des finances de l’État, facilite le maintien du système, par l’achat du silence des citoyens ou l’établissement d’un simulacre de démocratie.

- 1960 : Indépendance dans un climat d’affrontements; l’abbé Fulbert YOULOU à la tête de l’Etat

- 1963 : révolution populaire et prise de pouvoir par Alphonse MASSAMBA-DEBAT

- 1969 : Marien NGOUABI, nommé à la tête de l’Etat, engage son pays dans une voie marxiste-léniniste

- 1970 : Le Congo devient producteur de pétrole

- 1977 : Assassinat de Marien NGOUABI et prise de pouvoir du colonel YHOMBI-OPANGO

- 1979 : Arrivée au pouvoir du colonel Denis SASSOU NGUESSO. Elu à la Présidence en 1984

- 1984 : Découverte de gisements offshore profonds qui attirent les investissements étrangers

- début 90 : François MITTERRAND s’engage en Afrique pour soutenir ses alliés francophones Bantous, notamment au Rwanda, au Zaïre et en Congo Brazzaville contre la volonté de mainmise sur leurs richesses par les anglophones venus de l’Est, et protéger les intérêts d’ELF, alors sous contrôle du gouvernement français.

- 1992 : Pascal LISSOUBA remporte l’élection présidentielle, seule élection libre et transparente de l’histoire du Congo. Denis SASSOU NGUESSO arrive en troisième position avec 17% des voix. Troubles de 1993 à 1995 entre le pouvoir et l’opposition

- 1994 : Début de l’affaire politico-financière ELF

- 1997 (juin) : Guerre civile entre l’armée et les Cobras de Denis SASSOU NGUESSO financée par l’argent du pétrole

- 1997 : Denis SASSOU NGUESSO s’autoproclame Président en octobre

- 1998 : Exactions, éliminations, destruction systématique du pays

- 1999 : Accord de paix

- 2002 : Denis SASSOU-NGUESSO est élu Président de la République pour un mandat de 7 ans avec 89,41% de voix

- 2002-2007 : Affrontements dans la région du Pool : la quasi-totalité de la population est déplacée

- Juillet 2009 : Réélection de Denis SASSOU NGUESSO avec 78,61% de voix

La place de la République du Congo dans le paysage pétrolier mondial :

- 4ème ou 5ème rang des pays producteurs de pétrole d’Afrique subsaharienne

- Production pétrolière en 2010 : environ 350 000 barils/jour

- Réserve du Congo Brazzaville : 1,9 milliard de barils (BP Statistical Review)

La République du Congo est un très petit pays pétrolier au niveau mondial tant sur le plan de la production que des réserves. Mais cette production génère la quasi-totalité des ressources budgétaires nationales.

Le budget demeure largement dépendant des recettes pétrolières qui représentent 85,7 % des recettes totales en 2008.

A / les acteurs du pétrole congolais

1 / La Société Nationale des Pétroles Congolais (SNPC)

Elle succède à l’ancienne compagnie nationale, Hydro-Congo, en 1999 et détient des participations financières minoritaires sur certains champs. Elle n’intervient pas activement dans les opérations et ses engagements financiers sont limités.

Le rôle de la compagnie pétrolière de l’Etat est essentiellement de vendre sur le marché international (à Londres notamment) la partie de la production pétrolière qui appartient de droit à l’Etat congolais. La SNPC possède de nombreuses filiales dans les secteurs financiers et immobiliers, une activité diversifiée qui s’éloigne parfois du secteur pétrolier.

La plus importante de ses filiales, la Cotrade, dirigée par le fils du président SASSOU NGUESSO, a été dissoute par le FMI et la banque Mondiale le 3 décembre 2009 et radiée du registre de commerce et du crédit mobilier de Brazzaville le 6 janvier 2010, pour détournements et mauvaise gestion des ressources pétrolières (La Total Afrique Total Congo Lettre du Continent, Janvier 2010).L. CHARRIER – MYOP /S.C.

2 / Les compagnies pétrolières étrangères

La quasi-totalité de la production de pétrole au Congo est assurée par des compagnies pétrolières étrangères (la SNPC n’a exploité, en 2006, que 22 000 barils par jour, soit environ 9% de la production totale du pays).

TotalFinaElf est le premier investisseur étranger et le principal producteur de pétrole au Congo (en 2007, sa production s’est élevée à 77 000 barils/jours). L’italien ENI, second producteur de pétrole au Congo, a renforcé sa présence avec le rachat, en mai 2007, des actifs détenus par la compagnie française Maurel et Prom.

Les grandes compagnies américaines, Exxon Mobil et Chevron Texaco, sont aussi présentes sur le territoire.

3 / Les contrats entre les compagnies pétrolières et l’État congolais
Le gouvernement a modifié en 1994 la législation sur les contrats pétroliers qui prévoyaient principalement des contrats de concession. Si de tels accords sont encore utilisés, la grande majorité des nouveaux permis est accordée sous la forme de Contrats de Partage de Production (CPP) dans lesquels il est prévu que tous les coûts d’investissement soient pris en charge par la compagnie contractante qui se rembourse en se voyant attribuer une partie de la production (le "cost oil").

Après déduction de la redevance minière due au Congo, le reste de la production (le "profit oil") est partagé entre la compagnie et l’Etat (généralement sur base d’un partage 50/50).

En pratique, sur 100 barils produits, 15 reviennent à l’État congolais au titre de la redevance, 50 vont à l’opérateur pour rembourser ses investissements et les 35 barils restants (le profit oil) sont partagés équitablement entre le pays et l’opérateur. Ainsi, l’État reçoit environ 34 barils et son contractant 66.

B / le pétrole dans l’économie congolaise : une profonde dépendance
Le secteur pétrolier représente plus de la moitié du PIB du pays et la quasi-totalité des recettes d’exportation.

Lors de l’effondrement du pétrole sur le marché mondial en 1986, les finances de l’Etat ont chuté, entraînant une explosion de la dette publique et un appel à l’appui des institutions financières internationales telles que le FMI.

Le Congo a été victime de ce que les spécialistes appellent la "maladie Hollandaise" : une croissance rapide des secteurs de services, transports et construction, au détriment des activités manufacturières et agricoles.

Pour faire face aux fluctuations de prix du pétrole et parer l’épuisement futur des réserves du pays, le Congo doit s’engager dès à présent sur le chemin du développement et tenter de s’assurer un avenir post-pétrole viable. A l’heure actuelle, il n’existe pas de stratégie fiscale cohérente.

Même si le Congo dispose, depuis 2006, d’un fond de stabilisation à la Banque centrale dont le montant est de plus de 1 400 milliards de FCFA (2,1 milliards d’euros), la gestion de ce compte échappe toujours au contrôle citoyen et les Congolais s’interrogent sur la destination finale des fonds dudit compte et sur les priorités de son utilisation.

Malgré la promesse présidentielle d’audits indépendants, le Congo continue à s’illustrer par son absence de politique économique et le choix délibéré de dépendance et de clientélisme. Pourquoi ?

Outre l’évident attrait de la rente que représente le pétrole, il est garant du régime en place. Le développement et la relative prospérité des autres secteurs clés de l’économie congolaise entraîneraient l’enrichissement de certaines couches de la population et l’émergence d’une classe moyenne représentant une base au développement des contre-pouvoirs et à l’organisation d’une société civile à même de contester les "méthodes" du gouvernement.

Sans opposition, le gouvernement reste libre de profiter personnellement des revenus du pétrole et de conserver le pouvoir.
Elf Aquitaine est née en avril 1967 de la volonté d’assurer à la France son indépendance énergétique. Le parti gaulliste a alors trois attentes principales :

1. constituer un bras séculier de l’État français en Afrique ;

2. mettre en place une sorte de ministère du pétrole inamovible assurant l’approvisionnement du pays ;

3. créer une officine de renseignement dans les pays pétroliers.

A travers Elf, la France a ainsi gardé le contrôle sur certains Etats africains, dont le Congo, où la compagnie est à l’origine des premières découvertes de pétrole. On parle de "diplomatie parallèle", collusion opaque entre les sphères économique et politique avec des conséquences importantes sur la vie politique locale.

En 2008, le Congo Brazzaville a enregistré des revenus pétroliers importants (plus de 2 milliards d’euros d’excédent budgétaire, soit 50% du budget de l’Etat) alors que plus de 50% de la population vit sous le seuil de pauvreté (selon le dernier rapport du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)), dans une paupérisation persistante.

Selon le classement du PNUD publié en 2010, le Congo se classe à la 126e place (contre 122e en 2005) sur 169 avec un Indice de Développement Humain (IDH) de 0,489.

En 2010, il est classé 179e sur une liste de 183, dans l’indice sur la facilité de faire des affaires du projet Doing Business de la Banque Mondiale.

Désireuse d’apporter sa contribution au processus stratégique national de réduction de la pauvreté et d’aller à la rencontre d’un maximum de familles en difficulté, la Conférence épiscopale du Congo a réalisé, en 2006 avec l’appui technique et financier du Secours Catholique et de Misereor, une enquête sociale qui offre une idée précise des conditions de vie auxquelles doit faire face une majorité de congolais.

Bilan :

- Logements exigus et insalubres, difficultés extrêmes à se nourrir convenablement, à accéder à l’eau potable et à se procurer l’énergie nécessaire.

- Difficultés à trouver un emploi décent et suffisamment rémunérateur : revenu mensuel moyen largement inférieur au SMIC fixé au Congo à 40 000 FCFA (61 €) par mois.

- Scolarité en régression : un enfant sur trois n’est pas scolarisé, phénomène amplifié dans le milieu rural. (Et cela malgré les dispositions de l’article 23 de la Constitution de 2002 qui stipule un "droit à l’éducation garanti" et un "enseignement gratuit")

- Absence quasi-totale d’affectation des revenus pétroliers en direction des secteurs prioritaires tels que l’éducation, la santé, l’eau ou encore l’électricité.

- Faible accessibilité des pistes rurales et non-viabilité des routes départementales et nationales : enclavement de nombreuses zones du pays

- Dégradation des infrastructures socio sanitaires, vétusté du matériel, insuffisance de personnel qualifié et concentré dans les principales villes du pays : détérioration qualitative et quantitative des services de santé

- Non-respect chronique des droits civils et politiques et des droits humains des citoyens congolais (en témoigne l’élection présidentielle de 2009 organisée dans un contexte non consensuel et contestable et dont les résultats ne peuvent - eu égard au taux de participation extrêmement faible - avoir conforté une quelconque légitimité populaire) – Harcèlement, intimidation, emprisonnement des membres de la société civile défenseurs des droits de l’homme

Les actions engagées par la société civile congolaise (notamment dans le cadre de la coalition "Publiez Ce Que Vous Payez") et par les créanciers privés du Congo, ainsi que celles menées dans le cadre des Initiatives Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) et Transparence des Industries Extractives (ITIE), ont permis de révéler des différences systématiques dans les comptes des revenus pétroliers du Congo et de mettre en lumière de complexes montages financiers favorisant la fuite des capitaux vers l’étranger.

A / Attribution des permis d’exploration et de production

Le procès Elf a dévoilé un système corrompu de "bonus" qui permet à une société pétrolière d’assurer sa position sur le marché africain en versant des commissions pouvant atteindre plusieurs millions de dollars aux décideurs via des comptes offshore. Si les bonus "officiels" apparaissent bien dans les comptes du Trésor du pays hôte, ce n’est pas le cas de ces bonus "officieux" ou "abonnements".

Selon des audits réalisés par le cabinet KPMG dans le cadre du programme PPTE, le partage des gains pétroliers serait largement défavorable à l’Etat congolais. Entre janvier et juin 2003, celui-ci n’aurait encaissé que 179 milliards de FCFA sur les 328,5 milliards qui lui revenaient, réduisant sa part à 18% au lieu des 33% acquis sous le régime LISSOUBA.

(A titre comparatif, le Nigeria touche 50 à 70% de part et l’Angola 40 à 75%).

A ce jour, les clauses de confidentialité qui demeurent en vigueur dans les contrats pétroliers dispensent les compagnies Total et ENI de publier ce type d’information pour le Congo.

B / Production

La communication des activités de production des compagnies pétrolières reste floue. Début février 2006, l’ancien directeur de Total Congo, Louis HEUZÉ, se félicitait du "niveau soutenu des activités" du groupe au Congo, précisant que "la production opérée était passée de 116 000 barils en 2004 à environ 128 000 barils en 2005".

Deux semaines plus tard, un communiqué de presse sur les résultats du groupe en 2005 venait démentir cette nouvelle en indiquant que la production de pétrole de Total avait baissé de 4%, une baisse due "à des arrêts de production en mer du Nord, en France et au Congo". Selon l’ancien président d’Elf, Loïk Le FLOCH-PRIGENT, il serait même "(…) arrivé que des cargaisons fantômes échappent aux comptabilités nationales et soient partagées entre hommes de l’ombre".

Les certifications du premier trimestre 2009 révèlent la disparition d’une cargaison de 22 milliards de FCFA des comptes de l’Etat congolais, cédée, selon les commentaires du ministre des Finances, de l’Economie et du Portefeuille Public, à la SNPC (coalition congolaise, "Publiez ce que vous payez").

C / Transport

La Socotram (Société Congolaise de Transports Maritimes) constitue une "curiosité" du cycle du pétrole. Créée en 1990, cette compagnie maritime nationale de navigation collecte 40% des droits maritimes sur tout le pétrole, le bois et les autres marchandises qui transitent par les ports congolais, soit une vingtaine de millions de dollars par an.

Malgré sa fonction régalienne, la Socotram n’est pas un établissement public puisque, depuis 2005, elle appartient majoritairement (55%) à la société Guinea Gulf Shipping Company, enregistrée au Luxembourg, sans propriétaire identifié (ces parts étaient auparavant détenues par la société Shipping and Trading, domiciliée alors au Liechtenstein).

La Socotram, dont la présidence est assurée par Wilfried NGUESSO, neveu du chef de l’État congolais, n’a jamais reversé de dividendes à l’État puisque aucun poste consacré à cette société n’est apparu au budget depuis 1999 et que la Loi des Finances ne mentionne pas les revenus provenant de son activité.

La Socotram figure cependant au budget de l’Etat au titre d’entreprise subventionnée : l’État congolais lui aurait versé 3,1 milliards de FCFA (4,75 millions d’euros) en 2003 et 5 milliards de FCFA (7,67 millions d’euros) en 2004.

De plus, la Socotram s’est soustraite à l’exercice de l’ITIE en affirmant que la taxe maritime ne constitue pas un revenu pétrolier, alors que de leur côté les compagnies pétrolières la comptabilisent comme un coût d’exploitation pétrolière qu’elles se font rembourser.

D / Commercialisation

1 / SNPC et montages financiers

Dans le domaine du détournement des revenus pétroliers du Congo, la SNPC a bénéficié de "l’expérience" de son homologue angolaise la SONANGOL.

L’idée est simple : au lieu de revendre directement l’intégralité du pétrole dont elle a la charge à ses clients via son ancienne filiale Cotrade, la SNPC en vend une partie à très bon marché à des sociétés privées de revente (appartenant à des proches du pouvoir) qui revendent ensuite ce pétrole sur le marché en empochant de conséquentes plus-values. Les différentiels représentent des manques à gagner énormes pour le Trésor congolais.

Fin juin 2005, Vitol, un courtier en matières premières domicilié en Suisse, acquiert une cargaison de pétrole pour 53,46 millions de dollars auprès de l’AOGC (Africa Oil and Gas Corporation), qui l’avait auparavant achetée à la SNPC pour 49,73 millions de dollars. A priori rien d’exceptionnel. Sauf que l’AOGC, tout comme la SNPC, est dirigée par Denis GOKANA, ancien conseiller spécial du président sur les questions de pétrole : l’acheteur et le vendeur ne sont au final qu’une seule et même personne, d’où un conflit d’intérêt évident.

Cette transaction n’est malheureusement pas un cas isolé : le jugement Kensington de novembre 2005 révèle que Sphynx Bermuda, une société enregistrée dans les Bermudes appartenant au même Denis GOKANA, a acheté plus d’une trentaine de cargaisons à l’AOGC qui les avait acquises auprès de la SNPC. Au total, entre janvier 2003 et avril 2005, environ 472 millions de dollars ont transité par les comptes de ces sociétés.

Selon les audits réalisés par le cabinet KPMG, au cours de l’année 2003, la société Sphynx Bermuda a payé en moyenne 9,6% de moins que le prix fiscal officiel congolais.

A partir de ces chiffres, l’ONG britannique Global Witness estime à environ 20 millions de dollars les pertes dues aux ventes réalisées avec Sphynx plutôt qu’avec des acheteurs qui auraient payé le juste prix du marché. Le premier rapport ITIE du Congo, résultant de la conciliation des chiffres de 2004, 2005 et 2006, recommande à ce propos une révision du mécanisme de fixation des prix et leur revalorisation dans le processus de commercialisation du pétrole – la SNPC pratiquant pour la circonstance le prix fiscal systématiquement défavorable au Congo.
Cet ensemble de "sociétés écran" (AOGC, Sphynx Bermuda, Sphynx UK…) a permis à des personnes proches du pouvoir de s’approprier des centaines de millions de dollars de revenus pétroliers, des pertes pour le Trésor congolais que le cabinet KPMG estime à 29 millions de dollars pour 2003 et à 59 millions pour 2004.

Le "fonds vautour" FG Hemisphere a démontré, qu’entre 2003 et 2005, c’est près d’un milliard de dollars que les autorités congolaises ont "oublié" de comptabiliser. Mais il n’existe à ce jour aucune preuve d’un effectif transfert de la totalité des sommes dans les caisses de la SNPC et encore moins dans celles du Trésor congolais.

Majoritairement anglo-saxons, les "fonds vautours" sont des fonds d’investissement spéculatifs qui tiennent leur surnom de leurs pratiques consistant à racheter à très bas prix sur le marché secondaire la dette des pays du Sud et d’intenter par la suite des procès contre ces pays afin d’obtenir le paiement intégral de ces créances, intérêts compris.
Paradoxalement, les actions des fonds vautours se sont multipliées ces dernières années en raison des allègements de dette dont ont bénéficié certains pays du Sud dans le cadre des programmes du FMI et de la Banque mondiale.

Si, dans le cas du Congo, les actions engagées par ces fonds ont permis de révéler les mécanismes de détournement des revenus pétroliers, leur attitude n’en demeure pas moins condamnable dans la mesure où elles profitent de la faiblesse et de la pauvreté de certains États du Sud.

En incitant les pays pauvres à cacher leurs ressources, ces pratiques ruinent les efforts de coopération de ces pays dans le cadre des programmes de réduction de la dette et de lutte contre la corruption.
Le Congo a négocié dans l’opacité en 2008 un règlement avec les principaux fonds vautours qui le harcelaient.

2 / Préfinancements déguisés

L’Etat congolais s’est endetté auprès de compagnies pétrolières à travers des systèmes de préfinancements. Aujourd’hui, une part des réserves de pétrole du Congo se retrouve hypothéquée sur plusieurs années.

A ce système s’ajoutent des transactions fictives visant à faire disparaître des comptes officiels du Trésor public les revenus générés par la vente du brut congolais.

Le 27 mai 2005, Kensington International, un des créanciers privés du Congo, intentait un procès civil devant la Cour fédérale de New York contre la SNPC, son directeur d’alors Bruno ITOUA et BNP Paribas pour "conspiration […] dans le but de détourner des revenus du pétrole pour le bénéfice d’importantes personnalités publiques congolaises tout en empêchant les créanciers légitimes de saisir, soit le pétrole, soit les revenus du pétrole". Le dossier constitué par Kensington met en lumière l’existence d’une suite de transactions fictives visant à faire disparaître des comptes officiels et du Trésor public les revenus générés par la vente du brut congolais.

En cinq ans, la BNP aurait accordé 650 millions de dollars de préfinancement à la SNPC. La valeur des cargaisons servant de collatéral serait à chaque fois bien supérieure aux avances accordées, souvent le double : des cargaisons d’une valeur d’1,4 milliard de dollars auraient servi à rembourser ces 650 millions de prêts.

Un exemple : en novembre 2001, BNP Paribas a accordé à la SNPC un prêt de 13 millions de dollars gagé sur une cargaison de brut d’une valeur de 25 millions de dollars.

Les 12 millions de dollars générés par la transaction une fois le prêt remboursé auraient, selon les avocats de Kensington, atterri sur les comptes de Bruno ITOUA et de quelques autres officiels congolais.
Ainsi, la SNPC, et non le Trésor, encaisse et rembourse en pétrole l’argent prêté à l’État congolais par certaines banques françaises et, cela, dans l’opacité la plus totale.

3 / Éléments révélés par les audits de la compagnie pétrolière nationale

En 2002, le gouvernement congolais a accepté, face à des pressions nationales et internationales de plus en plus fortes, d’engager des réformes dans le domaine de la transparence financière.

Une des mesures-clés de ce programme encadré par le FMI et la Banque mondiale consistait à charger KPMG de certifier les comptes de la SNPC et de fournir des informations plus complètes sur son rôle en tant qu’agent financier du gouvernement congolais.

Ces audits ont conclu que les comptes de la SNPC n’étaient "pas certifiables ni même auditables", indiquant "des faiblesses au niveau du contrôle interne" et soulignant un risque important de « fraude ». Ils ont en outre confirmé une véritable hémorragie des recettes pétrolières de l’État congolais : ont été ainsi mis en lumière des écarts considérables entre ce que la SNPC a encaissé pour la vente du pétrole congolais et la ligne recette du budget de l’État où ces revenus sont censés figurer en intégralité. Des écarts que le cabinet KPMG chiffre à 237 millions de dollars pour l’année 2003.

Pour la période 2006-2007, le rapport d’audit de la SNPC réalisé par le cabinet GKM Constantin reconnaît des avancées et des améliorations dans la gestion des comptes de la compagnie nationale.

Il émet tout de même une série de réserves en matière de comptabilité et de finance de cet exercice, notamment sur la fiabilité des états financiers.12

Le Comité catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD) a publié en mars 2007 une première étude intitulée "Biens mal acquis…profitent trop souvent" évoquant entre autres le cas du président SASSOU NGUESSO et de certains membres de sa famille qui auraient acquis pour des sommes vertigineuses des biens immobiliers en France.

Ce document a constitué un appui solide à la plainte déposée en mars 2007 par les associations Sherpa, Survie et la Fédération des Congolais de la Diaspora à l’encontre de chefs d’État africains. Cette plainte a donné lieu à l’ouverture d’une enquête en juin 2007, classée sans suite en novembre par décision du Parquet de Paris jugeant les infractions "insuffisamment caractérisées" (malgré la révélation de biens de luxe, de voitures et de nombreux comptes en banque valant des dizaines de millions de dollars appartenant aux dirigeants, à des membres de leurs familles ainsi qu’à de proches collaborateurs).

Cette enquête représentait pourtant un premier pas important dans la reconnaissance par la France des activités illicites de certains chefs d’État africains qui bénéficient depuis de nombreuses années du soutien indéfectible de Paris et offrait l’occasion à la France de traduire dans les faits ses engagements en faveur de la lutte contre la corruption et pour le rapatriement des biens détournés.

Une nouvelle plainte avec constitution de partie civile a été déposée fin 2008 par les associations Transparency International, Sherpa et des contribuables gabonais et congolais. Malgré l’opposition du Parquet (c’est-à-dire de l’exécutif français) à l’ouverture d’une instruction indépendante, une enquête approfondie est possible depuis la décision de la Cour de Cassation de novembre 2010 avec la nomination de deux juges d’instruction.

Cela constitue un précédent historique dans le domaine du droit universel, puisqu’une association française (Transparence International France) a été autorisée à se porter partie civile sur des faits de corruption subis par des citoyens dans un pays étranger.

A / historique de la dette congolaise

En 1980, la forte croissance des revenus pétroliers permet au gouvernement de SASSOU NGUESSO (au pouvoir depuis 1997) de s’engager dans le financement de projets de développement à grande échelle. Le contre choc pétrolier de 1986 qui fait chuter les cours du brut et réduit de moitié le PNB entraîne le pays dans l’enfer de la dette.
C’est le début des préfinancements pétroliers et des prêts gagés sur le pétrole encore à extraire à des conditions très défavorables pour le Congo. En 1992, lorsque LISSOUBA accède au pouvoir, le montant total de la dette léguée par SASSOU NGUESSO est de 5 milliards de dollars.
Le gouvernement LISSOUBA va pourtant pratiquer les mêmes préfinancements et engager les ressources pétrolières du Congo dans le financement des guerres tribales entre 1992 et 1997.

Un milliard de FCFA auraient ainsi été levé de juin à septembre 1997 pour des achats d’armes. Selon l’ancien dirigeant d’Elf Loïk Le FLOCH-PRIGENT, "tous les mois, lorsque leur pétrole (était) vendu, les Congolais (voyaient) une partie de leur argent aller directement chez Elf pour rembourser ces armes".

La dévaluation de 50% du FCFA et un taux record d’inflation de 61% en 1994 achèvent de dégrader la situation du Congo, qui s’enlise dans la mauvaise gouvernance et le manque de stratégie pour le développement économique et social.

De nouveau au pouvoir en 1997, SASSOU NGUESSO promet, dans le cadre de l’Initiative PPTE, de ne plus contracter d’emprunts gagés sur le pétrole. La plainte déposée par le fond américain Kensington en mai 2005 et les emprunts gagés contractés avec la Chine tendent cependant à prouver que ces pratiques perdurent.

B / La dette congolaise : une dette "odieuse"

Le concept de dette odieuse est apparu à la fin des années 1920 dans les travaux d’Alexander NAHUM SACK, ancien ministre russe de Nicolas II et professeur de droit à Paris.

Selon les chercheurs du Centre de Droit International du Développement Durable (Montréal, travaux de 2003), une dette peut être qualifiée d’odieuse si elle répond simultanément aux trois critères suivants :

1) absence de consentement de la population ;

2) absence de bénéfice pour la population;

3) connaissance des intentions de l’emprunteur par les créanciers.
Même sous le régime LISSOUBA (élu démocratiquement en 1992), il n’est pas certain que le Parlement congolais, les organes chargés de contrôler l’action gouvernementale et surtout les citoyens aient eu connaissance des montages financiers dont il a bénéficié.

Quoiqu’il en soit, les divers prêts gagés sur le pétrole n’ont jamais engagé le pays sur la voie du développement et n’ont fait qu’aggraver la situation de la population congolaise.

Les banques françaises BNP-Paribas, Société Générale et Crédit Agricole ont joué un rôle incontestable dans le surendettement du Congo.

Fin 1998, le Crédit Agricole monte un préfinancement pétrolier au profit du président SASSOU NGUESSO: il lui verse 60 millions de dollars en contrepartie de 1,2 millions de tonnes de pétrole (soit 7 dollars le baril, la moitié du prix du marché de l’époque). Entre février 1999 et septembre 2002, Paribas puis BNP-Paribas octroient des financements aux proches de SASSOU NGUESSO pour un montant total de 500 millions de dollars, malgré la situation politique et économique du Congo et l’état d’extrême pauvreté de sa population.

Pendant des années, le Congo a été le pays le plus endetté du monde par habitant. En 2006, sa dette totale atteignait 6,5 milliards de dollars.
Rôle de la France au Congo Brazzaville
La France a joué un rôle important dans la situation actuelle du Congo, notamment à travers le soutien diplomatique, politique et financier de Paris au régime du président SASSOU NGUESSO.

Un lien reconduit sous la présidence de Nicolas SARKOZY malgré ses promesses de rupture prononcées lors de sa campagne électorale.
Organisation catastrophique des élections législatives de juin-juillet 1997 : les résultats officiels sont prononcés sans aucune indication sur le nombre d’inscrits et de votants. Le Parti Congolais du Travail et ses alliés occupent 90% des sièges. Alors qu’à l’automne 2007, le Congo évite de peu son exclusion des Initiatives PPTE et ITIE du fait du non-respect de ses engagements pris en matière de gestion des ressources publiques et de lutte contre la corruption, SASSOU NGUESSO est reçu en grandes pompes à Paris : réception au Sénat français en tant qu’invité d’honneur du 5ème Forum du développement durable, entretien avec le président français et obtention d’une augmentation du fonds de coopération à 180 millions d’euros au lieu des 80 millions prévus et recommandés par les services du Trésor et de la Coopération française.

La plainte autour des "Biens mal acquis" qui implique Denis SASSOU NGUESSO est classée sans suite en novembre 2007 bien que l’enquête policière ait montré l’étendue du patrimoine immobilier du clan SASSOU et de forts soupçons quant à la légalité des moyens de son acquisition.
Des chefs d’État africains (dont ceux du Gabon et du Congo) obtiennent l’éviction de Jean-Marie BOCKEL de son poste de secrétaire d’État à la Coopération après que celui-ci ait fustigé (sans en citer) des pays pétroliers qui gaspillent les ressources du pétrole et de l’aide au développement.

Cette séquence s’est provisoirement conclue par l’invitation, aux frais de Total, de son successeur à l’inauguration de la nouvelle plateforme d’exploitation pétrolière de la compagnie au Congo, en mai 2008.
En mars 2009, le président SARKOZY se rend à Brazzaville quelques mois avant l’élection présidentielle au Congo. La rencontre avec des opposants "modérés" n’éclipse pas les signaux de soutien au régime en place : félicitations adressées à SASSOU NGUESSO grâce auquel "le Congo a retrouvé la stabilité et la sécurité", octroi par l’Agence Française de Développement d’un prêt de 29 millions d’euros pour des travaux d’aménagement du port de Pointe-Noire, dont la gestion a été confiée au groupe Bolloré alors même que le Congo dégage des excédents budgétaires faramineux : 2,4 milliards d’euros en 2008, soit plus de 50% du budget de l’Etat.

Autant de signes qui témoignent d’une pérennisation du soutien inconditionnel apporté par la France au Congo, et d’une manière générale, aux régimes pétroliers controversés du golfe de Guinée.
Loin de la rupture ou "normalisation diplomatique" annoncée et souhaitée par de nombreux officiels français (diplomates, cabinets ministériels, parlementaires), on assiste, depuis 2007, à une affirmation décomplexée des intérêts commerciaux de la France en Afrique au détriment de la promotion de l’Etat de droit et de la gouvernance démocratique.

La stratégie pétrolière chinoise en Afrique

Les besoins énergétiques de la Chine sont en constante progression et devraient représenter, en 2010, environ 20% de la demande mondiale en hydrocarbures. Sécuriser l’approvisionnement en matières premières et en énergie est devenu une priorité dans la politique à la fois économique et étrangère de ce pays.

L’Afrique, qui représente un quart des importations chinoises de brut, a toutes les attentions de la Chine qui n’hésite pas à lui prêter des sommes colossales sans conditionner son aide aux critères de bonne gouvernance et de transparence exigés par les institutions financières occidentales.

Le Congo s’est ainsi endetté à hauteur de plusieurs millions de dollars auprès du gouvernement chinois, allant à l’encontre des accords passés avec les institutions financières internationales sur la cessation définitive des préfinancements pétroliers. La consécration des principes de transparence est ainsi conditionnée par un engagement global de tous les Etats.

Suite à la mobilisation de la société civile et notamment du mouvement en faveur de l’annulation de la dette des pays pauvres "Jubilé 2000", les institutions financières internationales ont mis en place des mécanismes d’aide.

A / l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés

L’Initiative en faveur des Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) est un dispositif global de réduction de la dette des pays très endettés qui appliquent des programmes d’ajustement et de réforme appuyés par le FMI et la Banque mondiale. Engagée en 1996, cette initiative a été réformée en 1999 (Initiative PPTE renforcée).

Objectif de ce programme : s’assurer qu’aucun pays n’est confronté à une charge d’endettement intolérable et dégager des sommes pouvant être consacrées à la santé, à l’éducation et à la réduction de la pauvreté.

B / l’Initiative de transparence des Industries extractives (ItIe)

Proposée en octobre 2002 à l’occasion du sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg par le premier ministre britannique Tony BLAIR, cette Initiative a pour objet de publier, sur la base d’une déclaration volontaire, les revenus liés aux industries extractives.

Elle fait participer directement et conjointement les gouvernements, la société civile, les entreprises et les investisseurs au développement et à la gouvernance de l’Initiative, avec le soutien technique et financier des institutions financières internationales. Toutes ces entités sont représentées au Conseil d’administration auquel siègent notamment les coordinateurs de la campagne de plaidoyer "Publiez Ce Que Vous Payez" de France et du Congo.

Cette initiative est bénéfique pour toutes les entités qui y participent : les gouvernements envoient un message fort aux institutions financières internationales de leur engagement pour la transparence, acquérant ainsi une légitimité vis-à-vis des citoyens de leur pays ; les compagnies et les investisseurs renforcent la stabilité politique, gage essentiel au bon rendement d’un investissement ; enfin les citoyens, membres de la société civile et parlementaires, disposent de plus d’informations sur les revenus publics pour peser d’avantage sur les gouvernements et leur demander de rendre des comptes.
L’ITIE suppose un dialogue important et constructif et nécessite un engagement fort des autorités puisqu’elle fonctionne sur la base du "volontariat". C’est d’ailleurs sur ce point que l’ITIE peut être considérée comme une réponse institutionnelle "partielle" aux demandes de la campagne internationale "Publiez Ce Que Vous Payez"..
Cette dernière estime que de réelles avancées en matière de transparence auront lieu si et seulement si ces publications sont rendues obligatoires pour les gouvernements.15

Pour accéder au point de décision de cette initiative, un pays possédant un niveau d’endettement insoutenable se doit de mettre en œuvre des réformes et de saines politiques économiques dans le cadre de programmes soutenus par les institutions financières internationales ainsi que formuler un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) basé sur un vaste processus participatif.
Dès qu’il l’a atteint, un pays peut immédiatement bénéficier d’un allègement intérimaire de sa dette. Cependant, afin de recevoir la réduction intégrale et irrévocable de la dette, le pays doit exécuter de manière satisfaisante les réformes fondamentales convenues au point de décision et exécuter pendant un an au moins le DSRP.

Lorsqu’un pays a satisfait à ces critères, il peut atteindre son point d’achèvement et les créanciers doivent alors lui accorder l’allègement intégral de la dette promis au point de décision. La réduction de la dette extérieure d’un pays au titre de l’Initiative PPTE suppose un engagement réel et une volonté forte des autorités de ce pays d’engager des réformes en profondeur visant à réduire la pauvreté et lutter pour le développement. MARZIN

C / la République du Congo au sein de ces initiatives

Processus PPTE

Après des premières démarches infructueuses en 2004, le Congo accède au dispositif PPTE au début de l’année
2006 grâce au soutien diplomatique de la France. En mai 2007, la Banque mondiale souligne les premiers progrès du pays dans le domaine de la santé, notamment dans la lutte contre le sida, et dans la gestion des ressources forestières.

Mais, pour la même période, la note d’information au public du FMI relève d’importants dérapages dans les dépenses publiques et l’absence d’investissements dans les secteurs sociaux susceptibles de réduire la pauvreté. Les autorités congolaises rédigent le "document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté", après avoir acquis reçu le feu vert de l’Initiative des pays pauvres très endettés, alors que l’élaboration de ce document est a priori une condition sine qua non à l’accès d’un pays à ce dispositif.

Enfin, alors que le Congo avait promis de ne plus contracter de nouvelles dettes non concessionnelles, il a par exemple effectué un emprunt auprès de la Chine à hauteur de plus de 30 millions de dollars en juin 2006.

En tout, il aura fallu plus de six ans de discussions pour que le Congo Brazzaville atteigne enfin, le 28 janvier 2010, et malgré un faible respect des engagements pris, le point d’achèvement de l’Initiative PPTE. Une bouffée d’oxygène pour les finances de ce pays pétrolier dont la dette extérieure représente plus de 50 % du PIB.

Au total, l’accord approuvé par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale permettra d’effacer 1,9 milliard de dollars. "Après les négociations avec le Club de Paris en mars prochain, il nous restera à payer moins de 1000 milliards de FCFA (1,5 milliard d’euros)", s’est réjoui Gilbert ONDONGO, le ministre congolais des Finances.

Processus ITIE

En 2004, le Congo rend publique son intention de participer formellement au processus de l’ITIE et c’est seulement fin 2007 que seront mises en place les structures de gouvernance de l’Initiative (comités exécutif et consultatif). Celles-ci se dotent alors d’un plan d’action triennal avec l’appui d’un consultant choisi par la Banque Mondiale qui ne démarrera ses travaux qu’en septembre 2008.
Mais un regret demeure pour la société civile : ce processus est assujetti à l’agenda des échéances internationales, aux dates butoirs du Conseil d’administration international de l’ITIE et aux revues du FMI ou de la Banque Mondiale liées au programme PPTE.

Le comité exécutif a publié le premier rapport ITIE pour les années 2004-2005-2006 (préparé par un conciliateur indépendant basé en France, le cabinet Ghelber et Gourdon), révélant des écarts de 133 milliards et le second pour les périodes 2007, 2008 et 2009, en novembre 2010.

Ce deuxième rapport a montré une nouvelle fois une faible volonté politique des autorités congolaises puisque l’écart de 32% qu’il révèle, entre les chiffres de versements déclarés par les pétroliers et le gouvernement congolais n’a pu être expliqué que de façon parcellaire ; les administrations en charge de cette question, notamment la Direction Générale des Hydrocarbures, le Trésor et la SNPC n’ayant pas voulu fournir d’explications sur de tels écarts.

Ainsi, lors du Conseil de l’ITIE de décembre 2010, le Congo n’a toujours pas obtenu le statut de conformité et a dû se contenter de la reconnaissance peu enviable de "progrès significatifs réalisés".
Mais la société civile s’interroge sur l’avenir de cette Initiative maintenant que le point d’achèvement de l’initiative PPTE est atteint. Selon elle, la culture de la transparence, de la responsabilité financière et de la lutte contre la corruption n’est pas encore intégrée dans les mœurs politiques congolaises.

Pour faire partie des pays candidats, le gouvernement qui le souhaite doit émettre une déclaration sans équivoque de son intention et de son engagement à collaborer avec la société civile et les entreprises, désigner un responsable chargé de veiller à la mise en œuvre des initiatives, puis élaborer avec les parties prenantes le plan de travail et le budget afférent.

Pour remplir l’ensemble des critères de validation et être pleinement conforme aux exigences de l’ITIE, le gouvernement doit élaborer et rendre public un rapport exhaustif sur la gestion des recettes générées par ses industries extractives avec l’engagement d’autres parties prenantes dans le pays.

A / Déficit démocratique et éveil de la société civile congolaise

1 / Le déficit démocratique congolais

Les dernières élections présidentielles du 12 juillet 2009 se sont déroulées sans incident majeur. Selon la presse internationale (RFI, France 24) et des ONG locales ayant effectué un travail de suivi (OCDH, RPDH, CJP), le taux de participation des électeurs aurait été inférieur à 10 %.

A la proclamation des résultats, les membres de l’opposition ont eu recours à la Cour Constitutionnelle, au sujet d’allégations de cas de fraude et de tricherie manifestes, étayées de preuves (identification de personnes chargées d’organiser l’achat de consciences, adresses, etc.) et de faits dont certains ont été relayés par des médias internationaux, tel France 24.

Mais l’institution s’est contentée de confirmer les résultats officiels, rejetant, sans autre forme de procès, les requêtes de l’opposition. Ainsi, Denis SASSOU NGUESSO, président sortant candidat à sa propre succession, a été réélu, sans surprise, au premier tour avec un pourcentage de 78,61 %, pour un taux de participation générale de 66,42 %, chiffres officiels. L’opposition, pour l’essentiel réunie autour du Front Uni des Partis de l’Opposition Congolaise (FUPOC) avait choisi de boycotter le scrutin.

Le Président de la République a prêté serment le 14 août 2009 au Palais du Parlement, sur la base d’une nouvelle politique gouvernementale dénommée "Chemin d’avenir".

2 / Une société civile congolaise qui se mobilise pour plus de transparence

La société civile dénonce les pratiques décriées du pouvoir et exerce une vigilance accrue sur la gestion des deniers de l’État. Elle apporte sa contribution au processus de démocratisation et à la lutte contre la pauvreté.

La société civile a ainsi été la première à faire entrer dans le débat public la question de la transparence dans la gestion des revenus du pétrole. En 1998, l

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