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L’AUTRE

Térèz Léotin
L’AUTRE

Serions-nous dans un pays où ce que nous faisons est d’abord soumis à ce que va penser l’autre ?

Dans un pays où tout ce qui se fait est d’abord tributaire du désir de l’autre ?

Où tout n’est réalisé qu’en fonction du bon plaisir de l’autre ?

Depuis quelque temps ´serions-nous atteints d’une frénésie maladive que nous traiterons de  "touristicose", "touristiphilie", ou encore "touristifolie"  (n'étant ni sociologue, ni médecin, nous préférons volontiers vous laisser faire le choix qui vous convient, car vous l'aurez bien vu nous ne sommes que la marraine de ces mots.)

Quand arrêterons-nous de répéter  :

« Il faut laisser la Martinique propre parce qu’il y a des touristes qui y viennent… »

« Il faut donner une belle image visuelle au touriste… »

« Il faut laisser la Martinique propre pour plaire au touriste… »

« Que vont penser les touristes ? » Etc. Etc.

Touriste par ci par là, et touriste et propreté vont de pairs ...

Ce que l’on peut comprendre des propos des bâtisseurs ou autres vendeurs de paradis et même de Monsieur et de Madame Tout le Monde c’est que s’il n’y avait point de touristes venant visiter ce pays, il n’y aurait aucune nécessité à le laisser propre.

Cela signifie-t-il que tous ceux (y compris ces gens) qui y vivent et qui y résident dupremier janvier, au trente-et-un décembre n'ont pas envie que la Martinique soit un lieu agréable et propre, rien que pour eux ?

Pourquoi ce mépris vis-à-vis d’eux-mêmes ?

Ne pourraient-ils pas avoir envie que leur pays soit propre pour eux ? Quand ce jour viendra pourquoi que tout le monde s'accorde,  la motivation, la contribution ne seront que plus fortes.

Au risque de choquer, il est urgent de malmener la parole inutile qui nous demande constamment de penser au touriste. Il faut y penser, certes, mais surtout ne pas oublier les autochtones et tous ceux qui aspirent à vivre convenablement chez eux.

Nous voulons que la Martinique soit propre. Est-ce que l’on nettoie sa maison uniquement dans l'objectif  d’une éventuelle visite ? Nous le faisons pour qu’elle soit propre. Un point c'est tout. Ce n’est pas de l’égoïsme  que de vouloir que son pays et son environnement soient d'abord entretenus pour soi ? On y passe sa vie.

Serait-ce une espèce d’auto-dénigrement qui nous amènerait à penser qu’il faut d’abord plaire aux autres ? Et nous dans cette affaire, n’existerions-nous pas ?

Dans ce pays du : I bon kon sa (cela ne vaut pas la peine d’essayer de mieux faire) on comprend l’importance que l’on attache à l’autre, sorti de partout, lui qui sait, qui se perfectionne, qui a une langue admise, recommandée même, une orthographe reconnue.

Nous ne sommes responsables de rien, nous. C’est l’autre, encore l’autre. Toujours lui. C’est peut-être pour cette raison qu’il faut donner à cet autre, l’illusion d’un pays où tout est net, et aussi pour lui montrer combien nous lui sommes redevables.

Celui-ci est un alcoolique chronique, que dira-t-on ? : Yo mété’y ka brè. (On en a fait un alcoolique). Sé mal yo fè’y ! (On lui a fait du mal.) Yo bay an driv ! (On a fait de lui un errant).  Yo tounen'y kouyon, yo ba'y brè lwuil moun mò (On en a fait un idiot).YO, toujours yo l'équivalent  du mot français on. Un  pronom indéfiniment commun à pratiquement toutes sortes d’actions qui renvoient à l’autre dont nous serions les victimes inconscientes.

Cette "bougresse" est une errante : Yo bay an driv ! Sé pa fott li. La cause de ses malheurs c’est la faute de l’autre.

Pauvres de nous qui n’y sommes pour rien. Nous n'assistons même pas à notre propre vie. Nous subissons comme tout le monde et avec tout le monde. Qui assume ? Pas nous, pas l’autre, encore moins l’errante, et surtout pas l’alcoolique ou l'idiot. Personne.

Conformément à la position dominante de l'autre, nous laissons tout à sa merci. Devrait-on en conclure que n'étant responsables de rien, nous ne mériterions même pas le loisir d'avoir un pays propre pour nous,  pour que, en tirions, un peu de profit, un peu de bonheur ?

Soyons responsables. L'oubli de soi ne conduit pas au respect de l'autre et le respect de l'autre n'implique pas l'oubli de soi. Il faut garder la Martinique belle et propre. Point.

Térèz Léotin

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