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L'ARRIVÉE DES ENGAGÉS INDIENS

L'ARRIVÉE DES ENGAGÉS INDIENS

L'ARRIVEE DES ENGAGES INDIENS sur l'île de la REUNION entre 1829 et 1882

On évalue généralement à 20000 victimes indiennes de l'esclavage qui a sévi d'environ 1700 à 1848 sur notre île, soit 5 à 20% selon les époques de notre population servile.Dénommés "pièces d'Inde", ils ne possédaient rien, n'avaient pas de nom ni d'identité - appelés seulement par un surnom ou un prénom- et étaient considérés comme des marchandises que l'on pouvait acheter, vendre, léguer à volonté.

Après l'abolition de l'Esclavage en 1848, les colons eurent recours à l'Engagisme, qui consistait à recruter sur contrat de 5 ans des personnes susceptibles de remplacer les esclaves dans les champs de canne et les usines sucrières. Pour se faire, on envoya des "mestrys" chargés de recruter des "engagés" à Madagascar d'abord,mais aussi en Asie (Chine, Indonésie), en Afrique(Angola, Mozambique, Gorée) et en Inde du SUD (Tamil Nadu)

Principalement recrutés au Tamil Nadu (Pondichery, Yanaon, Madras..) et secondairement au Bengale (Calcutta), nos engagés faisaient partie des plus pauvres : basses castes (Shudras) et intouchables. Abusés sur leurs conditions ultérieures de vie par les"mestrys", entassés à près de 300 à 500 par bateau dans des espaces clos et mal ventilés sur l'entrepont des navires, victimes d'un manque d'hygiène flagrant voire de violences dès leur embarquement...beaucoup mouraient durant la traversée d'un mois environ ou contractaient de graves maladies à bord (scorbut,diarrhées etc..) en raison de ce confinement et du manque d'hygiène à bord.On embauchait quelques coolies volontaires pour la cuisine à bord : riz/dal/poisson séché ou salé composaient le menu quotidien + 3 litres d'eau/personne sur 2 repas.

C'est exténués et le plus souvent malades (oreillons, gale, diarrhées, coliques et bronchites fréquentes...) qu'ils arrivaient en vue des côtes réunionnaises, d'où le désir des services sanitaires de la colonie de les cantonner quelque temps dans un lieu de quarantaine : le lieu-dit de "la grande chaloupe" situé à flanc de falaise, entre les 2 principales villes de l'île : St Denis et St Paul.

Généralement le médecin-chef de la colonie montait à bord pour mesurer l'étendue du désastre au plan sanitaire. Si les "lazarets"
ces lieux de quarantaine étaient déjà bondés, c'était au large, en rade sur le bateau que devaient séjourner nos engagés.

2/3 des engagés (72% d'hommes) étaient recrutés pour l'agriculture, 1/5e pour la domesticité (jardiniers, cochers...) Quelques rares femmes (16%) comme cuisinières ou gouvernantes pour s'occuper des enfants des colons.

Depuis 1827, on débarquait les engagés sur le lazaret de "la ravine à Jacques" mais celui-ci devenu trop petit et quelque peu délabré, ceux de la grande chaloupe prirent le relais.

Il y a en fait 2 lazarets-composés chacun de 2 bâtiments parallèles.Aujourd'hui,il ne subsiste qu'un seul bâtiment sur 4,
actuellement rénové, les autres étant laissés à l'abandon ...

4 personnes devaient superviser les lieux :le capitaine du lazaret,
l'infirmier, l'agent comptable et un gardien.

L'eau est amenée par un aqueduc,une fontaine et 2 bassins par les coolies chargés de la corvée d'eau. Une autre équipe était chargée d'amener le bois pour faire cuire le manger et...fabriquer les cercueils (un petit cimetière jouxtait l'infirmerie). Une troisième équipe était chargée de l'entretien des lieux (dortoirs, cours, latrines et la quatrième d'apporter -de St Denis- et de préparer la nourriture.Quelques "commandeurs mestrys" étaient chargés de la discipline et de la surveillance.

La nourriture était principalement composée de 800g de riz/jour/immigrant de 125g de morue salée ou séchée et de 250g de légumes. Parfois un peu de piment, de safran et de tamarin secs comme assaisonnement.Elle était préparée par les indiens dans de grandes marmites.

Au niveau couchage,on séparait les hommes des femmes.Une natte en jonc et une couverture de laine étaient distribués-et brulés en cas d'épidémie-. Les dortoirs étaient éclairés la nuit par des lampes fonctionnant à l'huile de coco...mais celle-ci était très prisée des femmes qui "l'empruntaient" souvent pour s'oindre le corps et graisser leurs cheveux.

Le médecin chef avait un petit appartement près de l'infirmerie-en réfection actuellement- et veillait comme l'infirmier à l'hygiène (ablutions, lavage linge, nettoyage des communs). On restait de 10 à 30 jours en ces lieux de quarantaine avant d'être transférés au Jardin de la Morinière et au Jardin de Floris où les colons venaient les recruter.Ainsi les familles devaient-avec bagages et enfants- faire 8H de marche à pied pour se rendre en ces lieux.
Un engagement de 5 ans s'en suivait ainsi qu'une rémunération de 10 à 12F/Mois

Les engagés qui ne trouvaient pas preneurs-car malades ou trop agés-(Hommes de plus de 36 ans et femmes de plus de 30 ans) étaient "rebutés", renvoyés en Inde(20 à 25% aux frais des introducteurs) ou "bradés" par lots de 5 à 10 personnes.
Le contrat d'engagement -généralement de 5 ans- comportait très logiquement des droits et des devoirs : 26 jours de travail/mois,
messe quasi obligatoire tous les dimanches...

7/10e du convoi partait pour les sucriers, 2/10e pour les planteurs et industriels et le reste en domesticité.

La nourriture d'un engagé se composait de 200g de morue ou de poisson séché, de 200g de viande fraiche ou salée et de 85 cl de riz.Comme vêtements,on leur délivrait 2 chemises, 2 pantalons et 1 mouchoir de tête. Les femmes disposaient de 2 robes et de 4 mouchoirs de tête. Ils bénéficiaient en principe de l'aide médicale gratuite et des frais de rapatriement en fin de contrat mais pouvaient être cédés à un autre engagiste.

Si la durée quotidienne de travail était en principe de 12H (moins 2H 30 de repas) , c'était bien souvent des journées de 15 ou 16H que nos engagés devaient endurer.

A l'époque, pour parler de ces hommes, on parlait entre colons de cargaison, de lots et de rebuts.Ils n'étaient en fait pas beaucoup mieux considérés que les esclaves de la période antérieure...et traités comme des marchandises que l'on peut à volonté vendre ou acheter..
L'Engagisme a concerné environ 65000 personnes dont 38 000 indiens et 27 000 africains.L'affranchi de la période précédente ne voulait en effet plus entendre parler du travail de la terre...

La mise en quarantaine fut considérée comme "un mal nécessaire" puisqu'on a tout de même noté durant cette période plusieurs graves épidémies au sein de la colonie : variole (1852), choléra (1859),paludisme et typhus(1864/68).

Patrice LOUAISEL

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