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La déroute de la pseudo-intelligentsia martiniquaise : affairisme, arrivisme et médiocrité intellectuelle

Raphaël Confiant
La déroute de la pseudo-intelligentsia martiniquaise : affairisme, arrivisme et médiocrité intellectuelle

   Il est difficile de définir dans une colonie ce qu'est une intelligentsia.

   Dans les pays du Nord ce terme renvoie à celles et ceux qui, au-delà de leurs seuls diplômes, s'emploient à penser leur société et son devenir, questionnent le réel, proposent des pistes permettant d'envisager l'avenir ou même lancent des théories hardies, parfois empreintes de saine utopie. S'il est vrai qu'en France et aux USA, pour ne prendre que ces exemples, les "nouveaux philosophes" (BHL, A. GLUCKSMAN, A. FINKIELKRAUT etc.) ont contribué à discréditer quelque peu le magistère de l'intelligentsia, des sentinelles de la pensée continuent vaille que vaille à en maintenir le flambeau : Edgar MORIN, Alain BADIOU, Noam CHOMSKY, Angela DAVIS ec. En Amérique du sud, Walter MIGNOLO, Enrique DUSSEL ou encore Ramon GROSFOGUEL jouent un rôle similaire.

   Qu'en est-il de notre "plus petit canton de l'univers", selon le mot d'Aimé CESAIRE, notre Martinique ?

   Ou plus exactement : où sont passés nos grands intellectuels ? Ceux qui ont fait exister définitivement notre pays sur la carte du monde, les CESAIRE bien sûr, René  MENIL, Frantz FANON, Edouard GLISSANT ? Plus précisément: la Martinique (et cela est aussi valable pour la Guadeloupe) est-elle encore un lieu où une pensée critique, des pensées critiques, peuvent être élaborées, publiées, entendues, lues et critiquées ? En clair, existe-t-il encore une intelligentsia, un univers intellectuel dans notre pays ?

   La réponse est, hélas, NON !

   Les diplômés ont pris le pas sur les intellectuels et nous avons sombré, depuis le début du nouveau millénaire, dans une sorte de nuit de la pensée, de néant critique et d'autosatisfaction obscène. Il n'est donc pas étonnant que depuis presque vingt ans, aucune idée novatrice, aucun mouvement d'idée ou de pensée n'ait vu la jour. Ce ne serait pas grave si ces diplômés, pour qui les intellectuels ne sont que des rêveurs insignifiants, avaient réussi à arracher notre pays au marasme économique et sociétal dans lequel il baigne. Puisqu'ils n'ont à la bouche que "le concret", "le pragmatique", "le sérieux" ou "l'efficace", on se serait attendu à ce que mettant tout cela en œuvre, ils soient parvenus à, enfin, faire émerger notre pays.

   Or, ces champions du "concret", régnant désormais en maîtres dans le champ de la pensée, n'ont jamais pu faire reculer ne serait-ce que d'un demi-millimètre ledit marasme. Bien au contraire ! Jour après jour, notre pays (et là encore, ceci est vrai pour la Guadeloupe) s'y enfonce et aucune porte de sortie, aucune issue de secours n'est repérable. Mais il y a bien pire : à cette médiocrité intellectuelle auto-satisfaite, à ce rapetissement de la pensée qui se satisfait de régner de Ravine Touza à Morne Balai ou la Savane des Pétrifications, il faut ajouter la décadence morale, la perte de toute éthique.

    Car au-delà de la pensée, ce qui différencie un intellectuel véritable d'un simple diplômé (fut-il Bac + 12), c'est son incorruptibilité. Un intellectuel n'est pas achetable. Il n'est pas domesticable pour un petit poste de chefaillon, pour des titres ronflants mais creux, pour des prébendes (billets d'avion en première classe, per diem etc.) et pour des espèces sonnantes et trébuchantes. Dans un pays encore colonisé tel que le nôtre, un intellectuel ne peut être en aucune façon du côté de la corruption. Il ne peut "soutirer", a sens créole du terme, le copinage, le népotisme, le clientélisme et les détournements de fonds publics. Mieux : il est de son devoir de dénoncer, sans concession et quels que soient les risques encourus, de telles pratiques.

   Scandale du CREDIT MARTINIQUAIS, nos diplômés ne connaissent pas ! Empoisonnement de notre pays au CHLORDECONE ? Ah bon, c'est quoi ça ? Scandale du CEREGMIA ? La Cour des Comptes et le Sénat ont exagéré ! Le crash de l'avion-poubelle de la WEST CARIBBEAN ? C'est sans doute la faute de la météo ou des pilotes ! La fusillade de la boite de nuit "LE PAPARAZZI" ? Bof ! Juste un fait divers ! Et le reste à l'avenant : EX-PAY, BOODOOM, GRAN CHAWA, Couveuses du Saint-Esprit, Vedettes MADININA, ODYSSI etc..., toutes ces petites et grandes entorses à l'éthique n'ont jamais empêché nos chers diplômés de dormir.

   Si bien que quand on les voit, ces diplômés, célébrer en grandes pompes les anniversaires de la mort de CESAIRE ou de FANON, eux qui trahissent tous les jours les idéaux de ces deux grands Martiniquais, il y a de quoi bouillir de colère. On a envie de leur hurler : "Arrêtez de salir la mémoire de l'auteur du Cahier d'un retour au pays natal et celle de l'auteur des Damnés de la terre ! Arrêtez ! Contentez-vous de vous goinfrer avec vos prébendes et fermez-la !".

   Oui, bouclez-la !...

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