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LA CRÉOLITÉ EN DÉBAT : POUR UNE FIERTÉ RETROUVÉE

LA CRÉOLITÉ EN DÉBAT : POUR UNE FIERTÉ RETROUVÉE

{ {{La conférence d’ouverture du deuxième Festival kreol samedi a suscité un réel engouement. Deux des invités sont venus des Antilles, berceau des revendications identitaires créoles. Les Antilles ont déjà traversé des épreuves qu’il nous reste à franchir. Reste des ponts à construire…}} }

Ils étaient nombreux ceux qui ont fait un effort vestimentaire pour assister à la conférence d’ouverture du Festival kreol 2007.
La créolité à Maurice et aux Antilles, même combat ? C’est en tout cas à parité de nombre que Maurice et les Antilles étaient représentées à la conférence d’ouverture de la deuxième édition du Festival kreol.

D’une part : {{Patricia Chatenay-Rivauday}} de Guadeloupe. Elle est responsable d’ingénierie de formation dans une institution consulaire, et {{Rodolf Etienne}} de la Martinique, qui est journaliste et auteur d’une traduction de Les Indes d’Edouard Glissant.

A leurs côtés, {{Arnaud Carpooran}}, chargé de cours en linguistique à l’université de Maurice et Dev Virahsawmy, poète et écrivain.

Ils ont mis en lumière la créolité sous des angles divers : linguistique, épistémologique et historique. Pour autant, les interventions avaient un net ancrage dans la réalité. Une réalité qui n’est pas la même à Maurice et aux Antilles.

La créolité est un concept mûr aux Antilles. {{Rodolf Etienne a rappelé l’apport des créolistes Lambert-Félix Prudent, Raphaël Confiant et Edouard Glissant entre autres.}} Les îles de la Caraïbe se sont interrogées plus tôt sur le sens de leur identité, alors que la réflexion locale a été orientée vers les combats pas encore gagnés contre les préjugés, que ce soit dans la société ou dans le système éducatif public.

{{Invention culturelle métisse}}

Née dans un espace insulaire, dans un contexte d’oppression, la créolité est une invention culturelle nouvelle, ouverte et métisse. Le linguiste mauricien Arnaud Carpooran a d’ailleurs souligné le sens étymologique du terme créole, dérivé du latin creare, créer.

Les Antilles, les Mascareignes, les Seychelles partagent une culture aux identités multiples. La créolité est un dénominateur commun pour nos mondes insulaires qui ont connu des matrices comparables mais dont les évolutions ont été différentes.

Avec – constat des deux intervenants locaux – un certain retard à Maurice. Certes la culture créole existe bel et bien chez nous. Toutefois, l’histoire de notre île ne lui a pas été favorable. Tellement dépréciée, la culture créole a fini par être rejetée par ceux-là même qui devaient en être les chantres.

L’institution d’une Commission Justice et Vérité a été le point de départ des arguments d’Arnaud Carpooran. Il s’agit de réhabiliter une culture, et de fait, toute une frange de la population. Plus qu’un simple mécanisme manichéen, c’est tout un système pervers de dominants/dominés qui s’est perpétué dans la société mauricienne. Jusqu’à devenir un obstacle à l’avènement d’une créolité assumée, d’une part par les créoles mauriciens, d’autre part par l’ensemble de la population insulaire. Car qu’on le veuille ou non, chacun des groupes s’est créolisé au contact des autres.

Cependant, si la conscience créole est plus ancienne aux Antilles, l’influence nord-américaine apparaît comme un défi à relever. Ne pas laisser l’exogène prendre le pas sur une culture évolutive et dynamique. La créolité se crée encore. Elle s’anime toujours. Parce qu’elle est ouverture. Néanmoins, le risque serait de ne pas la protéger.

Si le défi antillais serait de résister à l’influence d’un modèle occidentalisant, si ce n’est mondialisé, la gageure mauricienne est de parvenir à panser les plaies du passé pour avancer sur le chemin d’une créolité plus aboutie.

Avec vigueur, Dev Virahsawmy a souligné l’importance de notre langue nationale. Plus que de créole, il s’agit de morisien. Non pas un pidgin ou une langue bâtarde dérivée du français. C’est une langue à part entière. Une langue nationale que tous les Morisiens partagent. Un ciment de la société. L’écrivain et poète a étayé son propos en évoquant les résultats positifs du Prevokbek. L’utilisation du créole dès le plus jeune âge permet de mieux réussir, d’assimiler mieux les connaissances. Or, la dépréciation du créole handicape l’enfant. Pire, elle handicape toute une culture.

{{Prise de conscience}}

Avec franchise non dénuée d’un humour piquant, Dev Virahsawmy, a aussi appelé à une prise de conscience de la part des Afro-créoles. La catégorie de la population créole la plus nombreuse, mais la plus marginalisée. Africanité et créolité doivent se retrouver avant de poursuivre le chemin.

Pour certains, les aspects culturels africains portent le sceau de la honte et de l’infamie. Auto-mutilation identitaire. Le groupe créole est hétérogène et porte encore les stigmates des souffrances desquelles il est né. Pourtant, la créolité mauricienne ne peut faire fi des ces influences africaines. Il ne faut pas pour autant qu’elle soit folklorisée ou instrumentalisée.

La créolité à Maurice doit d’abord se trouver avant de s’ouvrir à ses îles-sœurs créoles. La grande famille créole, ou pan-créole pour reprendre Rodolf Etienne, est vivace. Maurice fait figure de benjamine. La place de la langue créole, la place du groupe créole, a fortiori du groupe afro-créole, doivent être, sinon revalorisés, au moins débattus. En somme, il s’agit de construction nationale. Aboutie, c’est une nation entièrement créolisée qui s’éveillera, résolument moderne parce que métisse.

Les Antilles ont de l’avance. Elles poursuivent la réflexion sur une identité qu’elles partagent avec nous et nos voisins de l’océan Indien. Maurice porte en elle l’ouverture si caractéristique de la créolité. «Le Créole est un être planétaire .» Seulement, cet être se perd parfois dans les méandres du multiculturalisme mauricien. Le pari est, bien sûr, celui de l’interculturel.

Le processus est en marche. Les questions, aussi gênantes soient-elles, devront être posées. Le festival n’est pas que «jalsa ». La réflexion sur notre identité riche et plurielle reste fondamentale.

{{Patricia Chatenay-Rivauday, {la créolité au féminin}}}

■ Très applaudie, l’intervention de la Guadeloupéene a été suivie avec intérêt par la salle de conférence pleine à craquer de l’hôtel «La Plantation». Prônant le féminin sans être féministe, Patricia Chatenay-Rivauday a su éviter l’écueil d’un discours cliché. En mettant la femme créole au centre de son propos. Lui redonnant sa place dans la mouvance créole. Celle d’un vecteur de la langue et de la culture, un vecteur qui accomplit sa tâche avec fierté. Les femmes ont un rôle d’importance dans ce combat. Défendre. Promouvoir. Assumer. Pour en tirer une fierté. Combattre pour la créolité. Etre fier d’être créole. Etre fier d’utiliser la langue créole. C’est en substance le message de la Guadeloupéenne, Patricia Chatenay-Rivauday. Les femmes participent grandement de l’éveil des jeunes générations. C’est en ce sens qu’elles ont un message à véhiculer. Une culture à transmettre. Décomplexée, sereine. Les terres créoles prennent conscience de leur richesse. Les contacts se renforcent. En cela, des réseaux, notamment de femmes défendant leur culture insulaire, doivent être mis en place.

Elle c’est aussi la «zoli madam» – le mot est du Premier ministre – assise à ses côtés à la table de la conférence. Exemple de la globalité de la créolité, Navin Ramgoolam devait faire sourire l’assistance en disant : «Moi monn koir li présidente kit organizasion. Mo pe koz ar li an kreol et li pe reponn moi an kreol mem, se apre enn bon moman ki monn al kone ki li sorti Guadeloupe.»

{{Gilles RIBOUET}}

{{ [Source->http://www.lexpress.mu/display_article_sup.php?news_id=98797]}}

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