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Jean-Michel Loutoby, entre danse sensuelle et réflexion jubilatoire

Serghe KECLARD
Jean-Michel Loutoby, entre danse sensuelle et réflexion jubilatoire

  Lorsqu'on rencontre les œuvres picturales de Jean-Michel Loutoby, on est d'abord frappé par la jubilation des couleurs, primaires de préférence, et la ductilité des formes. Non pas qu'elles soient d'un accès immédiat et se dévoilent incontinent, mais plutôt qu'elles invitent à la danse du corps et de l'esprit.

  En augmentant le Réel, les toiles de cet artiste, robertin d'origine, le ré-enchantent et nous permettent, du même coup, de découvrir le monde  autrement. Beau et plutôt attachant. La cosmogonie loutobyenne, qui revendique Picasso, Miro ou Braque et ce faisant, l'Afrique subsaharienne - puisque ces derniers (surtout Picasso) ne peuvent se comprendre sans évoquer la statuaire traditionnelle africaine, les masques africains - est profondément martiniquaise. Et c'est ce détour, par ces grands devanciers de l'Ailleurs, qui l'installe, par un cheminement dont seul l'Art a le secret, dans un lieu, dans son lieu. Ne dit-il pas, lors d'un entretien qu'il a accordé à Jean Marc Rosier, que : «l'Ailleurs nous dévoile  à nous-mêmes» ? Loutoby n'advient pas à la peinture dans une splendide solitude, même si son travail pictural peut paraître singulier et disruptif, mais il ne saurait s'appréhender en dehors de la bande dessinée et de la tradition picturale martiniquaise voire caribéenne.

  D'une part, ses aplats construits, en effet, avec des personnages qui évoquent, par leur graphisme épuré, les pétroglyphes amérindiens et les protagonistes de ses BD enfantines, nous invitent à  entrer, nous aussi, de plain-pied dans le royaume  de l'absolue légèreté. Cependant, si Loutoby tombe en enfance, il n'est jamais puéril, pas sé pa lafèt ki la ! C'est sa réponse généreuse au tragique du monde.

  D'autre part, le peintre martiniquais qu'il est, n'a pas oublié la dimension rhizomique de son héritage culturel : ses portraits de Fanm doubout (Corps de femmes, «Man Sonson» ou «Man Titine» ) convoquent ceux de Raymond Honorien, de l'Atelier 45, de Paule Charpentier, mais en plus lumineux. On retrouve, pareillement, dans ses coups de pinceau, les courbes, les étirages, les rondeurs chers à Hector Charpentier, à Jean-Michel Boulangé, à Yves Jean-François, les signes caractéristiques de l'écriture picturale d'Henri Guédon et même, les griffures et le sens du rythme des œuvres du cubain Wilfredo Lam.

  Néanmoins, là où Jean-Michel Loutoby excède ses indéniables références, c'est qu'il fait sienne la recommandation fondamentale, à lui, adressée par un de ses mentors, René Louise : «Il faut  pouvoir  se dire maintenant que l'œuvre est terminée. Makak afos karésé yich-li, i fini pa tjwé'y. L'œuvre est là, on n'y touche plus. Ta frustration, sers-t'en pour commencer une autre toile.»

  Ses tableaux vont, alors, continûment dialoguer dans une interaction mutuellement éclairante.

-  Ce sera le cas, des diptyques : «Ambiance tropicale» (huile sur toile,90×90 cm, 2018) et «Ensorceleur musical» (huile sur toile, 90×90 cm, 2018), mettant en scène, dans une ambiance bleutée et joyeuse, deux musiciens stylisés au xylophone et à la contrebasse.

- Ou encore, «Dansons jusqu'au bout de la nuit» (huile sur toile, 130×81 cm, 2018) et «Tango sous les tropiques» (huile sur toile, 130×81 cm, 2018), révélant, vêtus de coloris chatoyants, des danseurs et danseuses aux mouvements exquis de grâce et à la profonde humanité.

- Voire, des triptyques : par exemple, «Dansons» (huile sur toile, 130×80 cm, 2017), «Danseurs» (huile sur toile, 90×90 cm, 2017) et «La famille» (huile sur toile, 130×80 cm, 2018) au graphisme qui emprunte aux pétroglyphes et à l'encrage de la BD, dans une volonté, justement, d'ancrer les corps, avec délectation, dans le passé, le présent et le futur...

  Par surcroît, l'œil de Dieu ou celui de l'autre démiurge, le peintre soi-même, est omniprésent. On le retrouve, à l'extrémité des boules qui servent de têtes aux créatures à l'allure d'humanoïdes croquées à grands traits. On le retrouve également, énorme, à l'extérieur des corps abstraits, les constituant, les dominant ou les désarticulant de manière ludique.

  En définitive, Loutoby nous propose un monde parallèle entre espaces colorés et blancs, entre imaginaire et réalité, entre onirisme festif et (in)temporalité poétique. Aussi les entretextes de Jean-Marc Rosier qui accompagnent les travaux picturaux de l'auteur, dans le somptueux ouvrage, Jean-Michel Loutoby, corps, mémoire du futur, chez K. Editions, révèlent-ils, ô combien, la richesse de leur composition. Entre danse sensuelle et réflexion jubilatoire.

Les œuvres picturales de Jean-Michel Loutoby sont proclamations de Beauté. Aussi, l'alacrité qui en émane, constitue-t-elle, par ces temps troublés, un baume inestimable et le don inespéré d'un artiste fraternel.

 

                                                                    Serghe Kéclard, novembre 2018

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